Certes, elles ont chacune leurs particularités et celles et ceux qui les mènent n’ont pas tous la même conscience de leurs finalités, mais toutes mettent en accusation le système de prédation qui prévaut aujourd’hui. La plupart de ces mouvements ont pour étincelle une ponction supplémentaire, -impôt indirect- sur les carburants, les communications téléphoniques, ou le prix des tickets de transport. Ils manifestent le refus net d’un nouveau transfert des poches des familles populaires vers le capital. Après les mouvements populaires arabes, en 2010-2011, les luttes des étudiants au Chili et au Canada, le mouvement dit des « parapluies » à Hong-Kong, celui des jeunes iraniens, les actions des populations de Grèce et de Chypre contre les commis politiques du capital de « la troïka », nous entrons dans un nouveau cycle de luttes de qualité nouvelle.
Il y a près de deux ans, la fondation Gabriel Péri avait, avec l’institut ViaVoice, montré que le rejet du système était majoritaire et que l’idée communiste intéressait plus d’un tiers des sondés. Aux Etats-Unis les mots socialisme et communisme renaissent de leurs cendres. Ainsi, plus de dix ans après la crise financière de 2008, le capitalisme apparait, même confusément aux yeux de beaucoup, comme une dramatique impasse.
Le néolibéralisme a survécu parce qu’il tente de renforcer son emprise en modifiant le rapport de force capital/travail par l’application partout de contre-réformes structurelles contre les droits conquis des travailleurs, des privés d’emploi, des retraités, des assurés sociaux. Ceci commence à ne plus être accepté même si reste à construire l’organisation sociale inédite, alternative crédible à un système qui, apparaissant sans avenir, manque toujours de concurrent. C’est à l’aune de ces enjeux qu’il convient d’analyser la diversité et l’ampleur des mouvements en France, de la SNCF, aux enseignants, des collectivités locales aux professionnels de santé, des services de police aux pompiers. Les rendez-vous de mobilisation à venir dans la santé le 14 novembre et la journée du 5 décembre sont de première importance.
Pour parvenir à ses fins, le bureau politique du capital met à l’ordre du jour de ses réunions la division des travailleurs, la division des agents des services publics et des usagers transformés en « clients », la concurrence devenue un mantra pour sans cesse abaisser les droits jusqu’à faire disparaitre le droit social. Une intense propagande appuie ce dispositif où les prédicateurs en austérité paradent continûment sur des chaînes d’informations en continu. Et, quand le personnel politique au service des libéraux est jugé trop sensible aux demandes populaires, des mandataires directs des milieux d’affaires sont propulsés comme au Chili, en Equateur, au Brésil, aux Etats-Unis et, sous une autre forme, en France.
Plaie purulente de la maladie infantile de ce capitalisme financier, la corruption ajoute encore au rejet. L’actualité est en effet rythmée de scandales financiers, de détournements d’argent publics, de rémunérations et de retraites chapeau hors de propos, de dirigeants d’entreprises sous la férule d’un actionnariat prédateur qui n’hésite pas à acheter des responsables dont la qualité principale n’est plus le savoir faire productif mais l’augmentation des dividendes, contre les salaires et le travail !
Les inégalités sont consubstantielles à ce système comme la dégradation continue de l’environnement. Il s’avère de plus inefficace comme le montre la grande fragilité de l’économie mondiale. Des économistes chaque jour plus nombreux, même libéraux, évoquent la possibilité d’une récession ou de nouveaux krachs immobiliers ou financiers.
La recherche de la seule « croissance » financière se double de la fuite en avant d’une économie centrée sur la mise en concurrence exacerbée des travailleurs, des entreprises, des Etats à l’échelle mondiale appuyée par des traités de commerce dits de libre-échange de type nouveau qui incluent désormais des harmonisations de normes sociales, sanitaires, environnementale vers le « moins-disant ». Et ceci se double de la mise en place de tribunaux arbitraux internationaux chargés de veiller à cette destruction des droits humains et environnementaux afin de créer une jurisprudence du « droit des affaires ». Enfin une caractéristique commune réside dans la réaction des pouvoirs en place qui tous s’en prennent aux libertés, qui tous ont recours à une répression souvent violente qui s’ajoute à celle que génère l’orthodoxie du capitalisme. Ses maitres, allant répétant que la lutte des classes est éteinte, savent au contraire qu’elle s’intensifie et prend de nouvelles formes.
Tout ceci est au cœur des protestations populaires communes : l’exigence d’un changement égalitaire, démocratique et écologique. Pour la première fois, une multiplicité de mouvements nationaux se mue en contestation du capitalisme financiarisé mondialisé. Pour la première fois, une conjonction se fait dans ces mouvements entre les dimensions anthropologiques et écologiques. Y prédomine partout le visage de jeunes issues des classes populaires et de ce qui est qualifié de classes moyennes précarisées. Les femmes, jouant un rôle majeur, contribuent elles aussi à renouveler les formes d’actions, les manières de raconter les vies et de porter les aspirations. Cette multiplicité combinée à l’utilisation des réseaux sociaux lie et amplifie les combats à l’échelle internationale.
Les classes dominantes affrontent une crise de légitimité. Leur refus du droit à la dignité et à la reconnaissance politique pour les humbles alors que les inégalités deviennent insupportables les discréditent de plus en plus. Dans ce bouillonnement généra, des forces obscures s’érigent en opposition pour mieux bloquer toute perspective d’émancipation. Véritables béquilles du capital, elles prônent le nationalisme, la concurrence débridée et la guerre économique, la xénophobie, l’ordre et l’autoritarisme, la réécriture de l’histoire et la modification des programmes scolaires. La lutte est âpre mais enthousiasmante dès lors qu’il s’agit de se placer à l’unisson de ces mouvements populaires et de se mettre à leur service. Les combats actuels de dimension internationale mariant urgence sociale, écologique, démocratique appellent l’invention d’un processus post-capitaliste, un mouvement susceptible d’abolir l’état actuel pour une société qualitativement nouvelle : celle d’un partage des avoirs, des pouvoirs et des savoirs. Ce que nous appelons communisme dont le mot et la chose ont été sans cesse dénaturé. Non pas une société plaquée sur un idéal construit en chambre, mais de bout en bout œuvre des peuples eux-mêmes.
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