Covid-19. Le virus frappe partout et touche plus durement les précaires

Tous les indicateurs sont dans le rouge pour la ville de Clermont-Ferrand, qui se verra imposer un couvre-feu dès vendredi à minuit. Thierry Zoccolan/AFP

Tous les indicateurs sont dans le rouge pour la ville de Clermont-Ferrand, qui se verra imposer un couvre-feu dès vendredi à minuit. Thierry Zoccolan/AFP

En hausse, l’épidémie s’étend maintenant à des territoires ruraux pourtant relativement épargnés par la première vague, et attaque les zones où les inégalités sont les plus fortes.

Décidément, le Covid-19 continue de gagner du terrain. En France, les dernières données relatives à son évolution font état d’une situation inquiétante. Selon Santé publique France, 26 676 nouveaux cas ont été dépistés entre mardi et mercredi, et la barre de 34 000 décès depuis le début de l’épidémie a été franchie avec 166 morts de plus. À cela s’ajoutent 284 nouvelles entrées en réanimation, ce qui amène le total des personnes hospitalisées au sein de ses services à 2 239, pour une capacité nationale de 5 800 lits. Deux régions, l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, concentrent à elles seules respectivement 30 % et 16 % de ces cas.

Des « mois d’hiver difficiles », selon le Conseil scientifique

Les prévisions du Conseil scientifique, qui avait promis des « mois d’hiver difficiles », semblent hélas se réaliser. Sans surprise, les métropoles sont particulièrement touchées par la montée de l’épidémie. Leurs « densités de population » et leurs « vies sociales probablement plus intenses » peuvent expliquer la hausse des contaminations, selon Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français. Le taux d’incidence (soit le nombre de nouveaux cas sur sept jours pour 100 000 habitants) de l’estudiantine et populaire Saint-Étienne est l’un des plus élevés de France, avec 716 nouveaux cas. Comme elle, Paris, Lille, Lyon, Marseille, Rouen, Grenoble, Montpellier et Toulouse attendent toujours de pouvoir constater les effets des couvre-feux instaurés depuis six jours.

D’autres villes où le taux d’incidence est aussi en hausse comme Clermont-Ferrand (322), Tours (237) ou Nantes (194), voire des départements entiers, pourraient suivre. L’avancée de l’épidémie a conduit jeudi au basculement de plusieurs départements en alerte maximale, atteinte lorsque le taux d’incidence dépasse 250 cas pour 100 000 habitants. La barre a été franchie par 27 départements, selon les données de Santé publique France. Outre le Nord, les Bouches-du-Rhône et les huit départements d’Île-de-France, sept départements d’Occitanie et douze encerclant Lyon dépassent les seuils de l’alerte maximale.

De façon plus inédite, l’aggravation de l’épidémie semble à présent s’étendre également à des territoires plus ruraux, qui avaient été moins touchés que les territoires à forte densité lors de la première vague. Désormais, la campagne ne semble pas épargnée par le virus. Les taux d’incidence de l’Ariège (298), la Loire (398), la Savoie (363) ou de l’Aveyron (287) vont dans le sens de ce constat. « C’est une nouvelle évolution qui caractérise la deuxième vague », affirme Giuseppe Arcuri, économiste et enseignant à l’université Paris-I, qui vient de mener une étude sur le virus.

Pis, ces départements semblent moins armés que ceux ayant déjà brutalement fait face à la première vague, comme les départements franciliens. C’est le cas notamment dans les Ehpad. En Auvergne, les contaminations ont « explosé » chez les résidents, selon Malika Belarbi, de la fédération santé-action sociale de la CGT. « Les établissements situés dans des départements qui ont peu vécu la première vague sont moins habitués aux mesures de prévention et doivent, qui plus est, faire face à un manque de personnel », affirme-t-elle.

L’étude de Giuseppe Arcuri, qui porte notamment sur la dimension socio-­économique du Covid-19 et sur les liens entre l’épidémie et les inégalités sociales, montre « une influence négative sur le taux d’hospitalisation en fonction du nombre de services d’urgences », pointe le chercheur. Le manque d’accès aux soins augmenterait ainsi la probabilité d’être hospitalisé. Une donnée inquiétante pour des départements ruraux, où les hôpitaux de proximité font cruellement défaut.

Autre constat mis en exergue par l’épidémie, mais qui ne date pas de la seconde vague : le Covid-19 semble frapper plus durement les zones où les inégalités sociales sont plus fortes. Dans le département du Nord, les taux d’incidence de Roubaix et de Tourcoing flambent, le premier s’élevant à 1 135 cas sur sept jours, le deuxième à 935. Les municipalités de ces deux villes ouvrières ont annoncé vouloir renforcer la prévention du Covid-19, notamment dans les quartiers prioritaires.

« Le risque de développer une forme grave du virus »

Et, là encore, les personnes les plus précaires semblent les plus démunies face au virus. L’étude menée par Giuseppe Arcuri montre « une corrélation entre la part de la population ouvrière et le taux d’hospitalisation, donc le risque de développer une forme grave du virus ». Une enquête de Médecins sans frontières (MSF), parue le 9 octobre et menée auprès de 818 personnes réparties sur deux sites de distribution alimentaire, deux foyers de travailleurs et dix centres d’hébergement d’urgence en Île-de-France, va dans ce sens. Elle montre que, parmi les 543 personnes ayant participé à l’enquête dans les centres d’hébergement, une personne sur deux était positive au Sars-COV-2 contre une personne sur dix dans l’ensemble de l’Île-de-France. Un résultat qui peut s’expliquer par la forte promiscuité de ces lieux, selon MSF. De son côté, Giuseppe Arcuri résume la situation : « Ce sont les départements les plus inégalitaires qui sont les plus vulnérables. » 


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