L’Humanité, 22 août 2019
Du 24 au 26 août, les chefs d’État des sept pays les plus riches du monde se réunissent à Biarritz sous le signe de la lutte contre les inégalités. Un thème qu’a aussi choisi le Medef pour son université d’été. Alors, les puissants seraient-ils devenus philanthropes? Pas si sûr… Explications.
Et les gouvernements des sept pays les plus riches ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la montée des inégalités à travers le monde. En 2018, le FMI, principal pourvoyeur de potions néolibérales pour économies en crise, s’en était déjà ému de façon retentissante. Économiste du FMI et ancienne conseillère de François Hollande à l’Élysée, Delphine Prady avait dressé un constat alarmant sur le creusement des inégalités en février 2018. Elle y notait une réduction si l’on ne tient pas compte des frontières nationales, mais une aggravation au sein même des pays fournissant des données « fiables ». Aggravation qu’elle mettait sur le compte des « différences de politiques budgétaires de redistribution ».
Autre organisation emblématique s’inquiétant de la montée des inégalités, le Medef organise son université d’été sur ce thème… Le titre de la réunion qui se tiendra les 28 et 29 août n’est rien d’autre que « No(s) Futur(s). Climats, inégalités, conflits… quel capitalisme demain ». L’organisation patronale s’inquiète : « L’aspiration à une société plus égalitaire se manifeste aujourd’hui partout. Les ruptures auquel le monde doit faire face : urgence démographique, réchauffement climatique, migrations… ont rendu les inégalités plus insupportables encore et conduisent à une remise en cause de nos modèles. » Outre les invités attendus, comme la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le programme provisoire annonce également la tenue d’un débat intitulé « Cuillère en argent vs valise en carton », auquel la sociologue Monique Pinçon-Charlot est invitée.
Les riches sont-ils donc en train de virer à gauche ? Ou regrettent-ils l’État providence des Trente Glorieuses ? Ni l’un ni l’autre. Les riches sont inquiets, oui, mais pour eux-mêmes et pour la continuité du régime économique qui les enrichit. En 2015, le milliardaire sud-africain et patron du groupe joaillier de luxe Cartier, Johann Rupert, précisait la nature de son inquiétude face à la montée des inégalités, qui résume celle de ses pairs : « Comment la société va-t-elle faire face au chômage structurel et à la jalousie, la haine et à la guerre sociale ? » s’interrogeait-il lors d’un forum du « Financial Times » à Monaco. « Les gens riches ne vont plus pouvoir se montrer », en concluait-il. « Cela m’empêche de trouver le sommeil », précisait-il encore.
Les riches ont donc peur des réactions des plus modestes, et des troubles sociaux que les inégalités pourraient engendrer. Le calendrier de ce G7 est d’ailleurs évocateur. Emmanuel Macron a décidé de le consacrer aux inégalités en en prenant la présidence au mois de décembre 2018, au moment où les gilets jaunes défilaient dans les beaux quartiers de Paris. Au moment également où, face aux émeutes dans les rues, le pouvoir semblait vaciller et sortait l’artillerie lourde pour réprimer le mouvement. Il est donc quasi inévitable que l’ordre du jour de ce G7 ne soit qu’une opération de communication destinée à calmer un peu la colère sociale… C’est ce que craint le sénateur communiste Éric Bocquet : « “La France s’attaque aux racines du mal ?” Très bien, on ne peut qu’applaudir, constate-t-il. Mais comment la France peut-elle prétendre réduire les inégalités dans le monde alors qu’elle ne le fait pas dans son propre pays ? »
« Les dirigeants du G7 qui se réuniront auront en tête les conflits et les crises qui vont se déclarer, assure également l’économiste Denis Durand. Le capitalisme se trouve face à des problèmes qu’il ne peut pas résoudre. Il n’a jamais vraiment surmonté la crise de 2007-2008. Les symptômes que l’on peut observer aujourd’hui conduisent à considérer que l’on ne peut plus trouver de solution sans remettre en cause ce type de mondialisation sous contrôle des marchés financiers et des multinationales. » Un diagnostic que ne feront jamais les dirigeants du G7…
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