Le baromètre de la pauvreté, réalisé par Ipsos pour le Secours populaire, est présenté par l’association, ce mercredi. Le constat est alarmant. Avec le coronavirus et la crise économique qui en découle, beaucoup de Français ont basculé dans la précarité. Lueur d’espoir parmi ces indicateurs bien sombres : de plus en plus de bénévoles s’engagent dans le combat contre le creusement des inégalités.
Elle a ruminé pendant longtemps. Et elle s’est dit que, non, c’était pas normal de vivre comme ça. Claire (*le prénom a été changé) habite à Auxerre et élève seule sa fille de 20 ans depuis de longues années. Les galères, les fins de mois difficiles, elle ne connaît que trop bien. Surtout depuis 2016. Après deux licenciements économiques, elle enchaîne les missions d’intérim et le chômage, pour se retrouver aujourd’hui au RSA. Mais, depuis le confinement, plus rien. Même pas une mission de quinze jours.
« À 47 ans, on ne veut déjà plus de vous », soupire-t-elle, « ou bien il faut accepter d’être payé au Smic ». Cette secrétaire comptable doit bénéficier d’une formation banque-assurances : « Je voudrais obtenir un bac +2. » Un diplôme qui lui permettra peut-être de décrocher un emploi et de vivre enfin normalement. En attendant, les comptes sont vite faits : 523 euros de RSA et de prime d’activité, 300 euros d’APL, 200 euros de pension alimentaire. Total : 1 023 euros. De l’autre côté de la balance, il faut dépenser 620 euros pour le loyer et les charges. Alors tous les quinze jours, Claire se rend au Secours populaire pour obtenir une aide alimentaire. « Ça m’a fait tout drôle », lâche-t-elle. Mais elle n’a pas le choix.
Une augmentation de 45 % des demandes
Claire fait partie de ces 9,3 millions de personnes en France qui ne gagnent pas plus de 1 063 euros par mois, seuil officiel de pauvreté calculé par l’Insee. Un chiffre qui risque d’augmenter. Car « si l’urgence existait déjà, depuis la pandémie les besoins alimentaires sont encore plus importants, avec une augmentation de 45 % des demandes dans les permanences d’accueil du Secours populaire », explique l’association, qui présente aujourd’hui la 14e édition du baromètre Ipsos sur la pauvreté en France. Un rendez-vous annuel qui permet de dresser un état des lieux de la précarité dans notre pays. Cette année, le focus porte logiquement sur « l’impact de la crise sanitaire sur les personnes en situation de précarité ». Le Secours populaire rappelle qu’il a aidé 1 270 000 personnes pendant les deux premiers mois de confinement. « Familles monoparentales, personnes âgées, étudiants, mais aussi intérimaires, travailleurs indépendants, aides à domicile, artisans ont basculé dans la précarité », alerte le SPF. Ainsi, selon le baromètre, un Français sur trois a subi une perte de revenus, importante dans 16 % des cas.
« Les inégalités se creusent, indique l’enquête du SPF. Les Français n’ont jamais été aussi nombreux à mettre beaucoup d’argent de côté, mais aussi à être sur le point de basculer dans la précarité. » D’habitude, entre sa retraite de tout juste 1 000 euros et le petit salaire de secrétaire de sa femme, Gérard arrive plus ou moins à joindre les deux bouts dans les quartiers Nord de Marseille. Fin avril, avec la chute de revenu liée au chômage partiel, il a dû venir au Secours populaire pour la première fois de sa vie, « la gorge nouée ». Les conséquences psychologiques sont grandes et pourraient être durables : la peur de tomber soi-même dans la pauvreté (57 %) est en hausse de 3 points par rapport à l’année dernière. Et 81 % des Français estiment que leurs enfants ont plus de risques de connaître la pauvreté, une proportion en hausse de 2 points après une baisse continue depuis quatre ans.
44 % des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l’école
Le confinement a amplifié une fracture numérique déjà bien présente. Certains enfants n’ont pas pu poursuivre une scolarité normale. 44 % des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l’école depuis le début de la crise sanitaire. « Un retard encore plus difficilement rattrapable pour les plus fragiles », note le baromètre. Les étudiants ont bien souffert, eux aussi. Durant le confinement, 2,5 tonnes de fruits et légumes par semaine ont, par exemple, été distribuées aux étudiants de Paris-VIII (Saint-Denis) et Paris-XIII (Villetaneuse). À l’époque, nous avions rencontré Nina, étudiante en deuxième année de médecine à la faculté de Paris-XIII. Nouvelle bénévole pour le SPF, elle avait participé aux distributions de denrées alimentaires. « Je ne pensais pas qu’autant d’étudiants avaient besoin d’aide, expliquait-elle alors. Certains me racontaient leur histoire. Ils vivaient dans des foyers, des hôtels sociaux. D’autres n’avaient pas mangé depuis deux jours… » Léonardo, 24 ans, étudiant dans le domaine des arts du spectacle à Versailles, a perdu son job dans la restauration dès le 17 mars : « Financièrement, je suis encore un peu inquiet, dit-il aujourd’hui. Si je n’avais pas eu les colis alimentaires du SPF, j’aurais eu faim. »
5 000 nouveaux volontaires et beaucoup de moins de 25 ans
Bonne nouvelle : malgré ces indicateurs bien sombres, les 810 855 bénévoles dans les 1 300 espaces de solidarité du SPF ont été rejoints par 5 000 nouveaux volontaires, parmi lesquels 25 % ont moins de 25 ans. Des bénévoles qui entendent bien redoubler d’efforts pour venir en aide au plus grand nombre, en participant à la campagne « Pauvreté-précarité » du SPF, lancée en septembre, dont Ariane Ascaride est la marraine. L’actrice l’affirme : « L’urgence est là, il n’y a pas de temps à perdre, je crois en l’âme humaine et aux miracles qu’elle peut accomplir. »
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