Démocratie. En Auvergne, des gilets jaune convoquent leur député

À la Maison du peuple, le 10 janvier. «  Cet échange direct, sans filtre, reflète la diversité de notre peuple, avec ses inquiétudes, ses colères, sa recherche de solutions, ses impatiences    », a constaté André Chassaigne.

À la Maison du peuple, le 10 janvier. « Cet échange direct, sans filtre, reflète la diversité de notre peuple, avec ses inquiétudes, ses colères, sa recherche de solutions, ses impatiences », a constaté André Chassaigne.

Les manifestants de Lezoux, près de Clermont-Ferrand, ont invité jeudi l’élu PCF André Chassaigne à une rencontre publique, la première du genre dans ce département.

La Maison du peuple n’a jamais si bien porté son nom. Jeudi 10 janvier, à Lezoux, 250 gilets jaunes, des soutiens, des curieux aussi, ont répondu présent à l’invitation des gilets jaunes lancée au député de la circonscription, le communiste André Chassaigne. Dans une salle comble, à l’image du mouvement, beaucoup de femmes, de nombreux retraités. De la colère aussi, comme celle que laisse éclater un restaurateur.

Pendant de longues minutes, il explique comment l’injustice fiscale anéantit ses efforts, ceux-là mêmes niés par Emmanuel Macron, il y a quelques jours. D’une voix forte, l’homme raconte les 913 euros par mois que lui assure une vie entièrement consacrée au travail. « Où vont la TVA, la CSG, où va l’argent ? » interroge-t-il vivement.

« Comment rétablir la justice fiscale ? » C’est l’une des quatre questions soumises, quelques minutes seulement avant le début de la réunion, à André Chassaigne, avec la démocratie et le référendum d’initiative citoyenne, l’écologie et la justice sociale, le grand débat national. Ce face-à-face, le premier du genre dans le département, s’annonçait vif entre l’homme politique et des citoyens dont beaucoup ont la dent dure contre les élus de tout bord comme cette jeune femme qui égrène « les privilèges » des parlementaires trop nombreux à son goût. Et ce fut le cas. « J’ai vécu un moment très fort. Cet échange direct, sans filtre, reflète la diversité de notre peuple, avec ses inquiétudes, ses colères, sa recherche de solutions, ses impatiences. L’élu que je suis est interpellé sur son fonctionnement, confie André Chassaigne, même si j’ai le sentiment de faire au mieux. »

Le besoin de s’informer « pour que le mouvement ne s’épuise pas »

Tout a commencé mi-décembre. Leur cahier de doléances sous le bras, une délégation des gilets jaunes de Lezoux, un bourg rural et « un peu dortoir », avait rencontré André Chassaigne à sa permanence. Lui avait été surpris d’entendre ses interlocuteurs expliquer qu’ils pensaient impossible de parler à un député. Eux s’étonnaient de sa disponibilité : « C’est un homme politique, certes, mais c’est important de donner la parole à quelqu’un qui a plus d’expérience que nous, même si on ne partage pas ses idées », estime Aurore, l’une des « communicantes » des gilets jaunes qui se présente comme « apolitique », « asyndicale » et même « athée ». Ainsi est née l’idée de cette réunion publique. D’un côté, le besoin de connaître, de s’informer « pour que le mouvement ne s’épuise pas », selon Aurélie. De l’autre, le désir de rendre des comptes aux citoyens. Le parlementaire est d’ailleurs venu avec des fascicules de présentation des propositions de lois défendues à l’Assemblée telles la limitation des écarts de salaires dans les entreprises, la création d’une liste des paradis fiscaux contre l’évasion fiscale ou celle de nouvelles parts d’imposition pour la justice fiscale. « Il a de bonnes idées, des valeurs, mais il est minoritaire, alors il ne peut pas faire grand-chose », réagit Alain. Ce jeune fraiseur s’inquiète terriblement pour l’avenir de ses enfants. Il pense aussi à sa mère, une ancienne femme de ménage qui, avec 600 euros de retraite par mois, ne chauffe pas sa maison. « Alors, quand il fait trop froid, on l’invite chez nous. On s’organise avec mes sœurs pour l’accueillir durant ces périodes. »

Ces actions « nous secouent et nous renvoient à plus d’humilité »

Claudine, cadre de la caisse d’assurance-maladie aujourd’hui retraitée, se demande si « les politiques se rendent compte du degré de souffrance des gens ! ». Elle-même concède en avoir pris conscience « au rond-point ». Ce doute, d’autres participants l’expriment. Il aiguise leur sentiment d’urgence sociale mais également politique : « Que va-t-on faire maintenant ? » interroge Geneviève, la dernière à prendre la parole, posant la question que tous ont en tête. Plusieurs exigent la destitution d’Emmanuel Macron. Un préalable. Et en appellent pour cela au député. Certains s’accrochent au référendum d’initiative citoyenne. D’autres considèrent incontournable un changement de Constitution : « On a l’impression d’être dans une impasse. Moi, je ne vois qu’une solution : une VIe République », suggère un ancien cadre de chez Michelin. « Il faudrait que l’opposition puisse s’exprimer. C’est vrai également au niveau des communes, où les maires peuvent faire ce qu’ils veulent sans tenir compte de la diversité des opinions. Cela éloigne les citoyens, qui ont l’impression de ne jamais être écoutés », complète son voisin.

« Ce mouvement nous secoue. Il nous renvoie à plus d’humilité, reconnaît André Chassaigne. Mais il faut y aller. Confronter les idées. Prendre les problèmes à bras-le-corps, être présents pour répondre aux besoins de débat politique des gilets jaunes qui cherchent à construire des réponses collectives à leurs revendications de justice sociale, fiscale et de démocratie. » Rémi, gilet jaune de la première heure, s’apprête à quitter la salle. « Nous avons manqué de temps. Il faut poursuivre », juge le jeune homme. Un nouveau rendez-vous a d’ailleurs été évoqué. Un autre est déjà fixé à quelques kilomètres de là, à Ambert, souhaité là-bas aussi par les gilets jaunes.

Syvie Ducatteau

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