En pleine catastrophe sanitaire, les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne et les épiceries équitables s’organisent pour ne laisser de côté, ni les producteurs, ni les consommateurs. Exemple en Île-de-France.
À l’heure où la fermeture des marchés et l’arrêt de la restauration collective mettent à mal certains producteurs, structures associatives et entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) s’organisent pour maintenir leur activité. Même avec quelques ratés, les Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) se montrent particulièrement résilientes dans ce contexte de crise sanitaire, au bénéfice mutuel de ceux qui mangent et de ceux qui font manger. « Nous estimons que 95 % de nos 300 structures ont réussi à maintenir leurs distributions », explique Mathilde Szalecki, salariée de la fédération des Amap d’Île-de-France. Pour y parvenir, il a fallu réagir vite. « Dès les premières annonces gouvernementales, nous avons pris les devants et contacté chaque préfecture pour demander l’autorisation de maintenir nos activités. » À chaque fois, les réponses ont été positives. « De notre côté, le maître mot a été de nous réorganiser coûte que coûte, afin de ne pas laisser nos producteurs seuls face à leurs invendus, ni de contraindre nos amapiens à se tourner vers les supermarchés. »
Les personnes les plus fragiles sont livrées à domicile
Rapatriement vers de nouveaux lieux mieux adaptés, modification des horaires ou reconditionnement des produits : tout a dû être revu dans un laps de temps record. « Notre maraîcher nous livrait jusqu’alors ses légumes pêle-mêle, explique Sandrine Feray, présidente de la Cagette, Amap installée à Belleville, dans le 19 e arrondissement de Paris. Désormais, c’est lui qui remplit une à une les 47 caissettes à usage unique que nous distribuons. »
Des créneaux horaires ont été instaurés, auquel chacun doit s’inscrire pour éviter tout afflux lors de la récupération des denrées, et les producteurs ont été invités à modifier leurs tournées à l’avenant. Tout se passe dans un garage mis à disposition par une adhérente, avec gel hydroalcoolique de rigueur à l’entrée. Quant aux personnes fragiles, le réseau s’organise de façon à les livrer à domicile.
Fondées sur la prise de décisions collectives, « les Amap ont une capacité d’organisation inhérente à leur façon de fonctionner », reprend Mathilde Szalecki. De même que le soutien aux producteurs est, par essence, leur cœur de métier. « Elles ont été conçues pour cela : assurer une continuité de revenu aux paysans quels que soient les aléas, climatiques ou autres, auquel ils peuvent être confrontés. » Commandé à l’année sur la base d’un contrat signé entre le consommateur et le producteur, tout panier est payé quoi qu’il arrive, même les semaines de vaches maigres. « Nous sommes, par définition, adaptés aux situations de crise. »
Un atout, dans la période, pour les paysans qui les fournissent, dont beaucoup trouvent aussi des soutiens du côté des épiceries fonctionnant sur le modèle de l’ESS. « Habituellement, j’écoule es produits sur les marchés, dans les cantines scolaires, en Amap et auprès d’épiceries solidaires », explique Cécile Logeay, éleveuse de porcs bio dans l’Oise. Les deux premiers débouchés clos, c’est sur les deux seconds que l’éleveuse s’appuie.
Un éventail de produits locaux comparables à celui d’une supérette
Avec les Amap, toutefois, « la chaîne du froid est parfois difficile à réorganiser aussi vite ». Les choses se passent au mieux, en revanche, avec les épiceries, entre autres Kelbongoo. La structure a ouvert dans le 10 e arrondissement de Paris il y a bientôt trois ans, et dispose aujourd’hui de trois boutiques et de plusieurs points relais, jusqu’en banlieue. Fonctionnant sur le principe du drive – commandes passées sur Internet et retrait en magasins –, elle propose un éventail de produits comparable à celui d’une supérette, quoique tous issus de l’agriculture locale et équitable.
« Quand cela a été possible, nous avons augmenté nos commandes aux producteurs qui n’ont plus que nous comme débouchés », explique Natacha Gan, responsable développement de la structure. Cécile Logeay est de ceux-là. « Aujourd’hui, entre les Amap et Kelbongoo, nous réussissons à écouler toute notre production habituelle, et même un peu plus. » L’avenir, bien sûr, est comme pour beaucoup encore incertain. Mais l’éleveuse croise les doigts. « Pour l’heure, ils nous ont, au sens propre, sauvé le coup. »
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