Si l’on ne pouvait assurément pas prévoir l’apparition du coronavirus, personnels, élus et usagers n’ont cessé, avec l’Humanité à leurs côtés, de dénoncer les dégâts des politiques libérales à l’hôpital. Extraits choisis de nos pages dans la dernière décennie.
Soudain, les tambours et trompettes accompagnant le chef de guerre se sont tus. Et Emmanuel Macron, tout à sa stratégie de reconstruction de « notre souveraineté nationale et européenne » industrielle à l’issue de la crise du coronavirus, a radouci son propos, lors de son déplacement de mardi près d’Angers, dès lors qu’il lui a fallu répondre aux premières interrogations sur les difficultés de notre système de santé à faire face à l’épidémie. « Toutes celles et ceux qui cherchent déjà à faire des procès, alors que nous n’avons pas gagné la guerre, sont irresponsables », a-t-il lancé, aigre. Avant de se radoucir : « Le temps de la responsabilité viendra. Ce temps est légitime et démocratique. À ce moment-là, la transparence complète devra être faite. » Puis de glisser : « On devra le faire avec un principe de justice à l’égard de tous les choix passés, quels que soient les responsables politiques. Quand on vit quelque chose d’inédit, on ne peut pas demander à des gens de l’avoir prévu il y a dix ans. »
Solidaire des tours de vis de la majorité précédente
L’assertion a beau fleurer le bon sens, elle laisse entrevoir que le temps est venu pour le pouvoir de sortir parapluies et paratonnerres. Un simple petit tour dans nos archives (lire ci-contre) démontre à quel point les professionnels de santé avaient alerté sur l’état déliquescent des hôpitaux publics après deux décennies de saignées budgétaires. Dans la situation actuelle, seul le Covid-19 est inédit. Pas la déstructuration de notre système de santé. Le temps est d’autant plus venu de sortir les parafoudres que le chef de l’État a promulgué les lois de finances de la Sécurité sociale 2018, 2019 et pour 2020 un objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) sévèrement contraint. Auparavant, à l’Élysée, puis à Bercy, il avait été solidaire des tours de vis de la majorité précédente. Mais dès 2008, jeune inspecteur des finances, il avait en grande partie rédigé le rapport de la commission Attali « pour la libération de la croissance française ». Outre la « décision fondamentale 20 » prescrivant 20 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques chaque année et pendant cinq ans, y était formulée « l’externalisation des services périphériques à l’offre de soins, dont les achats de matériel médical ». Douze ans plus tard, l’hôte de l’Élysée lance une grande offensive pour reconstituer les stocks de masques, gants et autres respirateurs…
Extraits choisis de nos pages dans la dernière décennie :
L’Humanité du 14 novembre 2019. Le cri d’alarme des médecins : « L’hôpital va s’écrouler »
Entamée en mars, la mobilisation des personnels soignants vit un tournant ce jeudi. Médecins, infirmiers, tous se retrouvent dans la rue contre les politiques d’austérité qui mettent l’hôpital public en danger. Trois chefs de service parisiens témoignent. « C’est un phénomène complètement nouveau. (…) De plus en plus de problèmes de sécurité se font jour, au quotidien, tels que des erreurs de soins (…). » Tous s’accordent à dire que l’hôpital paye cher les conséquences des réformes successives en matière de santé.
L’Humanité du 18 juilet 2018. Le personnel sous le choc après un suicide
Rien ne signale particulièrement l’hôpital d’Eaubonne. « Ici, nous partageons les mêmes difficultés qu’ailleurs : les repos et congés rognés pour compléter les équipes incomplètes, les moyens manquants, les blocs fermés faute de personnels spécialisés, tandis que les opérations se bousculent dans les blocs ouverts », déplore Julien Bonnouvrier (syndicaliste CGT).
L’Humanité du 11 janvier 2018. Le blues des blouses blanches à l’Assemblée
À écouter tous les participants, il y aurait de quoi remplir toute une Pléiade en récits de dysfonctionnements. « Dans le Jura, à force de suppressions de services, de lits, de postes, des opérations ont dû être reportées ces dernières semaines parce que, ô surprise, il a fallu faire face à l’épidémie de grippe », raconte une mairesse de petite commune proche de Dole. (…) Au CHU du Kremlin-Bicêtre, durant les vacances de Noël, 70 patients ont été hospitalisés en service d’urgences. Sa capacité réglementaire est de 20 lits. « Ne nous demandez plus de faire de la qualité. On fait de l’abattage, s’indigne une infirmière. En cas de catastrophe, on ne pourra bientôt plus accueillir autant de victimes que celles des attentats de 2015, puisque tous les hôpitaux parisiens sont en train de fusionner. »
L’Humanité du 24 janvier 2017. La colère infirmière déborde dans la rue
« Désormais, seuls les chiffres comptent. Dans mon service, une réunion mensuelle est consacrée à la mesure de l’activité du bloc, confie Dominique Lanquetin, vice-présidente de l’Union nationale des associations des infirmier-ère-s de bloc opératoire diplômé-e-s d’État (Unaibode). On ne cherche même pas à savoir si le patient a eu un problème. Parfois, le bloc est fermé faute de personnel. » Le patient n’a plus qu’à patienter ! « Nous ne sommes même plus capables d’affronter une épidémie de grippe, renchérit Thierry Amouroux, du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC). Les politiques d’austérité nous poussent à l’erreur. » Les erreurs de soins ont fait un bond de 48 % en quatre ans, selon le responsable syndical.
L’Humanité du 13 janvier 2017. Les autorités minimisent leur rôle
À la sortie de leur rencontre avec le chef de l’État, jeudi matin, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, et Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), affichaient les mines rassurantes de ceux qui ont la situation en main. Oubliées, les déclarations alarmantes de la veille. La « pression » liée à l’épidémie s’est un peu « relâchée » grâce aux mesures d’urgence, a expliqué la ministre (…). Peu importe la multiplication des témoignages inquiets, notamment des urgentistes. « Nous ne sommes pas dans une situation de déstabilisation mais de forte mobilisation », a insisté le directeur de l’AP-HP. Manque-t-il des lits d’hospitalisation ? Pas à ses yeux, alors même que la Fédération hospitalière de France déplore la suppression de 16 000 de ces derniers. L’épidémie a-t-elle été assez anticipée ? « La grippe ne dépose pas de préavis », rétorque le responsable de l’AP-HP.
L’Humanité du 13 janvier 2017. « Les virus se moquent de la loi du marché »
« La ministre ne peut pas dire qu’elle découvre qu’il y a des épidémies de grippe en hiver, a enchaîné Rose-May Rousseau de la CGT (…). Les virus n’en ont rien à faire des lois du marché et du capital ». (…) Un problème structurel dans la gestion de l’épidémie de grippe ainsi qu’un souci de philosophie générale ont été dénoncés par les participants, alors qu’une coupe de 3 milliards d’euros de 2015 à 2017 et la suppression de 22 000 postes en trois ans sont prévus par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, selon les syndicats.
L’Humanité du 13 janvier 2017. La FHF appelle à refonder le système de santé
La Fédération hospitalière de France (FHF), qui regroupe l’ensemble des établissements publics de santé, a appelé jeudi à tirer les enseignements de la crise. Elle souligne que l’ampleur prise par l’épidémie de grippe révèle un défaut d’anticipation mais aussi « les limites de la politique de suppression de lits et d’économies au rabot ».
L’Humanité du 2 mars 2015. 3 milliards d’économies programmées
Le gouvernement a-t-il entendu les professionnels de santé et notamment les urgentistes qui manifestaient cet hiver ? On pourrait en douter après avoir eu connaissance du document du ministère de la Santé. (…) Le journal révèle les détails du plan de 3 milliards d’euros d’économies programmé. (…) Plus précisément, la « maîtrise de la masse salariale » pourrait rapporter 860 millions d’euros. Une somme qui, traduite en nombre d’emplois, représenterait une économie de 22 000 postes. Pour l’instant, le ministère de la Santé avance sur des œufs et précisait samedi à l’AFP que « les économies doivent s’entendre non pas comme une réduction des dépenses mais comme une évolution maîtrisée de l’augmentation des dépenses ».
L’Humanité du 27 février 2015. La grippe, un révélateur gênant
L’épidémie hivernale a surtout mis en lumière les difficultés du système de santé, étranglé par les coupes budgétaires. (…) « Le problème, au fond, n’est pas l’anticipation insuffisante de l’épidémie, souligne Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et responsable de la CGT santé, mais le fait que notre système n’est plus capable d’absorber une forte grippe comme celle de cette année. » « On a trop tiré sur la corde, et ça craque de partout », résume le syndicaliste, qui pointe la « responsabilité morale » des élus qui ont voté la loi de finances 2015.
L’Humanité Dimanche du 26 février 2015. Comment l’épidémie de grippe a démontré la faillite de l’hôpital public
Panique à la tête des agences régionales de santé. Comment une épidémie de grippe hivernale a-t-elle pu déborder les hôpitaux ? (…) L’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) avertissait sur « le risque d’effondrement de nos structures par la fuite des praticiens devant ces conditions de travail dégradées ». Pour Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Amuf et de la CGT, la situation était « prévisible ». (…) En cause surtout : les politiques budgétaires qui ont supprimé 100 000 lits hospitaliers en quinze ans.
L’Humanité du 22 octobre 2013. Services d’urgences : ça explose
Aux urgences, quelles qu’elles soient, les jours se succèdent et se ressemblent, avec des patients « rangés » dans des couloirs encombrés, dans un alignement de brancards. (…) Le constat est d’autant plus inquiétant qu’avec la fermeture annoncée des urgences de l’Hôtel-Dieu (Paris 4e), tous les autres services vont imploser. (…) Patrick Pelloux, président de l’Amuf, le répète depuis des années : « Trop de lits ont été fermés. » De 313 451 lits d’hospitalisation en 2002, on est tombé à 255 758 en 2011 (source Dares), soit 57 693 lits supprimés dans les seuls hôpitaux publics.
L’Humanité Dimanche du 15 mars 2012. Saturation des services
La saturation, ces dernières semaines, des services d’urgences par l’épidémie de grippe l’a bien illustré : le désengagement de la médecine libérale, notamment en seconde partie de nuit, conduit à un déport de la permanence des soins vers les urgences des hôpitaux publics qui n’est plus tenable.
L’Humanité du 30
septembre 2011 Une spirale infernale
Deux millions d’euros d’économies sur les dépenses de personnel. Voilà ce que prévoit le nouveau budget présenté par le directeur du CHSF (Centre hospitalier sud-francilien). (…) « On risque d’avoir de grosses difficultés à faire tourner le service pédiatrique cet hiver, alors que l’activité triple en cette saison du fait des épidémies de gastro-entérites et de bronchiolites. »
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