Pourquoi le covid-19 fait-il le lit de l’obscurantisme ?

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Doute et critique sont essentiels à la démocratie. Ainsi qu’une confiance « suffisante » dans le circuit de l’information. Or, à force de choix libéraux et de com, paroles politiques, journalistiques – et par ricochet scientifiques – sont décrédibilisées. Qui croire, que croire ? Les fake news trouvent bonne oreille, l’irrationnel peut prendre place. Et cette crédulité, que la peur de la pandémie démultiplie, devient du pain bénit pour les intégristes.

 C’est une épidémie concomitante au coronavirus. Une « infodémie », selon le néologisme employé par Tedros Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour qualifier la circulation massive de fausses informations sur le Covid-19 à l’échelle planétaire. « En France, les théories du complot sur le coronavirus sont apparues dès janvier, puis ont massivement circulé depuis le confinement », relate Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme à la Fondation Jean-Jaurès et fondateur de Conspiracy Watch.

Sur le grand marché du complot, il y en a en effet pour tous les goûts, en fonction de quel coupable a votre préférence : le virus est tantôt un coup monté des laboratoires pharmaceutiques, tantôt une création de l’État via l’Institut Pasteur, voire, selon le youtubeur Evrard – dont la vidéo a été vue près de 700 000 fois –, une gigantesque fake news orchestrée main dans la main par le gouvernement et les médias pour justifier des lois liberticides. Toutes ces théories ont en commun de remettre en question la parole officielle, qu’elle provienne de l’exécutif, des médias ou bien des scientifiques.

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Philippe Meirieu : « L’école d’après »… avec la pédagogie d’avant ? in Caf. Péda.

S’il restait encore le moindre doute sur le caractère ridicule des prophéties sentencieuses sur notre avenir, la crise que nous traversons l’aurait levé. Certes, tout le monde est d’accord sur le fait qu’« il y aura un avant et un après », mais nul ne sait de quoi cet « après » sera fait. Les analyses se multiplient pour souligner le caractère inédit du moment que nous traversons, montrer qu’il remet en cause toutes nos habitudes et requiert une véritable refondation de nos systèmes de pensée et de décision. On nous dit que tous les pays et, en particulier, le nôtre, ont fait le choix de la santé pour tous plutôt que de la croissance économique au profit de quelques-uns. On déclare que nous allons, demain, revaloriser les professions de l’humain, nécessaires à notre survie collective, plutôt que continuer à exalter les « premiers de cordée » et à promouvoir les « gagneurs ». On nous explique qu’est venu le temps du partage équitable des biens communs qui nous permettra, enfin, ne pas « périr dans les eaux glacées du calcul égoïste » dont parlait Marx… Je voudrais bien le croire. Je voudrais être certain que nous nous dirigeons, à l’échelle planétaire, vers plus de solidarité, entre les personnes et les nations, plus de justice sociale et une meilleure prise en compte des enjeux écologiques majeurs. Mais, en vérité, je crois que rien n’est joué…

S’il y a une réalité que les historiens de la pédagogie connaissent bien, c’est, en effet, l’immense écart – le fossé, voire le gouffre – qui sépare les déclarations d’intention, générales et généreuses, des pratiques réellement mises en œuvre. « Formation à l’autonomie », « droits de l’enfant », « personnalisation des apprentissages », « expérience de la fraternité », « co-construction des pratiques »… on n’en finirait pas d’inventorier ces notions dont l’importance est proclamée en grande pompe et que les institutions, par peur ou par paresse, par manque d’inventivité ou inquiétude face à ce qui pourrait leur échapper, mettent systématiquement à l’écart ou cantonnent précautionneusement dans les marges. On sait bien qu’il faut une équipe mobilisée, des cadres éducatifs qui prennent des risques et une hiérarchie qui ferme les yeux, pour que l’on s’interroge vraiment sur tout ce que cela veut dire concrètement et au quotidien. C’est que la cohérence entre les promesses affichées et les pratiques mises en œuvre, n’est, en aucun cas, la règle : elle représente, tout au contraire, l’exception, infiniment rare et précieuse, qui émerge quand quelques individus ou groupes déterminés se mettent au travail en posant une question profondément subversive et que ne tolèrent guère les partisans du « désordre établi » : « Mais pourquoi ne fait-on pas ce que l’on annonce ? ».

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COVID 19: Reprise : La communauté éducative pose ses conditions 

 » Ce sont des conditions sine qua non à la reprise. » Dans une rare unanimité, les syndicats (sauf FO), la Fcpe et les mouvements lycéens mettent par écrit les conditions d’une réouverture des écoles, collèges et lycées le 11 mai. Leurs exigences portent sur la sécurité sanitaire des personnels et des élèves. Les premières déclarations d’E. Philippe et JM Blanquer donnent à penser qu’elles pourraient être respectées. Mais, là où la reprise a actuellement lieu, il en va autrement…

Des conditions sine qua non…

Onze organisations représentant les différents acteurs de la communauté éducative, à l’exception des collectivités locales, ont envoyé le 17 avril une lettre commune à JM Blanquer où ils inscrivent leurs exigences pour la réouverture des écoles, collèges et lycées le 11 mai. Ont signé cette lettre la Cgt, la Faen, la Fsu, le Sgen Cfdt, le Snalc, Sud, l’Unsa éducation, la Fcpe, la Fidl, le Mnl et l’Unl.

 » Tout le monde souhaiterait pouvoir reprendre l’école et sortir d’une situation où l’ensemble des élèves subissent les conséquences de la crise et où les inégalités scolaires se creusent. Mais les conditions seront elles réunies à compter du 11 mai ? », demandent-ils. Manifestant « leur grande inquiétude », ils demandent  » à ce que les préconisations sanitaires pour la protection optimale de toutes et tous soient strictement respectées. Ce sont des conditions sine qua non à la reprise ». Continuer la lecture de COVID 19: Reprise : La communauté éducative pose ses conditions 

COVID 19: Les vautours de l’EdTech au chevet de l’école malade

Lionel Pedraza / Hans Lucas/afp

Sites et applications sont à la fête depuis la fermeture des écoles. Ce secteur promu par le ministère n’en attendait pas moins. Bien plus qu’une béquille de la « continuité pédagogique », une révolution au service du business.

Étrange période, décidément. Tandis que des secteurs entiers de l’économie menacent de s’effondrer, que des millions de salariés se retrouvent déjà au chômage, partiel ou pas, il est au moins un secteur qui ne connaît pas la crise : l’EdTech. On a pris coutume de désigner par ce terme, devenu quasi officiel, les entreprises qui travaillent dans le secteur du numérique appliqué à l’éducation. Lesquelles ont très vite compris que la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires, depuis le 16 mars, pouvait leur offrir une formidable occasion de se montrer indispensables. Ainsi, le 7 avril dans « le Monde », Yannig Raffanel, président du Cluster EdTech Grand Ouest, qui rassemble les entreprises du secteur dans cette zone, voyait dans cette France confinée, où l’on compte chaque jour des centaines de victimes du virus, un « bac à sable grandeur nature » et « un moment de bascule fabuleux ».

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Rouvrir les écoles ? Pourquoi c’est un exercice à hauts risques + lettre ouverte à M. Blanquer

« On ne transigera pas    : il nous faut la garantie scientifique que l’école peut reprendre sans risques, et non parce que l’économie ne peut plus attendre  », fait observer Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE. Benoit Tessier/Reuters

« On ne transigera pas : il nous faut la garantie scientifique que l’école peut reprendre sans risques, et non parce que l’économie ne peut plus attendre », fait observer Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE. Benoit Tessier/Reuters
 

Annoncée par Emmanuel Macron, la réouverture « progressive » des établissements scolaires, à l’exclusion du supérieur, est souhaitée par tous. Mais pas question de transiger sur les conditions.

Ce fut une des surprises de l’allocution d’Emmanuel Macron, le 13 avril : l’annonce de la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai. Le ministre de l’Éducation, après avoir longtemps posé son doigt sur le calendrier à la date du 4 mai, s’était depuis quelque temps montré beaucoup plus évasif. Ce sont les écoles maternelles et primaires, les collèges et les lycées qui sont concernés. Les établissements d’enseignement supérieur, eux, ne reprendront pas avant septembre. Et, selon toute vraisemblance, cela concerne aussi les BTS et autres classes préparatoires, qui ont lieu dans des lycées mais sont des formations post-bac.

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Loïc Pen, médecin urgentiste : « Sans tests systématiques, on ne pourra pas déconfiner correctement ».

En direct de l’hôpital de Creil (Oise) avec Loïc Pen, médecin urgentiste CGT. Le point sur la situation sanitaire, un décryptage des annonces d’Emmanuel Macron, des pistes pour une sortie de confinement réussie.

Le 11 mai et ses dénis in Caf. Péda.

A la crise sanitaire particulièrement grave que traverse le pays, est en train de s’ajouter chez une grande partie des enseignants une incompréhension de la politique menée par le gouvernement. Cette situation n’existe que par la posture prise par un gouvernement qui parle beaucoup mais ne met pas en débat ses choix. Or les enseignants méritent la vérité.

Le déni de la reprise

« On voit des collègues qui sont persuadés qu’ils seront dans leur classe le 11 alors qu’on parle bien de progressivité et pas partout, non? ». Cette remarque, lue sur Twitter le 16 avril, nous l’avons également entendue chez de nombreux enseignants avec qui nous avons été en contact depuis le 14 avril.

Nombreux sont les professeurs, aussi bien dans le premier que le second degré, qui ont compris que la réouverture des classes et des écoles ne serait que très partielle en mai voire même en juin. Cela nous revient presque à chaque contact avec un enseignant sans que ces professeurs puissent faire état d’une instruction officielle en ce sens.

Certains croient que la reprise sera tellement « progressive » qu’elle s’étalera sur un temps très long. D’autres saisissent le mot « progressif » dans le sens où la réouverture ne concernerait qu’une petite partie des écoles et des établissements. Continuer la lecture de Le 11 mai et ses dénis in Caf. Péda.

Table ronde. En cette période de crise sanitaire, les médias jouent-ils leur rôle ? + les nouvelles 82

Déjà en grande difficulté avec la crise de la presse écrite et de la distribution, les kiosquiers serrent les dents et tentent de survivre à cet épisode du Covid-19. De nombreux points de vente de presse ont fermé et les lecteurs rencontrent des difficultés à trouver leur quotidien ou magazine.

Déjà en grande difficulté avec la crise de la presse écrite et de la distribution, les kiosquiers serrent les dents et tentent de survivre à cet épisode du Covid-19. De nombreux points de vente de presse ont fermé et les lecteurs rencontrent des difficultés à trouver leur quotidien ou magazine.
Vendredi, 17 Avril, 2020

Aujourd’hui plus que jamais, les médias occupent une place essentielle dans notre société. À l’ère de l’information en continu, des réseaux sociaux et des « fake news », experts économiques et éditorialistes décryptent l’actualité mais peinent à remettre en cause un système qui révèle au grand jour ses plus grandes faiblesses.

Lors d’un événement de cette ampleur, quelle place les médias doivent-ils occuper ?

Anne-Cécile Robert, journaliste et professeur.

a mission des médias d’information est toujours la même, quel que soit l’événement : informer de manière critique et exigeante, chercher les données les plus pertinentes et fournir aux populations de quoi alimenter leurs réflexions. Continuer la lecture de Table ronde. En cette période de crise sanitaire, les médias jouent-ils leur rôle ? + les nouvelles 82

Gilles Perret, réalisateur : « Les Jours Heureux ? Chiche ! Il va falloir organiser le partage ! »

En direct, Gilles Perret, réalisateur entre autres films des « Jours heureux » et de « la Sociale », engagé depuis 2007 pour faire connaître l’action du Conseil National de la Résistance (CNR), réagit aux propos d’Emmanuel Macron : « Nous retrouverons les Jours Heureux ».

Patrick Chamoiseau : «le virus a tout bouleversé, mais nos imaginaires sont restés pour ainsi dire sidérés »

Patrick Chamoiseau en 2016 (Photo : Hannah Assouline/Opale/Leemage)

Patrick Chamoiseau en 2016 (Photo : Hannah Assouline/Opale/Leemage)
 

Entretien. Confiné à Paris, loin de la Martinique, l’écrivain nous fait part de ses réflexions sur « l’embâcle et la débâcle » consécutives à la pandémie et au saccage de l’intérêt général. Souhaitant un « après » véritable, craignant le « non-événement », Patrick Chamoiseau en appelle à une mise « en relation de nos individuations questionnantes, solitaires et solidaires » pour vaincre le néolibéralisme, « véritable virus contre lequel nous n’avons pas encore trouvé de traitement ».

Né en 1953 à Fort-de-France, en Martinique, Patrick Chamoiseau est l’auteur de nombreux romans et essais, maintes fois primés, dont Texaco, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt, en 1992. Il est par ailleurs le nouveau titulaire de la chaire d’écrivain en résidence de Sciences-Po.

Comment vivez-vous cette situation inédite ?

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