Le graffiti sur le siège du PCF n’insulte pas seulement de façon éhontée la mémoire des résistants. Il arrive aussi dans un contexte où la gauche est de plus en plus accusée de s’être prosternée devant l’islamisme radical.
Sur le dôme blanc du siège national du PCF, l’insulte est inscrite en rouge. « Collabo !! » Samedi, le bâtiment situé place du Colonel-Fabien, à Paris, a été vandalisé. « C’est une attaque faite à tous les communistes d’hier et d’aujourd’hui. Le PCF a payé un lourd tribut dans son combat contre le nazisme et pour restaurer la République. Ses militants ont été pourchassés, arrêtés, déportés et fusillés. Encore aujourd’hui, les descendants des nazis et des collabos s’en prennent aux descendants des résistants », a réagi le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Cette abjecte provocation a suscité une vague d’émotion et d’indignation à gauche, de très nombreuses personnalités dénonçant ce tag ignoble. « Les digues sautent et l’immonde se déverse. Nous sombrons dans la folie orwellienne : “la guerre, c’est la paix” et “les communistes sont des collabos”. Total soutien au PCF et à son esprit de résistance », a ainsi déclaré la députée FI Clémentine Autain. « Soutien au PCF et à tous ses militants face à ceux qui souillent leur histoire de résistance », abonde la présidente du groupe PS à l’Assemblée, Valérie Rabault, quand l’élu de Génération.s Régis Juanico se joint au nécessaire rappel des faits historiques : « C’est le parti des fusillés, celui qui a payé par le prix du sang son engagement pour la liberté pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous devons tous condamner unanimement et avec force ces propos odieux. »
« L’empreinte de l’extrême droite »
Le PCF a bien évidemment porté plainte, et la police examine les images issues des caméras de vidéosurveillance dans le cadre de son enquête. « Il faut retrouver les coupables. Ces insultes portent l’empreinte de l’extrême droite. Depuis 2018, plus d’une dizaine de nos locaux, dont de nombreuses sections départementales, ont été vandalisés, tagués de croix gammées et des messages “Mort aux rouges !”. Cela révèle bien le climat nauséabond qui se répand en France et qu’il faut combattre », pointe Fabien Roussel. Le porte-parole du PCF, Ian Brossat, observe également que la date du tag, le 24 octobre, intervient deux jours après l’anniversaire de la mort des 27 communistes de Châteaubriant, tous exécutés par les occupants. « Guy Môquet, 17 ans, fusillé par les nazis comme 26 de ses camarades, il y a soixante-dix-neuf ans. Gloire à eux et honte aux salopards qui ont souillé le siège du PCF aujourd’hui ! » insiste Ian Brossat. Mais ce tag, en plus d’être complètement à côté de la plaque d’un point de vue historique, prend une résonance particulière après l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste, dans un contexte où les formations de gauche sont accusées d’ « islamo-gauchisme », et même d’être des « islamo-collabos », selon une formule utilisée par l’hebdomadaire Valeurs actuelles.
Un vocabulaire d’extrême droite que s’approprie le gouvernement, au risque de le légitimer. Début octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a par exemple accusé la France insoumise d’être « liée avec un islamo-gauchisme qui détruit la République ». Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer en a remis une couche depuis l’assassinat de Samuel Paty. « Je pense à la complicité intellectuelle du terrorisme. Notre société a été trop perméable à l’islamo-gauchisme qui fait des ravages à l’université », a-t-il déclaré (voir notre article ci-contre). « Le procès en islamo-gauchisme est une escroquerie indigne, minable et dangereuse, répond le député PCF Pierre Dharréville. Ce terme ne correspond à aucune pensée politique. Il vise à instiller l’idée d’une compromission et d’une complicité de la gauche. » À imposer dans les esprits que tout discours rationnel sur l’immigration, le droit d’asile, la question du port du voile pour les accompagnatrices scolaires, le nécessaire dialogue avec les citoyens de confession musulmane et la lutte contre les discriminations qui leur sont faites – sans oublier celle contre l’islamophobie – ne sont en réalité que des complicités avec l’islamisme radical, voire le terrorisme. Cette petite musique est devenue concert pétaradant depuis l’ignoble assassinat de Samuel Paty, éditorialistes tels Pascal Praud ou Christophe Barbier, anciens premiers ministres tels François Fillon et Manuel Valls, et pseudo-intellectuel tel Pascal Bruckner s’en donnant à cœur joie sur les plateaux télévisés.
Fabien Roussel appelle au sursaut
« Il est dangereux de nourrir un climat de haine, d’invectives, de surenchère et de récupération politique. Face à ce terrible attentat islamiste, nous avons besoin de nous unir et de nous rassembler. Nous sommes face à un fascisme religieux. La question est de le combattre ensemble », martèle Fabien Roussel. Le dirigeant du PCF souligne que « le commerce des armes de nos gouvernements successifs avec les pays qui financent les réseaux de l’islam radical pourrait très bien être taxé de complicité ». La droite, qui accuse la gauche de s’être vautrée dans la compromission, oublie aussi bien vite qu’elle a souvent fait campagne lors des municipales en ciblant un « électorat musulman », en fustigeant l’homosexualité de candidats (comme à Toulouse) et en accusant l’enseignement de la théorie du genre dans les écoles de tous les maux. Mais Fabien Roussel réclame surtout un sursaut, une réflexion globale, « un rassemblement de tous les républicains pour faire front ensemble et apporter les meilleures réponses pour renforcer notre République face à l’islamisme, aux intégrismes et à tous les obscurantismes ».
« Combattre tous les fascismes »
Il appelle, y compris les ministres, à ce que cessent les provocations. « J’ai aussi demandé à Gérald Darmanin une enquête concernant ces groupuscules d’extrême droite qui attaquent nos locaux partout en France. C’est intolérable. L’ancien secrétaire d’État Laurent Nunez m’avait d’ailleurs informé que des milliers de militants d’extrême droite étaient fichés S et surveillés pour leurs activités. Il s’agit donc de combattre tous les fascismes », mesure Fabien Roussel. En attendant les résultats de l’enquête, le tag a été effacé place du Colonel-Fabien. Le PCF, dans sa longue histoire centenaire, en a connu d’autres sans se laisser intimider. « Un graffiti “collabo” sur le siège du PCF. Pauvre Résistance. Le déversoir qui, depuis une semaine, assimile toute posture tolérante sur l’islam à un soutien au djihadisme annonçait cette profanation. Elle ne tue personne, direz-vous, sinon notre mémoire », s’est aussi indigné le journaliste Claude Askolovitch. L’ampleur des réactions, vigilantes et outrées, témoigne que le combat n’est pas perdu. Mais la lutte pour une authentique République laïque et sociale et la bataille idéologique font plus que jamais rage.
L’Observatoire de la laïcité sur la sellette
Pointé du doigt par Matignon après avoir été la cible d’une campagne haineuse l’accusant de « laxisme », l’Observatoire de la laïcité a répondu vendredi à ses détracteurs dans un communiqué. Son président, Jean-Louis Bianco, devrait être rapidement reçu par Jean Castex, qui a annoncé vouloir renouveler cette instance, « afin qu’elle soit davantage en phase avec la stratégie de lutte contre les séparatismes ». Dans une lettre ouverte, une quinzaine d’universitaires ont apporté leur « total soutien » à Jean-Louis Bianco et au rapporteur général, Nicolas Cadène, qui ont « su remplir les missions de l’institution (…) en s’élevant au-dessus de toutes les querelles partisanes ».
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