Du contre-G7 on a d’abord retenu le dispositif ultra policier mis en œuvre pour l’événement. Il est un fait que ce déploiement quasi guerrier est un fait politique à part entière. Pas une première pour Emmanuel Macron qui avait déjà opposé l’armée aux gilets jaunes certes, reste que la réquisition de 13 200 policiers et gendarmes pour protéger les chefs d’État des grandes puissances face aux dangers du monde révèle comment ce mode de gestion de la résistance sociale est devenu une marque des démocraties modernes.
Face à cette démonstration de force et le climat anxiogène volontairement créé pour pousser l’affrontement, la bonne tenue de la manifestation du 24 août, des débats ou la marche des portraits est un actif à mettre au crédit des organisateurs. Et on est en droit de s’interroger sur les raisons d’une mobilisation en demi-teinte des alter. On ne peut considérer, comme je l’ai lu, que ce bilan insuffisant tient au choix de la non-violence par les plateformes anti-G7. Je ne crois pas, pour ma part, qu’une radicalisation des mouvements passant par un affrontement assumé avec les forces de police soit la garantie d’une mobilisation plus large, encore moins qu’elle soit le gage de victoires face aux pouvoirs.
Les 15 000 personnes de la manifestation, cumulées aux 4 000 acteurs du campement et aux 5 800 participants aux ateliers et conférences du contre-sommet constituent un actif pour les partisans d’un autre monde. À valoriser en tant que tel, face à des gouvernements qui savent alterner provocations et répressions pour marginaliser dans l’opinion publique et diviser en leur sein les forces de transformation. Au lendemain du forum social mondial de Salvador (FSM) de Bahia, en mars 2018, était déjà pointée une «crise» de mouvement altermondialiste, à relativiser cependant, car de nouveaux champs de résistances sont en plein essor: les migrants, les luttes féministes, le réchauffement climatique, la souveraineté et sécurité alimentaire…
“De nouveaux champs de résistances sont en plein essor“
Cette fin août a confirmé ces tendances, en même temps que le mouvement des gilets jaunes et la marche pour le climat ont conduit à un approfondissement des débats. Aurélie Trouvé résume ainsi les choses en invitant à repenser «la dialectique capital/travail de la gauche traditionnelle pour désormais penser la contradiction capital/vivant». Elle était d’ailleurs présente pour ATTAC aux côtés de Philippe Martinez de la CGT, Éric Beynel de Solidaires et Jean-François Julliard de Greenpeace France, dans un forum intitulé «Fin des mois, fin du monde», symbolique de cette recherche d’une nouvelle dialectique sociale et écologique et d’une convergence syndicats-ONG. Cette table ronde a constitué l’un des grands moments forts du contre-forum, actant notamment le fait «qu’on ne peut plus soutenir des mesures bonnes pour l’environnement si elles ont un impact négatif sur le social. L’inverse étant aussi vrai»; l’exemple du scénario d’une transition énergétique a été convoqué prenant en compte ce facteur.
La question de l’égalité et la voix des femmes ont été omniprésentes, s’inscrivant dans la thématique du contre G7 «Pour un monde radicalement féministe, à bas le patriarcat». La journée féministe du 22 a appuyé sur l’urgence à articuler les aspects économiques, sociaux et écologiques et l’apport des analyses et pratiques féministes sur ces questions, se nourrissant entre autres des expériences des marches des femmes.
La bataille pour une agriculture de qualité a constitué aussi un pilier des forums, où s’est affirmée la proposition d’une sécurité sociale de l’alimentation. Cette question m’avait mobilisée au Parlement européen car au cœur du combat pour une autre PAC et de la lutte contre les traités de libre-échange (CETA, MERCOSUR…). L’actualité amazonienne montre son caractère urgent pour la planète, tout comme la réalité de la précarité alimentaire. Ainsi, en France, 22 % de ménages vivent dans une alimentation contrainte; 15,8 millions ont accès à l’aide alimentaire, se considérant pour la plupart de dignité (source ATD).
Le fait que le contre-sommet ait eu lieu au Pays basque a mis au-devant de la scène les mouvements et citoyen·ne·s et leur dynamisme, également une multitude d’expérimentations locales.
Un bémol sur le fait qu’ici comme ailleurs a pesé l’absence de perspectives politiques de transformation, malgré la présence de stands de partis et l’engagement solidaire de nos camarades des sections de Bayonne du PCF. Cette rencontre de toutes les formes de combats à gauche est une voie que nous devons prioritairement travailler.
Marie-Pierre Vieu
membre du CEN
article publié dans CommunisteS du 4 septembre 2019
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