Où l’on évoque aussi le télétravail des enseignants…
27 ans depuis mon entrée dans l’Éducation Nationale.
14 ans depuis que j’ai basculé dans le corps des personnels de direction…
Et depuis longtemps je me prends à rêver qu’un jour un gouvernement fera son examen de conscience et s’excusera de ne pas avoir mis en œuvre un accompagnement des personnels qui permette une application fluide et sereine des politiques éducatives depuis plus de 50 ans.
Mon analyse après ces années est que les personnels enseignants ne sont pas correctement suivis et accompagnés dans leur quotidien, que leur santé n’est pas activement suivie, et que leurs conditions matérielles de travail (quand ils ne sont pas en présence des élèves) sont nettement insuffisantes.
Et je pense que cette analyse de haute volée est majoritairement partagée par les acteurs en présence.
A force nous en avons pris notre parti, suivant la sainte règle des 5C (C’est Con mais C’est Comme Ça).
Aujourd’hui, chaque enseignant sait que sa santé ne sera pas surveillée et qu’il devra ne compter que sur lui-même et la médecine de ville, que ses difficultés personnelles ne seront pas interrogées à moins qu’il ne demande explicitement de l’aide.
Aujourd’hui, chaque enseignant qui entre dans la profession sait qu’il n’aura pas de conditions d’accueil matérielles garanties au sein de son établissement afin de pouvoir par exemple bénéficier d’un poste de travail et d’un bureau pour préparer ses cours.
Mais il sait qu’il pourra partager parfois quelques ordinateurs en salle des profs avec des collègues (pour un ratio d’un PC environ pour une dizaine de collègues…).
Aujourd’hui aussi, chaque enseignant qui entre dans la profession est libre de choisir ou non de s’équiper d’un ordinateur et d’une connexion internet (à ses frais) pour préparer ses cours.
Chacun a donc le choix, comme tout citoyen, de ne pas équiper son domicile de matériel informatique et d’une connexion internet. Il y en a, peu mais il y en a, et il n’est écrit nulle part que cela constitue une faute professionnelle.
Du moment qu’en période normale il s’engage à saisir son cahier de texte numérique et ses évaluations (dans les locaux de son établissement ou ailleurs) puisque cela fait aujourd’hui partie de ses obligations professionnelles.
Je force un peu le trait, mais je montre juste que dans le contrat d’un professeur rien n’est prévu qui l’oblige à être équipé à son domicile.
Et aujourd’hui, on lit ici et là des articles aux titres accrocheurs.
« Confinement : où sont passés les profs ? », « Profs décrocheurs, que fait le ministre ? », « Les profs ne veulent pas reprendre le travail ! Pourquoi ? ».
Ces articles suscitent des réactions épidermiques, que ceux qui ne connaissent pas le milieu pourraient penser excessives.
Mais il n’en est rien parce qu’à force d’avoir accepté durant des décennies l’inacceptable, la moindre critique crée un sentiment d’injustice épidermique.
Et justifié.
Depuis plusieurs jours j’en viens à espérer à nouveau ce fameux examen de conscience, en soutien aux personnels.
On devrait louer le miracle qui s’est déroulé qui a fait que plus de 95% des enseignants ont suivi leurs élèves avec qualité et dévouement malgré des conditions matérielles inacceptables.
Malgré quelques très rares appels à refuser de le faire, dans l’Éducation nationale la quasi totalité des enseignants se sont assis sur la Loi (concernant le télétravail) dans l’intérêt premier de leurs élèves :
ils ont utilisé leur matériel personnel,
ils ont utilisé leur matériel personnel,
ils ont utilisé leurs forfaits téléphoniques (parfois en les explosant).
Tout cela sur leurs propres deniers.
La continuité pédagogique n’a tenu que parce que la quasi totalité des enseignants a pallié le manque total de matériels professionnels mis à leur disposition .
Donc non, l’Institution n’était pas prête contrairement à ce qui a pu être dit.
A aucun moment.
Mais les enseignants étaient prêts.
Et nous avons obtenu de formidables résultats.
Seule la flexibilité extraordinaire des personnels a fait qu’une fois de plus la machine a pu tourner.
Majoritairement.
Avec des résultats parfois remarquables.
Qui est allé creusé avec quels moyens tel ou telle enseignant.e a créé sa chaine YouTube, a usé de moyens novateurs pour animer et rendre encore plus vivants ses cours à distance ?
Qui en parle, qui renvoie finalement l’Institution à ses manques ?
Soyons honnêtes : la faute ne repose pas sur un ministre ou un gouvernement, mais plus sur une succession de manquements et de défauts d’organisation, depuis des décennies.
Oui, certains enseignants ont pu se retrouver dans l’impossibilité d’enseigner à distance, oui peut-être quelques rares ont pu décider de refuser d’utiliser leurs ressources personnelles (c’est dommage car ce n’est pas l’esprit de la maison mais cela n’a rien d’illégal et ne saurait constituer une faute professionnelle).
Mais au bout du bout du compte, qui est le responsable ?
Quelle entreprise oserait demander à ses salariés d’assurer du télétravail sans y mettre les conditions matérielles ?
Je crois qu’il faudrait dire et redire que tout cela a reposé sur une sorte de miracle et que l’enseignement est définitivement une vocation.
Je crois qu’il faudrait montrer que les gouvernements successifs ont peut-être un peu trop surfé sur le dévouement des enseignants à leur métier, au risque aujourd’hui (la société change, les générations changent) de ne plus susciter autant d’engouement au recrutement.
L’Éducation nationale et ses personnels ont besoin aujourd’hui d’une prise de conscience nationale et collective,
l’Éducation nationale et ses personnels ont besoin aujourd’hui d’un soutien massif afin de permettre à tous de s’améliorer encore et d’offrir enfin des conditions de travail dignes de cette grande cause.
A défaut d’obtenir ce soutien des médias qui aujourd’hui semblent chercher le sujet polémique qui fait de l’audience, l’Éducation nationale et ses personnels ont besoin de dirigeants qui reconnaissent et expriment les manquements passés, qui en assument la responsabilité historique et aillent de l’avant pour co-construire avec les personnels.
Celui qui un jour comprendra cela a peut-être une chance d’emmener avec lui les troupes et de construire de belles choses.
Les idées ne manquent pas, encore faut-il les laisser s’exprimer.
Et les soutenir.
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