C’est à l’occasion du forum économique mondial de Davos qu’Oxfam publie chaque année son rapport sur les disparités. Il montre une concentration inédite d’argent dans les mains de quelques-uns, mais aussi l’échec des moyens de redistribution.
Les 26 plus gros milliardaires possédaient en 2018 autant que 3,8 milliards personnes, la plus pauvre moitié de l’humanité. Il en fallait 42 en 2017, 61 en 2016… Le tableau des inégalités que révèle l’ONG Oxfam en se basant sur les données du Credit Suisse est chaque année plus dramatique que la précédente.
La richesse se concentre d’autant plus que le nombre d’ultra-riches ne cesse d’augmenter. En 2009, au cœur de la crise, ils étaient 793 milliardaires dans le monde, leur fortune cumulée atteignait 2 833 milliards de dollars, soit un peu plus que le PIB de la France. En 2018, il y a 2 208 ultra-riches pour un pactole dépassant les 9 000 milliards de dollars.
C’est le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, qui en 2018 a vu sa fortune exploser le plus. Avec une hausse de 39 milliards de dollars sur un an, il atteint les 112 milliards, ce qui fait de lui l’homme le plus riche du monde. « 1 % seulement de sa fortune équivaut au budget total de la santé de l’Éthiopie, un pays de 105 millions d’habitants », pointe le rapport d’Oxfam. Sans surprise, les patrons des géants du Web et des télécommunications, américains mais aussi chinois, figurent en bonne place dans ce palmarès actualisé par Forbes. Deux Français sont dans le lot des 26 plus riches, Bernard Arnault, en quatrième position, talonné par le PDG de Facebook, et Françoise Bettencourt Meyers, héritière de l’empire L’Oréal. Dans l’Hexagone, 8 milliardaires possèdent à eux seuls autant que les 30 % des moins riches. Le rapport entre la rémunération totale des patrons de Carrefour, Sodexo et Renault et la moyenne de la rémunération des salariés était en 2017 respectivement de 251, 225 et 206 a de son côté calculé Attac.
Alors que la fortune des milliardaires s’accroît chaque jour de 2,5 milliards de dollars, près de la moitié de l’humanité – 3,4 milliards de personnes – vit toujours dans la misère, avec moins de 5 euros par jour, ce qui correspond au nouveau seuil d’extrême pauvreté défini par la Banque mondiale. « Tandis que les milliardaires ont vu leur fortune augmenter de 12 % l’an dernier, la richesse de la moitié la plus pauvre de la population du monde a chuté de 11 % », assure Oxfam. Depuis 2013, les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté extrême ont drastiquement freiné. Elle a même augmenté dans certaines régions, comme l’Afrique subsaharienne. Sur ces 40 dernières années, les 50 % de l’humanité les plus pauvres n’ont capté que 12 % de la richesse créée, alors que les 1 % les plus riches en ont pris plus du quart. « Les pays inégalitaires sur le plan économique sont également ceux où les inégalités entre les femmes et les hommes sont les plus fortes », dénonce aussi Oxfam, qui veut montrer que « ces inégalités ont un coût humain dramatique ». À l’échelle mondiale, les femmes gagnent 23 % de moins que les hommes et les hommes possèdent 50 % de plus de la richesse totale que les femmes. En Inde, l’espérance de vie d’une femme de basse caste est amputée de 15 années comparée à celle d’une femme de plus haute caste. Même constat en Europe, l’espérance de vie dans les quartiers les plus pauvres de Londres est inférieure de 6 ans à celle des quartiers les plus huppés de la capitale britannique.
262 millions d’enfants sont toujours privés d’accès à l’école
Les données issues de 137 pays en développement révèlent qu’un enfant d’une famille pauvre a en moyenne deux fois plus de risques de mourir avant son cinquième anniversaire qu’un enfant d’une famille riche. Dans les pays à bas revenus et à revenus intermédiaires, Oxfam estime que 3,6 millions de décès peuvent être attribués chaque année au manque d’accès aux soins médicaux. De même, 262 millions d’enfants sont toujours privés d’accès à l’école. Pourtant, une simple taxe de 0,5 % sur la fortune des plus riches permettrait de scolariser ces enfants et de garantir l’accès aux soins pour tous selon l’ONG. Les services publics sont donc au cœur de la lutte contre la réduction des inégalités, assure Oxfam, et leur sauvegarde comme leur amélioration relèvent de choix politiques. « Une étude récente réalisée dans 13 pays en développement a montré que les dépenses consacrées à l’éducation et à la santé représentaient 69 % de la réduction totale des inégalités », assure l’ONG.
Les super-riches dissimulent des milliards aux autorités fiscales
L’impôt, au cœur du financement de ces services publics et plus largement des mécanismes de redistribution, ne remplit plus son rôle. Oxfam a calculé que dans plusieurs pays, comme la Grande-Bretagne ou le Brésil, il pèse proportionnellement bien plus sur les 10 % les plus pauvres que sur les 10 % les plus riches. D’autant que la tendance générale observée est de baisser les impôts sur les sociétés et sur la fortune. Ce dernier ne représente plus que 4 % des revenus fiscaux mondiaux et 11 % pour la taxation des bénéfices des entreprises. À l’inverse, les impôts sur les salaires atteignent 22 % des recettes et 39 % pour les taxes de type TVA, les plus injustes car non progressives. Dans certains pays, les taux d’imposition des personnes les plus riches sont à leur niveau le plus bas depuis un siècle. En Amérique latine, par exemple, le taux d’imposition effectif des 10 % des revenus les plus élevés n’est que de 4,8 %. Sans compter que les super-riches à travers le monde ont dissimulé 7 600 milliards de dollars aux autorités fiscales, selon l’économiste Gabriel Zucman, qui a participé au rapport d’Oxfam et auteur de la Richesse cachée des nations.
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