Le Conseil des ministres examine, le projet de loi porté par la ministre Agnès Buzyn. Parmi les mesures qui inquiètent déjà, la « labellisation » de quelque 600 hôpitaux, formule qui masque mal un super big-bang du système sanitaire.
Le Conseil des ministres examine, ce mercredi, la loi santé contenant une partie des mesures du plan « Ma santé 2022 », présenté par Emmanuel Macron le 18 septembre. Outre la fin du numerus clausus et la réforme du concours des internes, le texte qui sera présenté au Parlement, mi-mars, officialise le label « hôpital de proximité ». Invitée sur France Inter, hier matin, la ministre de la Santé a expliqué « s’engager pour que chaque Français trouve un médecin et une offre professionnelle de santé proche de son domicile ». « Nous maintenons une porte d’entrée en proximité, les hostos de proximité seront réinvestis financièrement, notamment en gériatrie, (…) les soins de rééducation, radiologie, biologie », a promis Agnès Buzyn. Actuellement, 243 établissements sont labellisés « hôpital de proximité », le gouvernement entend porter ce chiffre à 600 tout en modifiant les missions. Où et comment ? Ces deux questions alimentent de sérieuses inquiétudes. À commencer par celle des élus locaux qui, dans un communiqué commun de l’Association des maires de France (AMF) et des élus communautaires de France unie, demandent au gouvernement d’entendre « l’appel des territoires pour une offre de soins publique préservée et développée » et de « stopper toute fermeture de service hospitalier public ».
Soins d’obstétrique et de chirurgie exclus des hôpitaux de proximité
Les premières réflexions sur le profil des futures entités de proximité qui filtrent des instances ministérielles augurent une sérieuse baisse de voilure de certains hôpitaux, notamment ceux assurant des soins d’obstétrique et de chirurgie. Et pour cause. Ces deux spécialités seront exclues des futurs hôpitaux de proximité « pas conciliables avec le modèle HP », selon un haut fonctionnaire de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). La nouvelle carte hospitalière offrirait donc trois niveaux d’établissements : les hôpitaux « d’excellence » pratiquant une médecine de pointe. Un peu moins éloignés : les hôpitaux de recours autorisés à proposer de la médecine, de l’obstétrique, de la chirurgie.
Et, enfin, les hôpitaux de proximité dédiés aux soins aux personnes âgées et au suivi des malades chroniques. Ces derniers devront obligatoirement proposer des consultations avancées de spécialités (hors médecine générale) en accès direct ou par télémédecine. Les soins de suite et de réadaptation (SSR), ainsi que les urgences seraient optionnels. « Il n’y aura pas d’hôpitaux en plus. La stratégie globale sur un territoire est d’avoir une maison mère qui est l’hôpital le plus important, puis des filiales qui lui seront rattachées : celle qui va faire de la maternité, de la cardiologie, des prothèses de hanche. Ces filiales seront elles-mêmes labellisées. Si l’une d’elles assure de la chirurgie de pointe, elle sera “spécialisée”. Si elle ne le fait pas, elle sera peut-être hôpital de proximité. À mon sens, tous les hôpitaux devraient être de proximité », estime Philippe Batifoulier, économiste de la santé (voir notre entretien ci-contre).
C’est « une loi qui va favoriser l’accès aux soins partout en France », assure la ministre de la Santé. Exemples à l’appui, Hélène Derrien, la présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et des maternités de proximité, en doute. À Concarneau (Finistère) où elle vit, l’hôpital du territoire n’est plus que l’ombre de lui-même. Dans ce bassin de 50 000 habitants, dont la population double pendant les périodes estivales, la maternité et le service chirurgie ont fermé leurs portes en 1992 et 1994. Il s’est ensuivi la fusion de l’établissement avec l’hôpital de Quimper en 2008.
Dernier avatar, la fermeture des urgences de nuit. Le premier service d’urgences se trouve désormais à 45 kilomètres « au risque de mettre en danger la vie d’autrui », s’alarme Hélène Derrien. Le service de soins de suite et de réadaptation de Quimper devrait à son tour fermer ses portes pour être transféré à Concarneau, dont l’avenir d’établissement « spécialisé » est tout tracé. « Cette logique d’hyperspécialisation n’a rien à voir avec un hôpital de proximité qui répond aux besoins de toute la population. D’autant plus que les regroupements et les fusions entraînent toujours des fermetures de services et de lits. » La preuve par les chiffres. Selon la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation en santé, le nombre de sites hospitaliers publics a chuté de 7 % en cinq ans, conséquence des restructurations. Quant aux maternités, la moitié d’entre elles a disparu en vingt ans. On en dénombre moins de 500 aujourd’hui. Agnès Buzyn a beau dire que « les maternités ne sont pas fermées » puisqu’elles sont remplacées par « des centres de périnatalité de très grande qualité » et d’expliquer que « l’acte d’accouchement est fait dans un plateau technique spécialisé », les femmes accouchent de plus en plus loin de leur domicile.
La loi santé devrait être votée avant l’été, mais, pour les missions et la liste des hôpitaux de proximité, sujet sensible, le gouvernement a choisi une nouvelle fois la voie des ordonnances. « Elles ne visent pas à empêcher les concertations, mais les ordonnances sont rendues nécessaires par l’urgence de légiférer sur la fin du numerus clausus et la réforme des concours des études de médecine », se défend le cabinet de la ministre. Pas sûr que cela convainc Patrick Brouet, le président de l’ordre des médecins qui, récemment, fustigeait « le recours important aux ordonnances ».