Loi Blanquer, l’école injuste et inégalitaire

 

Le Samedi 30 Mars 2019, une multitude de syndicats d’enseignants et de parents d’élèves, dont la FSU, l’UNSA, la FCPE, appelèrent à se mobiliser contre le projet de loi « Pour une école de la confiance », dite « Loi Blanquer ».

Adopté par l’Assemblée Nationale le 19 Février, il sera examiné en Mai par le Sénat.

Son contenu très « fourre-tout », et le débat autour de cette loi étant pollué par des questions réactionnaires et identitaires (on a beaucoup parlé de l’amendement du député Eric Ciotti, introduisant notamment un drapeau français dans chaque classe), le fond de cette loi a pu être relégué au second plan. Et pourtant, il se révèle être dans la continuité de ce gouvernement ultra-libéral, par des cadeaux aux écoles privées, et une détérioration du système d’enseignement, notamment en occasionnant de nombreuses suppressions de postes.

Ce projet de loi n’a pas manqué de susciter de fortes protestations, notamment sur les bancs de la gauche. La députée PCF Elsa Faucillon dénonce notamment une déstructuration « du cadre national de l’éducation nationale et du service public », et estime que ce projet de loi formaté une école « injuste et inégalitaire ».

150 millions volés à l’enseignement public pour financer l’enseignement privé

Le projet de loi Blanquer décide de mettre en place la scolarisation à trois ans. Une mesure à la dimension très symbolique, puisque 97% des enfants entrent à l’école dès l’âge de trois ans. Le problème posé ici n’est pas la mesure en elle-même, qui peut sembler louable, mais son financement, puisque les communes auront désormais la charge de financer les écoles privées sous contrat dès la rentrée 2019, les compensations de l’Etat n’étant, elles, programmées que pour la rentrée 2021.

Autre cadeau fait aux écoles privées : l’article 8, qui prévoit d’autoriser les établissements privés sous contrat à mener des expérimentations. Cette mesure conduira vraisemblablement à une accentuation de la compétition entre les établissements publics et privés, à la faveur du privé.

Autre problème : La création des établissements publics des savoirs fondamentaux

C’est l’un des points de la loi qui a soulevé le plus de contestation. La création de ces EPSF permettrait le regroupement d’un collège et d’écoles situés dans le même secteur. L’une des plus grandes craintes soulevées par les personnels enseignants est que cela entraînerait, à terme, la suppression des directeurs d’école.

Que dit le projet de loi ?

Article L. 421-19-19 « Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411‑1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421‑3. »

Il s’agit donc de la suppression du statut de directeur d’école dans ces regroupements, puisque les fonctions lui étant réservées seraient adressées au personnel du collège.

Les écoles concernées par ces regroupements n’auront plus d’existence administrative et deviendront de simples sites à la charge du chef d’établissements. Cela induira autant de postes supprimés, ou plus subtil, de décharge pour direction supprimée.

En outre, le fait de délocaliser la hiérarchie des écoles aura pour conséquence immédiate de ne pas pouvoir répondre correctement à des problèmes, attentes et questionnements concrets des parents d’élèves. Cela entre en corrélation avec la politique d’économie dans le service public décidée par le gouvernement libéral en place, à l’oeuvre dans le pays depuis des décennies.

La précarisation avec le pré-recrutement des enseignants

Autre point annoncé par le projet de loi : une réforme qui ouvre au pré-recrutement dans l’enseignement. Avec ce dispositif, des assistants d’éducation suivant une formation dans un établissement les préparant au concours de l’enseignement auront la possibilité, dès leur deuxième année de licence, de dispenser des cours, à raison de deux demi-journées par semaine, dans un établissement près de leur université.

Ils percevraient alors un salaire, à ajouter à leur bourse, de 693 à 980 nets. Cela ouvre la voie à une précarisation de ces futurs enseignants, qui pourront fournir une main d’oeuvre bon marché – 3000 assistants d’éducation seraient concernés par cette mesure chaque année. De plus, on peut s’interroger sur la capacité d’étudiants en deuxième année à diriger une classe.

Le danger de l’article 1

Que dit l’article?

« Dans le respect de la loi n° 83 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. »

Cet article peut sembler dangereux dans la mesure où permet de remettre en cause, de façon insidieuse, la liberté de parole critique des enseignants à l’égard de l’Education Nationale. Elsa Faucillon a par ailleurs exprimé un vif désaccord à l’égard de cet article, dénonçant que « l’unique objectif de cet article est de permettre davantage de sanctions disciplinaires ».

Qu’adviendrait-il, si cet article était mis en application,  des violentes accusations portées à l’Education Nationale, à l’Etat,  par les enseignants eux-mêmes? Le mouvement des “Stylos Rouges”, lancé par des enseignants, en marge des syndicats, parallèlement à celui des “Gilets Jaunes”, réclame de meilleures conditions de travail à l’Etat, en revendiquant notamment le dégel du point d’indice de leur salaire.

Le hashtag #PasdeVagues dénonce quant à lui l’inaction des référents de l’Éducation Nationale face à de très graves situations humaines prenant place sur le lieu de travail des enseignants. Qu’adviendrait-il pour les enseignants prenant part à ces mouvements de protestations si ce “devoir d’exemplarité” était effectif ?

Ce premier article permet difficilement d’instaurer un climat de confiance au sein de l’Éducation nationale et à soulevé l’inquiétude de nombreux syndicats qui ont demandé sa suppression.

En définitive, il apparaît que cette loi, une fois mise en application, ne fera qu’aggraver les problèmes qui sont installés au sein de l’Éducation Nationale depuis plusieurs décennies. Suppressions de postes, mise en concurrence entre le privé et le public : voilà la définition du gouvernement de l’ « École de la confiance ».  L’école à besoin d’une loi pour aider les établissements en milieux défavorisés, de permettre aux élèves, même dans les zones rurales et reculées, d’avoir accès à une école à proximité. La Loi Blanquer ne remédiera à aucun des problèmes majeurs de l’Éducation Nationale d’aujourd’hui, permettant, dans la continuité d’un gouvernement libéral, de faire toujours plus de cadeaux au privé et d’assister à un recul du service public.


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