Éducation. Le confinement a creusé les inégalités entre lycéens

Les cours par visioconférence n’ont pas permis d’assurer un égal accès à tous les élèves. © Frédéric Maigrot/REA

Les cours par visioconférence n’ont pas permis d’assurer un égal accès à tous les élèves. © Frédéric Maigrot/REA

Une enquête du syndicat UNL en Gironde montre les limites de l’enseignement à distance et la problématique de la continuité pédagogique.

C’est un travail précieux qu’ont accompli les lycéens de l’UNL 33 (Union nationale lycéenne de Gironde). En menant à bien une enquête sur « le ressenti des lycéens face à la continuité pédagogique », ils permettent de mesurer d’une façon inédite les effets de la période qui vient de s’écouler sur les jeunes scolarisés de la seconde à la terminale. Et de confirmer ce que les témoignages d’enseignants, d’élèves et de parents indiquaient jusqu’à présent : une aggravation des inégalités scolaires, étroitement liée aux inégalités sociales qui, en temps normal, marquent déjà l’accès à l’éducation et au savoir.

Les chiffres sont solides, le décrochage est massif

« Nous voulions connaître la réalité telle qu’elle est, explique Mathéo Dastugue, porte-parole de l’UNL 33, et ne pas nous contenter des quelques chiffres donnés par le ministère. » Les lycéens ont donc pris le temps d’élaborer leur questionnaire, qu’ils ont ensuite fait circuler dans leurs propres réseaux, auprès de leurs familles, amis, enseignants, par le biais de syndicats comme la CGT ou le Snes-FSU. Avec plus de 1 000 réponses de lycéens de tout niveau, sur une bonne cinquantaine de lycées généraux ou professionnels du département, et même si la démarche ne respecte pas à la lettre tous les canons scientifiques, le résultat est solide.

« On nous parlait de 5 à 8 % d’élèves décrocheurs, reprend Mathéo Dastugue. La réalité est différente car, aux élèves en décrochage total, il faut ajouter plusieurs degrés de décrochage partiel. » Ainsi, 11,5 % des élèves ont déclaré ne pas ou ne plus travailler depuis plusieurs semaines, un chiffre déjà supérieur à ceux avancés par le ministère. Mais 33 % reconnaissent un « decrescendo » dans leur régularité au travail, et à peine moins avouent « choisir les matières » où ils travaillent. Au final, moins de la moitié (45,1 %) dit avoir « à peu près fait tout le travail demandé ». Les raisons de ce décrochage massif ? D’abord l’inégalité d’accès aux outils eux-mêmes. En voie générale et technologique, plus d’un élève sur deux (52,9 %) n’a pas accès à un scanner, un sur trois (31,3 %) doit partager son équipement informatique avec le reste de la famille. 28,6 % d’entre eux n’ont même pas accès à une imprimante et près d’un sur cinq (18,5 %) a des problèmes d’accès ou de débit Internet limité. Une confirmation : ces difficultés s’aggravent pour les lycéens professionnels, d’origine sociale bien souvent plus modeste. Plus d’un sur deux (50,6 %) n’a pas d’imprimante et un taux avoisinant (48,1 %) doit partager son équipement.

L’UNL 33 pointe le fameux « nous sommes prêts » de Jean-Michel Blanquer

Très utilisés pendant le confinement, les cours par visioconférence n’ont pas non plus permis d’assurer un égal accès à tous : 18,3 % des lycéens déclarent avoir dû renoncer à un tel cours faute d’avoir pu se connecter ; près d’un quart (22,7 %) a vu le cours annulé pour des raisons techniques ; et un tiers d’entre eux a dû jongler entre trois plateformes différentes au moins pour suivre les cours. « Nous regrettons que les services du ministère n’aient pas réussi à proposer aux enseignants et aux élèves une structure publique et sécurisée, permettant la connexion de tous les élèves de France, et adaptée aux besoins des enseignants et des lycéens », tacle l’UNL 33, en écho au fameux « nous sommes prêts » de Jean-Michel Blanquer.

Tous les élèves (49,1 % en lycée général, 59,3 % en professionnel) reconnaissent que cette période a été pour eux une « source de stress plus importante qu’habituellement ». « Le ministre a dit qu’en septembre l’école à distance devrait continuer. Pour nous, ce n’est pas envisageable, conclut Mathéo Dastugue. Surtout avec de telles inégalités sociales et scolaires. Il faut revenir aux cours en présentiel. »


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