Santé. 1er janvier 2019, les soignantes de néonatalogie inaugurent la grève

«    Nous avons alerté l’ARS, le procureur... Rien n’a bougé depuis. La direction refuse de reconnaître la gravité de la situation.  » Photopqr/La Dépêche du Midi/Maxppp

« Nous avons alerté l’ARS, le procureur… Rien n’a bougé depuis. La direction refuse de reconnaître la gravité de la situation. » Photopqr/La Dépêche du Midi/Maxppp
Jeudi, 3 Janvier, 2019

C’est une première pour les infirmières et aides-soignantes du service des prématurés du CHU de Purpan, à Toulouse, en grève illimitée. Elles refusent de mettre en danger la sécurité des bébés, faute d’effectifs et de moyens suffisants.

«Tout le monde est surpris car en général nous ne faisons pas de bruit », commente Karine, infirmière puéricultrice, en grève illimitée depuis le 1er janvier comme la majorité de ses collègues du service de néonatalogie du CHU de Purpan, à Toulouse. Du jamais-vu dans cet établissement, le seul à prendre en charge les grands prématurés, les bébés souffrant de pathologies graves d’une dizaine de départements et de l’ancienne région Midi-Pyrénées. A-t-elle été inspirée par la mobilisation des gilets jaunes ? « Oui, il y a peut-être eu un déclic. Le fait que cela bouge un peu partout en France », concède la soignante, porte-parole des grévistes. Mais le fond du problème, « c’est la sécurité des bébés. Les sous-effectifs et le manque de moyens matériels qui font courir des risques aux nourrissons. Nous ne pouvons pas l’accepter », estime-t-elle.

Il manque une dizaine d’infirmières

Les grévistes demandent le recrutement de deux cadres dont les postes sont vacants depuis le 21 décembre, d’une dizaine d’infirmières et de matériel. « Il manque des couveuses. Nous sommes en rupture de stock sur tout, notamment sur le matériel que nous utilisons quotidiennement et que nous sommes contraints d’emprunter aux autres services. » Karine raconte la course permanente alors que chaque enfant « demande du temps ». « On réalise des transferts trop précoces vers les hôpitaux de la périphérie. (…) On accélère les sevrages de leurs respirateurs », se désole l’infirmière, qui regrette le temps également compté pour accompagner les parents, « dont certains ne connaissent même pas le pronostic vital de leur enfant ». Comment trouver 20 minutes pour installer le nourrisson et son parent « peau à peau » – un dispositif pourtant salutaire pour le bon développement des nourrissons prématurés – quand il manque une dizaine d’infirmières ? Comment trouver 15 minutes pour changer un bébé de 800 grammes quand les plannings laissent des nourrissons sans soignants durant 1 h 30 le matin et trois quarts d’heure en fin de journée ? Karine résume en quelques mots ce qui se joue dans cette grève : « Nous aimerions retrouver la qualité. » Une marque de fabrique dans ce service reconnu deuxième centre Nidcap de France, après celui de Brest. Le Nidcap est un mode de prise en charge qui respecte la singularité de chaque nourrisson grâce à une approche très individualisée des grands prématurés. « Faute de personnel, nous ne pouvons pas mettre en œuvre cette pratique qui repose sur l’observation fine des enfants alors que nous formons des professionnels de tout le pays. Cela nous choque terriblement », poursuit Karine. Mais si l’équipe du service de néonatalogie a fait voler en éclats la trêve des confiseurs en décidant de se mettre en grève les douze coups de la nouvelle année tout juste sonnés, c’est parce qu’une limite a été franchie. « Mercredi dernier, onze bébés ont dû être pris en charge en réanimation au lieu de quatre habituellement, et cela sans personnel supplémentaire. Par ailleurs, neuf nourrissons n’ont pas eu d’infirmières attribuées durant 2 h 30 dans la journée. Au mois de juillet déjà une alerte avait été lancée, cette fois, par les médecins. Huit lits avaient été fermés, obligeant à transférer plus rapidement encore les nourrissons. L’un d’eux a failli y perdre la vie. L’ambulance qui le conduisait à l’hôpital de Carcassonne avait dû faire demi-tour alors que l’enfant faisait un malaise. Nous avons alerté tout le monde, l’ARS, le procureur, précise Karine. Rien n’a bougé depuis. La direction refuse de reconnaître que nous sommes en sous-effectif. »

Une expertise sur les conditions de travail doit débuter dans quelques jours suite à une alerte de « danger grave et imminent ». « C’est exceptionnel, souvent, lorsque en CHSCT nous obtenons de telles enquêtes, la direction les attaque. Ce n’est pas le cas cette fois », explique Julien Terrié, secrétaire de la CGT de l’hôpital. Salariés et CGT font le même constat : en réanimation, une infirmière devrait s’occuper de deux lits, elle en a aujourd’hui quatre en charge. Et six lits au lieu de quatre quand il s’agit de prodiguer des soins standards. Pour le syndicaliste, le CHU enfreint la loi : « On parle de nourrissons dont certains ne pèsent que 500 ou 600 grammes. À nier les problèmes d’effectifs, on pourrait croire que la direction n’a pas un gramme d’humanité. »

Sylvie Ducatteau

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