Françoise Brié, porte-parole, de la Fédération nationale Solidarité Femmes, explique combien l’isolement, le manque de mobilité et de structures spécialisées augmentent les difficultés des femmes victimes de violences.
De nombreuses études ont été publiées sur les violences conjugales en France, mais peu encore se sont penchées sur la situation des femmes qui en sont victimes dans les zones rurales. Les violences faites aux femmes en milieu rural, publiée le 24 mars par le réseau d’associations Solidarité Femmes, met en lumière les difficultés particulières que ces dernières rencontrent pour sortir de la violence. Une étude menée par 11 des associations de ce réseau, auprès de 730 femmes en 2011-2012 et 1.134 en 2014, dans les zones rurales des régions Midi-Pyrénées et Pays-de-la-Loire. Françoise Brié, porte-parole de la Fédération nationale de Solidarité Femmes, revient sur ses principales constatations.
Quel est le profil des femmes dont la situation a été suivie pour cette étude ?
Françoise Brié : Plus de 50 % des femmes reçues dans les associations du réseau Solidarités Femmes vivent en couple, et une très grande majorité d’entre elles ont au moins un enfant. Ces dernières sont avant tout victimes de violence conjugales.
En quoi la vie en milieu rural augmente-t-elle les difficultés des femmes à sortir de la violence ?
Nous avons constaté que l’environnement des femmes dans les zones rurales pouvait être des freins supplémentaires dans leur parcours pour sortir des violences conjugales. Ce sont des spécificités liées aux inégalités territoriales. Il y a un vrai manque de services de proximité, notamment dans le secteur de la santé et de la justice. Les associations et les structures spécialisées, qui leur permettraient d’être accompagnées, sont également peu nombreuses. Pour y avoir accès, il faut obligatoirement des moyens de transports. Or, la mobilité est une difficulté de plus pour ces femmes, qui n’ont pas toutes accès à une voiture individuelle.
Beaucoup dépendent des transports en communs, parfois peu nombreux, qui deviennent contraignants en terme de temps et de distance. Par ailleurs, dans les zones peu densifiées, cela ne favorise pas la discrétion. L’isolement géographique et le manque de mobilité peuvent rendre ces femmes comme prises au piège. Et c’est sans compter la peur du commérage, voire une forme de complaisance dans le cas où l’agresseur est un notable du coin. Dans un milieu avec peu de densité de population, tout le monde se connaît, et cette proximité ne favorise pas la prise de parole des femmes victimes de violences.La précarité financière est une autre des difficultés majeures pour les femmes victimes de violence. Dans le milieu agricole notamment ou les entreprises familiales, l’activité réelle des femmes peut être sous-déclarée. Ce manque de ressources ne leur permet pas de quitter le domicile conjugal ou d’obtenir la location d’un appartement. Autant d’éléments qui freinent un éventuel départ du domicile.
Quel est l’impact du manque de médecins ruraux pour les femmes victimes de violences conjugales ?
Les médecins sont souvent les premières personnes auxquelles elles se confient. Ce sont eux qui sont à même de repérer les violences qu’elles subissent, et qui les orientent. Le problème, c’est aussi qu’il s’agit souvent du médecin de famille, qui connaît tout le monde. Les chiffres de nos associations montrent qu’il y a de la violence en milieu rural comme en milieu urbain. Sauf qu’en ville, il y a plus de médecins, de services spécialisés et d’hébergements, donc plus de solutions de replis pour les victimes de violences.
Quelles sont les solutions qui peuvent être mises en place pour améliorer leur condition ?
S’il y a aussi peu de structures de proximité et d’associations spécialisées, c’est aussi par manque de financement. Il faut donc renforcer le secteur associatif spécialisé dans ces communes rurales, et créer des structures spécialisées dans les violences conjugales qui rassembleraient plusieurs services, comme l’accès au droit et l’accompagnement. Il faudrait développer la connaissance du numéro d’écoute (3919), puisque nous avons également constaté que ce numéro était peu connu en milieu rural. De par les difficultés de mobilité dans ces communes, il faudrait développer ces centres d’appels, pour au moins assurer à ces femmes un meilleur suivi téléphonique. Mais ce qui est primordial, c’est un soutien financier aux associations déjà présentes ; à la création de permanences et de lieux d’hébergement spécialisés en milieu rural, pour accueillir les femmes qui ont fui le domicile conjugal.
Crédit photo: GARO / PHANIE
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