Féminicides. Grande cause, mais mini-budget contre les violences conjugales

Selon un rapport publié ce jeudi par plusieurs associations, seulement un tiers des mesures du Grenelle, lancé il y a un an, ont été prises. Le nombre de femmes décédées sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint, lui, progresse.

Les associations ont le verbe mesuré et affirment vouloir rester « fairplay ». Mais le constat est là : un an après le lancement du Grenelle contre les violences conjugales et les promesses faites par le gouvernement, les moyens ne sont pas au rendez-vous. Les féminicides, eux, ne ralentissent pas, atteignant un niveau record en 2019 : 146 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint, contre 120 en 2018, selon le ministère de l’Intérieur. « Un an après le Grenelle, un tiers des mesures ont été faites, détaille la présidente de la Fondation des femmes. Un autre tiers a été engagé. Enfin, rien n’a été initié pour le dernier tiers. » Le bilan d’Anne-Cécile Mailfert est donc « mitigé ». Mais, plus cyniquement, elle constate que « le premier ministre avait ouvert le Grenelle en expliquant qu’il n’y aurait pas plus d’argent sur la table : c’est une promesse qu’il a tenue ».

En résumé, les mesures les moins coûteuses (audits, aménagement des procédures judiciaires) ont vu le jour, mais quand il a fallu ouvrir le porte-monnaie, c’est devenu plus compliqué… Les associations déplorent notamment l’absence de financement de nouvelles structures dédiées à la prise en charge sanitaire et psychologique et sociale des femmes victimes, sur le modèle de la Maison des femmes de Saint-Denis. Des « mauvais élèves » rechignant à mettre rapidement en place les décisions sont même pointés du doigt : les ministères du Travail, de la Santé et de l’Éducation.

L’état des lieux est mauvais

Enjeu essentiel du Grenelle, la question de l’hébergement spécialisé pour la mise à l’abri des victimes n’a pas été entendue. Malgré la promesse de créer 1 000 nouvelles places, promesse réitérée et amplifiée ce mercredi par le premier ministre pour l’année prochaine, l’état des lieux est mauvais. Les associations affirment ne pas avoir vu leur enveloppe augmenter, alors même qu’un récent rapport sénatorial dénonce « un tour de passe-passe budgétaire » (1). « Le prix évalué par le gouvernement ne prend pas en compte l’accompagnement social, ni la création de places sécurisées, s’inquiète Florent Gueguen, de la Fédération des acteurs de la solidarité. Des places ont été créées dans des centres d’hébergement généralistes, donc mélangées à un public d’hommes, ce qui n’est pas adapté. » Mais, surtout, pour son organisation, « l’objectif reste l’accès à un logement stable, avec une politique de logements sociaux à prioriser pour ces victimes. Cela nécessite une impulsion de l’État et des collectivités locales ».

Toutes les associations dénoncent un problème de transparence sur les moyens réels alloués, sur ces places, mais plus globalement sur l’ensemble des décisions annoncées. Rien n’a été mis en place pour prendre en compte les familles des victimes. Quant à la formation des professionnels médicaux, éducatifs ou sociaux, c’est un angle mort.

Bien qu’en demi-teinte, le bilan des associations relève cependant quelques points positifs. Élargissement du TGD (téléphone grave danger), saisie de l’arme de l’agresseur au dépôt de plainte, déchargement des descendants de leur obligation alimentaire envers le parent condamné pour homicide, prise en compte des auteurs par le biais de plateformes téléphoniques ou de centres, interdiction de la médiation pénale… « Nous luttons contre la médiation depuis des années, précise Annie Guilberteau, de la Fédération nationale des centres d’Information sur les droits des femmes et des familles. Car le présupposé d’une médiation est de mettre face à face des personnes en position égalitaire, et là, victime et agresseur n’ont pas du tout le même statut. » Nombreuses sont les organisations à saluer la mise en place du bracelet antirapprochement… mais les régions pilotes ne l’ont pas encore testé.

La nouvelle ministre en charge de l’Égalité vient d’annoncer qu’elle réunira toutes les six semaines associations, experts et groupes de travail issus du Grenelle pour suivre ces mesures. Un même groupe, censé évaluer le suivi de l’hébergement d’urgence, avait été annoncé, mais il n’a jamais vu le jour… « Il nous faut un pilotage interministériel », conclut Anne-Cécile Mailfert. Mais sera-t-il facile à obtenir, quand on voit déjà comment certains rechignent à participer ?

(1) Lire l’entretien avec Éric Bocquet (PCF), corapporteur spécial pour la commission des Finances du Sénat, auteur du rapport, dans notre édition du 1er septembre.

Pour Moissac Au Cœur (Appel)


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