Revenus, patrimoine… l’Observatoire des inégalités fixe un seuil de richesse contesté (infographie)

Infographie L'Humanité / Bruno Hedouin

Infographie L’Humanité / Bruno Hedouin

En publiant un rapport sur les riches en France, l’organisme indépendant pose la question d’un seuil de richesse qu’il fixe à 3 470 euros par mois pour un célibataire.

Qui sont les riches ? À partir de quel revenu est-on riche ? L’Observatoire des inégalités lance un pavé dans la mare, en fixant le seuil « d’entrée dans le monde des privilégiés » à 3 470 euros par mois net d’impôt et des prestations sociales. Soit pour un célibataire un revenu aux alentours des 5 000 euros. Un rapport qui tombe à pic au moment où le débat sur la justice fiscale, sur la détermination des revenus revient en force. Alors qu’en face les ministres de Bercy cherchent à éteindre l’incendie.

Reste que le chiffre mis en avant par l’observatoire surprend. Avec 3 470 euros, le standard de vie reste en rapport avec le reste de la population et semble très éloigné de la poignée de millionnaires, milliardaires que l’on trouve parmi les 0,1 % (15 000 euros net), les 0,01 % (38 500 euros net), voire des 1 % (6 650 euros net par mois).

En vingt ans, l’écart s’est creusé

En faisant le choix de prendre comme mesure le double du revenu médian, en parallèle au seuil de pauvreté (fixé à la moitié du revenu médian), l’Observatoire des inégalités veut s’engouffrer dans ce grand écart de la richesse en France.

Pour appuyer son analyse, l’observatoire est remonté vingt ans en arrière pour s’arrêter en 2017, n’ayant pas les données 2018, alors que les mesures gouvernementales ont été « très favorables aux plus aisés ». Une période durant laquelle « les riches se sont enrichis (…) et se sont éloignés des classes moyennes ». « En 1996, l’écart entre le niveau de vie médian de la population et le niveau de vie moyen des 10 % les plus riches était de 27 800 euros annuels. En 2017, il était de 36 300 euros. L’écart s’est creusé de 8 500 euros. »

« L’erreur politique de la gauche a été de se concentrer sur les super-riches, les 99 % contre les 1 % », affirme Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Or, « quand on fait partie des 5 millions de personnes les plus riches (8 % de la population), fait-on vraiment partie de la classe moyenne, même dite supérieure ? Non, on est aisé. C’est une façon d’avancer masqué pour éviter d’être trop taxé », estime-t-il. Une analyse qui laisse « perplexe » Éric Bocquet, sénateur communiste, spécialiste de l’évasion fiscale. « Ce rapport, riche de données, confirme tous les constats que nous connaissons. Mais en fixant la barre si basse, il détourne le regard de ceux qui sont tout en haut de l’échelle des revenus. » Si bien que, pour le sénateur, ce seuil fixé par l’observatoire ne peut être « l’axe central d’une politique fiscale ». D’autant qu’il laisse à penser qu’il y « aurait autant de gens riches que de pauvres ». Un seuil « dangereux et maladroit », réagit, de son côté, Vincent Drezet, de Solidaires finances publiques, qui risque de créer du « rejet ». Or, les personnes ayant entre 3 500 et 4 000 euros de niveau de vie ne sont pas celles « qui défiscalisent le plus ». Elles n’ont « pas assez de revenus financiers pour se décharger fiscalement », juge-t-il. « C’est à partir des 1 % que cela commence à être intéressant. » C’est là que les rémunérations liées notamment à la part des actifs financiers dans les revenus des 1 %, ont explosé, analyse Vincent Drezet.

Une critique que Louis Maurin entend. Reste que, pour lui, ces personnes aisées, même avec 3 470 euros, ont les moyens de réduire « considérablement » leur impôt. Et de citer les crédits d’impôt lorsqu’ils emploient une femme de ménage, par exemple.

Le patrimoine, « le vrai signe de richesse »

De plus, s’ils n’ont pas le pouvoir individuel comme peut l’avoir un grand patron, comme un Bernard Arnault, ils l’ont ensemble. « Ils sont souvent responsables associatifs, petits patrons, artisans, rédacteurs en chef des médias, élus…, et ont donc un pouvoir public considérable qui leur permet d’influencer l’opinion publique », assure Louis Maurin. En rien comparable avec « l’oligarchie qui s’est installée dans tous les cercles de pouvoir », pointe Éric Bocquet, qui travaille une future proposition de loi visant à la création d’une commission de la fraude et de l’évasion fiscale.

En parallèle, l’Observatoire des inégalités fixe également un seuil de richesse en fonction du patrimoine, qui reste « le vrai signe de richesse ». Selon son calcul, celui-ci serait fixé à 490 000 euros, trois fois le patrimoine médian, regroupant 16 % des ménages ayant le plus haut patrimoine. Les millionnaires, en patrimoine, seraient 1,2 million, soit 4 % de la population. Un seuil qui paraît plus « raisonnable », confit Vincent Drezet. D’autant qu’au vu des inégalités de patrimoine ​​​​​​​ « l’enjeu est là ».


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