Annoncée par Emmanuel Macron, la réouverture « progressive » des établissements scolaires, à l’exclusion du supérieur, est souhaitée par tous. Mais pas question de transiger sur les conditions.
Ce fut une des surprises de l’allocution d’Emmanuel Macron, le 13 avril : l’annonce de la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai. Le ministre de l’Éducation, après avoir longtemps posé son doigt sur le calendrier à la date du 4 mai, s’était depuis quelque temps montré beaucoup plus évasif. Ce sont les écoles maternelles et primaires, les collèges et les lycées qui sont concernés. Les établissements d’enseignement supérieur, eux, ne reprendront pas avant septembre. Et, selon toute vraisemblance, cela concerne aussi les BTS et autres classes préparatoires, qui ont lieu dans des lycées mais sont des formations post-bac.
La première préoccupation est d’ordre sanitaire
Pour Sophie Venetitay, secrétaire nationale du Snes-FSU (principal syndicat du secondaire), cette annonce constitue une « clarification » bienvenue. Mais, ajoute-t-elle aussitôt, « c’est la seule ». De fait, les modalités de cette reprise, annoncée « progressive », restent entièrement à définir. « Est-ce que ça signifie, reprend la syndicaliste , un étagement par région, par tranche d’âge – par exemple en commençant par le lycée, puis le collège, puis les plus petits ? Ou progressivement par établissement, en commençant par les secondes, puis les premières, etc. ? On n’en sait rien. » De premières clarifications étaient attendues après la journée de mardi, où les organisations syndicales devaient commencer à être reçues au ministère.
Pour tous les acteurs, la première préoccupation est d’ordre sanitaire. « Nous sommes pour reprendre l’école dès que possible, observe Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE, mais pas si cela met en jeu la santé des enfants et de tous les personnels, pas si les gestes barrières ne peuvent pas être respectés. » Cosecrétaire du Snuipp-FSU (primaire) en Seine-Saint-Denis, Marie-Hélène Plard se montre elle aussi sceptique : « Pour les petits, certains vont avoir besoin d’être câlinés, d’autres à l’inverse vont être très excités de retrouver les copains… Respecter la distanciation, c’est mission impossible. » Volontaire pour l’accueil des enfants de soignants, elle fait remarquer que « déjà nous n’avions pas le matériel nécessaire ». Même un accueil en petits groupes – voire en tout petits groupes pour les plus petits, précisait Jean-Michel Blanquer, mardi matin – ne paraît pas permettre de garantir la sécurité.
Sophie Venetitay pose comme condition préalable à la reprise de « tester tous les élèves et les personnels ». Francette Popineau, porte-parole du Snuipp, souligne la contradiction qu’il y a « à dire qu’on laisse les restaurants fermés mais qu’on rouvre les cantines » et se montre catégorique : « On ne transigera pas : il nous faut la garantie scientifique que l’école peut reprendre sans risques, et non parce que l’économie ne peut plus attendre. » Rodrigo Arenas va plus loin : « Il ne s’agit pas de répondre aux injonctions du Medef. Si les conditions ne sont pas réunies, il ne faudra pas tenter de piéger les parents en leur disant que, de toute façon, ils doivent reprendre le travail et que comme ils n’ont pas de mode de garde, ils ne doivent pas être trop exigeants sur l’école… »
La fin du confinement, pas des inégalités
À entendre Emmanuel Macron, c’est la prise de conscience des inégalités qui justifie son empressement : « Trop d’enfants, a-t-il souligné lundi soir , notamment dans les quartiers populaires ou dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents. » « La fin du confinement ne réglera pas les inégalités », lui répond Francette Popineau. « Enfants et enseignants ont envie de reprendre, et les enfants en ont besoin. Mais on ne rattrapera pas le retard qui a été pris. On va se retrouver, consolider les acquis… et espérer qu’on pourra aménager l’année 2020-2021 pour tenir compte du retard. » « Le confinement a creusé les inégalités, ajoute Sophie Venetitay , et il faudra faire le point sur cela. Mais l’important, c’est de reconstruire le lien avec l’école. » Quant à Rodrigo Arenas , il juge qu’on « ne rattrapera pas en un mois des inégalités qui existent depuis des années et que l’école ne parvient pas à résoudre, voire fabrique ! » Bref, plus que la date, ce sont les modalités du déconfinement scolaire qui le rendront possible et, surtout, acceptable… ou non.
Rodrigo Arenas ne cache pas sa colère : « Les enfants nés en 2003, actuellement en première, ont subi toutes les réformes », tonne le coprésident de la FCPE. « Et maintenant, alors que le bac passe au contrôle continu, on maintient l’épreuve orale spécialement pour eux ? Il faut arrêter de les harceler ! » De fait, 30 000 profs ont déjà signé la pétition demandant son annulation, en raison des risques sanitaires que son maintien ferait courir aux élèves et aux enseignants, et parce qu’il s’agirait forcément de juger des connaissances acquises pendant le confinement. Ils ont le soutien des principaux syndicats, Snes-FSU, Sgen-CFDT et Unsa éducation.
Monsieur Jean Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07
Paris le 17 avril 2020
Monsieur le Ministre,
Personnels, parents d’élèves, élèves tiennent à vous faire part de la grande inquiétude suscitée par les annonces du président de la République sur la réouverture progressive des écoles et établissements scolaires à partir du 11 mai.
Tout le monde souhaiterait pouvoir reprendre l’école et sortir d’une situation où l’ensemble des élèves subissent les conséquences de la crise et où les inégalités scolaires se creusent. Mais les conditions seront elles réunies à compter du 11 mai ? En prolongeant au delà de cette date la fermeture des cafés, restaurants, lieux de culture, etc., le Président de la République a lui même anticipé le maintien d’une situation de risque sanitaire nécessitant la poursuite de la plus grande vigilance.
Nous n’avons pas la prétention de connaître l’ensemble des procédures à appliquer. En revanche, nous demandons à ce que les préconisations sanitaires pour la protection optimale de toutes et tous soient strictement respectées. Ce sont des conditions sine qua non à la reprise.
En tout état de cause, les éléments suivants nous semblent incontournable:
– la mise en place d’une politique massive de tests qui devra correspondre aux préconisations du conseil scientifique et de l’OMS
– la désinfection des écoles, services et établissements scolaires qui ont été fréquentés pendant la période de confinement avec des dotations en matériel spécifique (équipements, masques…) et une protection adaptée
– la fourniture des matériels de protection (gel hydroalcoolique, gants et masques chirurgicaux ou FFP2) en quantité suffisante pour les agent.es et les élèves adaptés à la situation de travail de chacun
– les personnels dont la santé ou la pathologie le nécessite doivent bénéficier des mesures d’éloignement du travail et avoir un suivi médical tel que prévu par le décret 82 453 modifié
– les élèves dont la santé ou la pathologie le nécessite, et celles et ceux dont les parents souffrent de grandes pathologies, doivent pouvoir être exemptés du retour en présentiel
– des garanties concernant la limitation des effectifs par groupes dès le retour des élèves (retour qui ne peut être simultané de celui des adultes), pour permettre la distanciation sociale exigée par ailleurs, et ce pour l’ensemble des niveaux et tous les lieux fréquentés par les élèves et personnels (cantine scolaire, internats, couloirs etc.).
Depuis le 14 avril 2020, vous consultez les organisations représentatives des personnels, des parents d’élèves et le CNVL. Nous avons formulé nos propositions, nos attentes pour que la reprise quand et là où elle aura lieu se passe du mieux possible en termes de sécurité pour toutes et tous. Nous vous demandons de présenter vos propositions à l’issue de ce cycle d’audiences afin que nous puissions vous faire part de nos réactions, cela pourrait avoir lieu en multilatérale et dans le cadre des instances de dialogue social ministériel :
CTMEN, CHSCTMEN et CSE avant toute reprise éventuelle et avant la communication au grand public.Nous vous demandons de vous assurer que ces mesures seront présentées dans les instances de dialogue social local (niveaux aca démiques et départementaux).
Enfin, des établissements scolaires ont été réquisitionnés ces dernières semaines pour permettre d’héberger des personnes sans domicile ou en grande précarité de logement et leur permettre de s’isoler, d’être soignés, de se reposer pour guérir. Partout où les préfectures et agences régionales de santé estiment que la réquisition demeure nécessaire au delà du 11 mai 2020, les établissements doivent demeurer fermés pour que la politique nationale de santé face au Covid19 ne soit pas fragilisée. Si ces conditions n’étaient pas remplies,
les risques encourus par les élèves, les personnels et la population devront conduire à différer l’ouverture des écoles et des établissements scolaires prévue à partir du 11 mai.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de nos salutations respectueuses.
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