Education. Un suicide révélateur du mal-être des enseignants

Détail de la bande dessinée réalisée par Remedium contant l’histoire, et qui circule depuis quelques jours sur Facebook. Remedium

Détail de la bande dessinée réalisée par Remedium contant l’histoire, et qui circule depuis quelques jours sur Facebook. Remedium

Accusé à tort d’avoir brutalisé un élève, un enseignant d’Eaubonne (Val-d’Oise) s’est donné la mort le 15 mars. Un drame qui accuse et révèle le malaise de toute une profession.

Un homme est mort. Un professeur des écoles de 57 ans, proche de la retraite après une carrière que ses collègues saluent comme « exemplaire ». Il s’appelait Jean Willot et exerçait à l’école primaire Flammarion, à Eaubonne, dans le Val-d’Oise. Il s’est suicidé le 15 mars, après avoir appris qu’il faisait l’objet d’une plainte pour « violence aggravée sur mineur » de la part d’une mère d’élève. « Cela n’aurait jamais dû arriver, et il ne faut pas que cela se reproduise », commente Rosario Elia, du Snuipp-FSU (premier syndicat du primaire) du Val-d’Oise.

Le syndicaliste est au diapason de l’émotion et de la colère que suscite ce drame au sein de la communauté éducative. Comme de coutume aujourd’hui, c’est sur les réseaux sociaux qu’elles s’expriment le plus librement. C’est de là aussi que sont partis des appels à une minute de silence en hommage à l’enseignant décédé. Elle a été observée dans de nombreux établissements – y compris du secondaire – hier matin. Une bande dessinée réalisée par Remedium et contant l’histoir circule depuis quelques jours sur Facebook (voir illustration). Et une marche blanche doit se dérouler à Eaubonne, dimanche prochain à 14 heures.

À la base, un incident banal : mardi 12 mars pendant une récréation, Jean Willot aurait réprimandé un élève de CP particulièrement agité puis, celui-ci persistant, l’enseignant l’aurait saisi par le bras. Le lendemain, la mère de l’élève porte plainte, sans même avoir cherché à rencontrer l’enseignant. La directrice de l’école en est informée l’après-midi, et elle l’apprend à son collègue le jeudi matin. Un rendez-vous – et non une « convocation », précise Hervé Cosnard, Dasen (directeur académique des services de l’éducation nationale) du Val-d’Oise – est pris pour le lendemain, vendredi, avec l’inspecteur de circonscription d’Eaubonne. Jean Willot ne s’y rendra jamais : le jour même, il est retrouvé pendu en forêt de Montmorency.

« Toutes mes pensées vont à M. Jean Willot, à sa famille, à ses collègues et à toute l’équipe de l’école Flammarion » : il aura fallu attendre dix jours après les faits pour que, lundi 25 mars, le ministre Blanquer se fende enfin d’une réaction, sur Twitter. De quoi expliquer la tonalité défensive d’Hervé Cosnard. Alors que des témoignages rapportent que, dès 7h30 le lundi 18, une trentaine de personnes (inspection, élus…) étaient présentes à l’école Flammarion avec pour principal objectif de persuader les enseignants de faire cours, le Dasen conteste… le chiffre, mais ne peut pas nier que ce débarquement en force a été mal vécu par l’équipe. Pour lui cependant, « il n’y a pas eu de choses imposées. On a dit aux enseignants qu’ils étaient libres de reprendre leurs élèves ou pas, ceux qui ne le souhaitaient ou ne le pouvaient pas ont été remplacés. Et il n’y a eu aucune volonté de brider leur expression ».

Hier après-midi, Jean-Michel Blanquer a fini par annoncer qu’il diligentait une enquête de l’inspection générale de l’éducation nationale. Par ailleurs, à la demande des syndicats, le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) du Val-d’Oise mènera sa propre enquête afin, explique Rosario Elia, « de connaître les causes » qui ont mené au drame. « Nous demandons aussi que soit mis en place un protocole d’accompagnement des collègues », précise-t-il. Pour lui, « certains parents sont devenus plus… pointilleux. On perçoit peut-être plus qu’ailleurs, à l’école, une colère sociale qui ne vise pas que l’école ».

Secrétaire national du syndicat des inspecteurs (SNPI-FSU), Paul Devin confirme : « L’école a de plus en plus de difficultés à remplir sa mission auprès des enfants, alors que les familles surinvestissent la réussite scolaire comme clé de l’accès à l’emploi. L a tension est devenue structurelle. Directeurs et inspecteurs sont surchargés de tâches qui les éloignent du terrain » et ne leur permettent plus de jouer leur rôle de médiateurs. La dégradation générale des conditions d’exercice du métier d’enseignant a entamé « cette  confiance des familles envers l’école  qui permettait de résoudre bien des conflits ». AÀ l’heure où « l’école de la confiance » tient lieu de slogan et de principe directeur, le constat fait mal.

Olivier Chartrain

La BD complète sur https://www.facebook.com/remedium.timoris/media_set?set=a.1927315354043898&type=3


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