Covid 19: Épidémie, comment surveiller le rebond ?

À l’hôpital Broussais, à Paris, un tout nouveau laboratoire spécial coronavirus a été ouvert. © Alain Jocard/Pool via Reuters

À l’hôpital Broussais, à Paris, un tout nouveau laboratoire spécial coronavirus a été ouvert. © Alain Jocard/Pool via Reuters
 

Aucun critère précis n’a été fixé pour évaluer l’imminence d’une seconde vague, qui pourrait nous amener à « reconfiner ». Les chercheurs invitent à suivre plusieurs données.

« Nous sommes prêts à corriger le tir si besoin », a assuré Emmanuel Macron, mercredi, lors d’un point avec les préfets et les ARS sur le déconfinement. Mais pour corriger le tir, encore faut-il avoir de bonnes lunettes. Et regarder dans la bonne direction. Alors, comment la France surveille-t-elle un éventuel rebond de l’épidémie ? Quels sont les critères retenus ? Et à partir de quel seuil serait-on contraint de procéder à un reconfinement, total ou partiel ? Si l’hypothèse a bien été évoquée par Jean Castex, le Monsieur Déconfinement du gouvernement, aucun critère précis n’a été rendu public pour estimer ce que serait une nouvelle flambée du virus. « Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas se reposer sur des critères trop tardifs comme la mortalité liée au Covid ou les entrées en réanimation, estime l’épidémiologiste et professeur à Sorbonne-Université Pierre-Yves Boëlle. Plus les indicateurs seront précoces, mieux ce sera pour guider la décision. Le nombre de passages en médecine générale pour des symptômes liés au virus, le nombre de tests effectués chaque jour et la positivité de ces tests doivent être regardés en priorité. »

Mercredi, Santé publique France, l’agence qui regroupe l’ensemble des informations liées au coronavirus dans notre pays, a fait un premier point sur ces critères de « suivi » du déconfinement. « Notre enjeu est d’arriver à produire des indicateurs reflétant l’épidémie le plus précocement possible et à l’échelle des territoires. Car c’est le croisement entre la surveillance et les connaissances de terrain qui permettra l’analyse du risque la plus pertinente. Et cela suppose une capacité diagnostique qui soit adaptée à la demande sur l’ensemble du territoire », a précisé Geneviève Chêne, la directrice générale de Santé publique France.

Des tests réservés aux seules personnes symptomatiques

Où l’on en revient au nombre de tests qui pourront être menés en France. Le gouvernement assure que l’objectif hebdomadaire de « 700 000 tests PCR » (qui mesurent la présence du virus au moment du test) sera bien tenu. Ce que confirment les syndicats de biologistes. Sauf que ce chiffre de 700 000 avait été calculé sur la base de 3 000 nouvelles contaminations maximum chaque jour. Or, selon une étude publiée mercredi par l’Institut Pasteur, la France aurait déjà atteint lundi 11 mai quelque 3 900 nouvelles contaminations… « On part de beaucoup plus haut qu’on ne l’aurait souhaité, cela augmente les risques de rebond, reconnaît Pierre-Yves Boëlle. Mais le plus important reste la façon dont les Français vont respecter les gestes barrières et limiter les contacts. » D’autant que la stratégie de dépistage, elle, n’a guère évolué, avec des tests réservés aux seules personnes symptomatiques, à rebours des pays ayant réussi à maîtriser le mieux l’épidémie, comme l’Allemagne. « C’est un gros problème, estime l’épidémiologiste Catherine Hill. Toutes les études montrent qu’il y a une bonne moitié d’asymptomatiques chez les personnes infectées. En se privant de tester plus largement, on se cache volontairement la moitié de l’épidémie. Et on prend le risque d’une nouvelle flambée. »

Voir aussi : Notre entretien avec Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale, à Genève

Directeur de l’Institut de santé globale, à Genève, Antoine Flahault remarque qu’il n’existe pas de critère indiscutable, fixé par l’OMS ou des sociétés savantes, pour mesurer la reprise épidémique. « En fait, cela dépend de l’objectif que les gouvernements se fixent. S’il s’agit seulement d’éviter un engorgement des hôpitaux, on peut regarder la disponibilité des lits en réanimation. Mais si on veut éviter une seconde vague, il faut sans doute suivre plusieurs critères, comme le nombre de tests effectués, celui des nouveaux cas journaliers, couplés aux tensions hospitalières. » L’Allemagne, elle, considère qu’un reconfinement doit être mis en place au-delà de 50 infections en moyenne pour 100 000 habitants, sur une période de sept jours par zone. « Ce chiffre n’est pas transposable à la France, qui n’a pas les mêmes capacités de dépistage. Et de fait, plus on teste, plus le point d’équilibre au-delà duquel il faut s’inquiéter se trouve modifié », relève Antoine Flahault. Quid du taux de reproduction du virus (nombre de personnes infectées par un cas positif) ? « C’est un indicateur intéressant quand on est au cœur de l’épidémie, mais un peu trop sensible quand celle-ci a beaucoup reculé », note l’épidémiologiste. « On n’attendra pas le 2 juin pour réagir », a toutefois prévenu Jean Castex, mardi, évoquant l’alerte que pourrait constituer un « doublement du nombre de nouveaux cas par jour ». Le reconfinement pourrait alors être mis en place, « territorialement ou nationalement », a-t-il précisé.

Alexandre Fache

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