Si le mouvement a clairement marqué le pas pour sa sixième mobilisation nationale, la colère pourrait trouver de nouvelles expressions à la rentrée.
«Je fais le constat d’un réel tassement de la mobili-sation. Moins de 39 000 manifestants ont été recensés contre 66 000 samedi dernier, qui était déjà une journée en forte baisse », a estimé le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, sur Twitter, dénombrant ce week-end 104 «points de tension », soit « trois fois moins » que le précédent.
« Personne n’est convaincu par les mesures de Macron »
En ce sixième samedi consécutif de mobilisation, de multiples rassemblements ont persisté. Plusieurs blocages aux frontières avec l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne ont été observés.
À Paris, les manifestants ont circulé en groupes épars, parfois « nassés » par les gendarmes durant six heures comme près de la gare Saint-Lazare. 179 personnes ont été interpellées et 36 placées en garde à vue, dont l’un des porte-voix des gilets jaunes, Éric Drouet. Est-ce à dire que cet acte VI de la mobilisation est un point final ? Le pouvoir le souhaite. « C’est maintenant l’ordre, le calme et la concorde qui doivent régner », a commenté Emmanuel Macron depuis le Tchad, où il réveillonnait avec les soldats de la force « Barkhane ». D’autres signaux pourtant devraient inciter l’exécutif à la prudence. Comme José, rencontré samedi à Paris, pour qui, « en janvier on repartira comme au début », car « personne n’est convaincu par les mesures de Macron » et les 10 milliards d’euros mis sur la table.
Le reflux de la participation, que les chiffres du ministère exagèrent – à Paris, les 2 000 gilets jaunes comptés par la préfecture font sourire n’importe quel observateur –, laisse néanmoins le champ plus libre à des éléments radicaux, devenus du coup plus visibles, actifs sans parvenir à être en pointe. Le gouvernement s’est saisi en particulier d’un incident, trois motards de la police pris à partie sur les Champs-Élysées, pour affirmer que « certains continuent à venir manifester, animés par la haine des institutions ». La diffusion dimanche de l’intégralité de la vidéo tournée le samedi montre qu’initialement les trois policiers à moto lancent des grenades lacrymogènes sur des manifestants défilant à une trentaine de mètres d’eux, alors qu’aucun ne vient à ce moment-là au contact. La réaction de groupe, qui contraint les policiers à la fuite, témoigne néanmoins d’un rapport nouveau avec une autorité vue comme délégitimée.
Pour le pouvoir, tout est prétexte à reprise en main
Pour le chercheur Laurent Mucchielli, « pour réprimer les manifestants, le gouvernement a eu recours à des types d’unités et des moyens dont l’emploi pose clairement question (…) sur le degré de violence dont il est prêt à user pour faire taire la contestation ».
Tout est prétexte à reprise en main pour le pouvoir. Vendredi soir, des gilets jaunes ont organisé le simulacre d’une décapitation d’une effigie d’Emmanuel Macron à Angoulême (Charente). Pour la préfecture, ces faits « portent gravement atteinte tant à la personne qu’à la fonction du président de la République », et le parquet d’Angoulême a été saisi. Les gilets jaunes, peut-être à l’heure de la trêve, ont fait l’expérience de solidarités retrouvées, fait réémerger dans le débat public les antagonismes de classes. Si personne ne peut en prédire l’issue, il y a un avant et un après-gilets jaunes. Le pouvoir, qui projette une réforme des retraites en 2019 et n’a pas officiellement renoncé à sa réforme constitutionnelle, serait bien inspiré d’en tenir compte.
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