Réunie dans le cadre de l’examen de la « loi pour une école de la confiance », dite « Loi Blanquer », la commission de l’éducation de l’Assemblée nationale a intégralement maintenu son article premier, en ajoutant un simple rappel de la loi de 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires. Cet article a pourtant alimenté une vive polémique ces dernières semaines chez les enseignant-e-s notamment, puisqu’il pourrait être utilisé pour limiter leur liberté d’expression, y compris en dehors de leur fonction.
Ce premier article de la Loi Blanquer indique que les personnels de la communauté éducative, « par leur engagement et leur exemplarité, […] contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation ». Or, d’après l’étude d’impact réalisé par le ministère lui-même, « les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées […] dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public ».
Une interprétation du texte qui n’est pas sans rappeler la convocation d’une professeure par le rectorat de Dijon au prétexte qu’elle avait critiqué Emmanuel Macron dans une tribune publiée sur un site d’actualité. À l’avenir, nul doute que le ministère de l’Éducation saura s’appuyer sur ce premier article de la Loi Blanquer pour sanctionner les enseignant-e-s qui oseront formuler publiquement quelque critique envers la politique éducative menée par un gouvernement ou un autre.
Le Conseil supérieur de l’éducation avait pourtant, le 15 octobre dernier, très largement rejeté le projet de loi dans son intégralité. Jean-Michel Blanquer n’avait alors trouvé que trois voix pour le soutenir. Par la suite, dans un avis sur le projet de loi en date du 29 novembre, le Conseil d’État avait quant à lui censuré ce premier article. Une fois de plus, le gouvernement décide de passer en force, méprisant non seulement les personnels et leurs représentant-e-s élu-e-s mais aussi les plus hautes institutions de l’État.
De son contenu à la manière dont le ministère l’impose, ce premier article de la Loi Blanquer symbolise à lui seul l’autoritarisme qui gagne la rue de Grenelle. La liste est longue désormais des nombreux coups de force du ministre qui impose des programmes scolaires à son image, qui supprime les instances d’évaluations indépendantes, qui menace les enseignant-e-s qui refuseraient d’administrer aux élèves les évaluations qu’il a lui-même concoctées, qui impose les méthodes de lecture préférées de ses amis d’Agir pour l’école…
Si Jean-Michel Blanquer est à ce point attaché à la neutralité du service public, on se demande alors pourquoi il confie à Philippe Aghion le soin de rédiger les programmes de Sciences économiques et sociales après qu’il était le principal conseiller d’Emmanuel Macron en la matière durant sa campagne ; ou encore pourquoi il confie à ses amis de Teach for France la formation de certains enseignant-e-s malgré le positionnement très politique de cet organisme privé.
Les communistes rappellent que la neutralité est d’abord celle du service public et que le devoir de réserve qui pourrait s’imposer à ses agents n’existe pas dans la loi. Ils rappellent en outre que la neutralité du service public est religieuse, politique… mais aussi commerciale.
Ce sont deux ministres communistes qui ont affirmé la liberté d’expression des fonctionnaires. Dénonçant la gestion autoritaire et hiérarchique des agents, considérés « comme les rouages impersonnels de la machine administrative », Maurice Thorez défendait en 1946 le premier statut des fonctionnaires, qui « ouvrait la possibilité de faire du fonctionnaire un citoyen responsable de l’exécution du service public ». Une orientation confirmée par la suite par la loi du 13 juillet 1983, dite « Le Pors » portant sur les droits et obligations des fonctionnaires et considérée comme le fondement de l’actuel statut général de la fonction publique. Le Parti communiste saura défendre ce statut, patiemment construit au fil de l’histoire et des luttes menées par les travailleuses et les travailleurs.
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