À la suite de l’attaque terroriste de Nice, certains groupuscules d’extrême droite se font de plus en plus menaçants, à l’image de l’attaque perpétrée par un membre de Génération identitaire à Avignon, jeudi. Dans ce climat délétère, certains responsables politiques de droite poussent encore un peu plus loin leur surenchère sécuritaire et appellent à sortir de l’État de droit.
Jeudi, l’attentat de Nice, deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty, a à nouveau plongé la France dans l’horreur. À la tristesse et l’effroi, s’ajoute la crainte d’une nouvelle attaque terroriste, mais aussi, désormais, de la division et de la riposte identitaire. Quelques heures après l’attentat qui a causé trois morts dans la basilique Notre-Dame de Nice, un homme a menacé d’une arme de poing des passants et un commerçant maghrébin, à Avignon, avant de se présenter devant la police, qui l’a abattu. L’assaillant était vêtu d’une veste sur laquelle figurait le logo « Defend Europe » du groupuscule d’extrême droite, Génération identitaire, dont il s’est revendiqué, selon des sources proches de l’enquête, relayées par Mediapart et l’AFP. L’organisation conteste toutefois, expliquant ne pas connaître l’individu, et lance un « pas d’amalgame » qui pourtant ne serait plus entendable, selon eux, lorsqu’il s’agit de dire que le terrorisme islamiste ne doit pas être confondu avec ceux qui pratiquent l’Islam.
Le parquet antiterroriste ne s’est pas saisie de l’affaire
L’attaque d’Avignon pourrait donc bien être une tentative de riposte terroriste d’un militant d’extrême droite. Pourtant, le parquet de la ville a annoncé dans l’après-midi, jeudi, que « la notion d’attaque terroriste n’a pas été retenue » à ce stade, tandis que le parquet antiterroriste ne s’est pas saisie de l’affaire. Ce qui a de quoi sérieusement inquiéter, si cela revient à considérer qu’une attaque d’un militant d’extrême droite sur la population n’est pas terroriste, ou que cette menace serait à minimiser. Pourtant, ces dernières années, plusieurs rapports ont démontré qu’elle était réelle. Le 6 juin 2019, la commission d’enquête parlementaire sur ces groupuscules identitaires indique que « ses travaux permettent de faire état d’une nouvelle tentation terroriste en réaction aux attentats terroristes islamistes qui ont touché notre pays ».
Depuis l’attentat de Conflans, les appels à la haine, voire à la vengeance, se multiplient sur les réseaux sociaux de la fachosphère. Jeudi soir, plusieurs groupuscules ont organisé des « manifestations d’hommage aux victimes », comme Génération identitaire. Notamment à Lyon, aux cris d’« On est chez nous » ou « Non à l’islamisation de la France » et à Nice, où l’on a pu entendre des chants anti-musulmans comme « Islam, hors d’Europe ». À Paris, le groupe Action française a déroulé une banderole sur laquelle était inscrite « Décapitons la République », place de la Concorde. Sur Twitter, ils disent se « battre contre cette république corrompue et complaisante avec nos ennemis », et lance un appel : « Si toi aussi tu refuses de mourir sans te battre, rejoins-nous ! » Quelques jours plus tôt, Thaïs d’Escufon, porte-parole de Génération identitaire appelait sur les réseaux sociaux à passer à l’action et à la « reconquête ».
À l’heure où nous écrivons ces lignes, ni le ministère de l’Intérieur ni le parquet antiterroriste n’ont communiqué sur ces différents faits, alors que la menace d’une riposte d’extrême droite aux attentats islamistes se fait de plus en plus pesante. Sur la messagerie Telegram du militant d’extrême droite Damien Rieu – de son vrai nom Damien Lefèvre -, un dénommé « Beloji Azur » écrit « Je suis en train de voir avec un ami si on décide de faire une mosquée. Il n’y aura pas 2/3 morts ».
Une radicalisation des discours politiques
Le risque de représailles de l’extrême droite sur la population musulmane, et non sur les terroristes islamistes, paraît plus grand que jamais. Il s’inscrit aussi dans un climat général délétère, où les appels à ne pas stigmatiser, à ne pas créer d’amalgame entre une religion et une idéologie mortifère sont de moins en moins audibles, y compris dans le monde politique. Les discours s’y sont radicalisés depuis deux semaines. Il ne s’agit pas là de dresser un parallèle entre les menaces des groupuscules d’extrême droite et les propos des responsables politiques, ni que ceux-ci encouragent sciemment la vengeance armée, mais de dénoncer des discours dangereux pour la République et l’État de droit. Ainsi, sur Twitter, le RN Jean Messiha a fustigé la notion de « pas d’amalgame » avant d’appeler à « arrêter toute immigration car l’immigration est principalement musulmane et qu’elle alimente le séparatisme et le terrorisme » ou encore que « Nous sommes attaqués car nous accueillons la plus grande population musulmane d’Europe. »
Chez Les Républicains (LR), la surenchère sécuritaire est poussée de plus en plus loin. Déjà, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, Bruno Retailleau, président du groupe au Sénat déclarait : « Ce qu’il faut, c’est des armes, pas des larmes ». Pour le maire de Nice Christian Estrosi, “il est temps que la France s’exonère des lois de la paix”, a-t-il lancé après l’attentat survenu dans sa ville : « Si on nous impose aujourd’hui de respecter des points de la Constitution qui ne sont pas adaptés à pouvoir mener la guerre en respectant la Constitution, et bien il faut modifier la Constitution ». Éric Ciotti demande de son côté un “un Guantanamo à la française”, du nom de ce camp de détention américain sur le sol cubain, ouvert après le 11 Septembre 2001. Il réclame également “une rétention administrative pour ceux qui sont fichés”, même lorsque ceux-ci n’ont commis aucune infraction. Le gouvernement et la majorité n’ont à ce jour pas réagi à ces propositions qui bafouent l’État de droit.
Pour le PCF, le premier secrétaire Fabien Roussel a appelé à « combattre sans relâche le terrorisme et la barbarie », mais aussi à prendre garde à la suite des événements : « Soyons lucide sur la gravité de la situation sans tomber dans la surenchère guerrière. Ils sont nombreux à vouloir nous entraîner dans une nouvelle guerre des religions. Ne cédons pas ! », a-t-il écrit, jeudi, sur Twitter.
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