Éducation. Un rapport qui fragilise le lycée professionnel

Entretien avec Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep-FSU

28/% des jeunes qui vont dans la voie professionnelle ont subi une orientation contrainte. Gilles Rolle/REA

28/% des jeunes qui vont dans la voie professionnelle ont subi une orientation contrainte. Gilles Rolle/REA
 

Le chef étoilé Régis Marcon et la députée (LREM) Céline Calvez ont remis hier leurs préconisations pour revaloriser la filière professionnelle. Un document qui inquiète.

Fidèle à sa stratégie, le gouvernement continue de mettre à contribution ses soutiens médiatiques. Après Cédric Villani pour les mathématiques, voici Régis Marcon pour la réforme du lycée professionnel. Tout aussi sympathique que le mathématicien, le célèbre chef auvergnat, trois étoiles au Michelin – effet garanti dans les gazettes –, a été chargé en novembre de trouver des solutions pour revaloriser cette filière qui scolarise actuellement 700 000 élèves et représente 30 % des bacheliers. Accompagnée de la députée Céline Calvez (LREM), au parcours plus axé sur les agences de communication, il a remis jeudi après-midi son rapport au ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

Au menu : neuf « leviers » qui, de l’orientation à la formation des enseignants, entendent transformer en profondeur la voie professionnelle scolaire. Mais, derrière l’enthousiasme de formules creuses (« rendre l’envie aux élèves de vivre l’excellence » ; « ouverture vers les défis et projets de société »), les propositions avancées ont été accueillies de manière glaciale par les organisations syndicales.

La lettre de mission de Jean-Michel Blanquer n’était pas rassurante : « Les conclusions de la mission devront s’articuler avec d’autres réformes déjà annoncées. » Les syndicats redoutaient notamment, au gré de ce rapport, de voir s’exacerber une « mise en concurrence » de la voie professionnelle, organisée sous statut scolaire, avec la filière en apprentissage, sous statut de salarié et dépendant du Code du travail. Le rapport Marcon-Calvez confirme leurs craintes. « On a l’impression que l’ensemble des mesures avancées font des lycées professionnels des “sas” pour préparer les jeunes non pas à un métier mais à entrer en apprentissage », tacle Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep-FSU, premier syndicat.

Parmi les mesures les plus critiquées : la refonte de la classe de seconde. Avant d’entrer en lycée professionnel, le rapport propose que l’élève choisisse non pas un métier mais « une famille de métiers » pour la seconde, renvoyant à la fin de l’année le choix de la spécialité. Cette proposition vise à résoudre les problèmes d’orientation contrainte. À l’heure actuelle, 28 % des jeunes qui vont dans la voie pro sont affectés sur leur deuxième, voire troisième vœu. Idem pour 42 % des jeunes en CAP. Mais cette solution ne fait que contourner le problème, estime Sigrid Gérardin : « Plutôt que de s’attaquer à la carte des formations afin d’offrir à tous les élèves la filière qu’ils désirent dès le début de seconde, le ministre restreint le choix des élèves et déprofessionnalise cette première année. » L’enseignement proprement professionnel, réduit à trois ans depuis 2009 contre quatre auparavant, passerait ainsi quasiment à deux ans… « Cela n’améliorera ni les savoirs professionnels ni l’insertion. »

Rien sur les salaires et les conditions de travail

En première, cette fois, le jeune est clairement invité à opter soit pour une formation scolaire, soit pour l’apprentissage. En fin d’année, il devra également choisir un « module » d’enseignement différent selon qu’il entend poursuivre dans des études supérieures ou qu’il compte rechercher un emploi tout de suite. En clair : les cours ne seront pas les mêmes dans un cas ou dans l’autre. « Cela signifie que les élèves dès la fin de première se prédestinent déjà à l’une ou l’autre finalité des diplômes professionnels, s’inquiète Sigrid Gérardin. Pour nous, c’est extrêmement dangereux. Beaucoup d’élèves changent d’avis en cours de route. Certains pensent s’orienter vers le monde pro en janvier puis on les voit choisir un BTS au mois de mai ! »

D’autres aspects brillent par leur absence. Notamment du côté de l’attractivité du métier d’enseignant. Dans la filière professionnelle, un poste sur quatre ouvert au concours n’est pas pourvu. Et 10 % des profs dans les lycées pro sont des vacataires. « Lorsque l’on regarde pourquoi une telle désaffection, deux choses reviennent : les conditions de travail peu attirantes et le salaire trop faible », explique Sigrid Gérardin. Deux points totalement absents du rapport et que le syndicat entend bien porter lors des négociations qui vont s’engager à partir du 6 mars.

Laurent Mouloud
Chef de la rubrique société

L’impitoyable exode rural des services publics

Des lignes de chemin de fer aux bureaux de poste, de l’école à l’hôpital, le recul des services publics menace le développement des campagnes.

C’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Derrière l’annonce de la fermeture du service des urgences de nuit de l’hôpital de Clamecy (Nièvre), c’est en réalité l’aggravation de l’enclavement de tout un territoire qui se profile. Fermetures de bureaux de poste, de lignes SNCF, de classes, d’administrations… La désertification gagne du terrain dans les communes rurales, obérant gravement les possibilités de développement économique. Continuer la lecture de L’impitoyable exode rural des services publics

Sncf. Le recours aux ordonnances, détonateur d’une bombe sociale

à l’exemple de la mobilisation en 2016, les cheminots entendent riposter pour défendre le rail et leurs emplois. Jeff Pachoud/AFP

à l’exemple de la mobilisation en 2016, les cheminots entendent riposter pour défendre le rail et leurs emplois. Jeff Pachoud/AFP

Envisagée par le gouvernement, la possibilité d’un passage en force de la réforme ferroviaire cristallise la colère des élus et des cheminots. Matignon devrait faire des annonces lundi. Les cheminots, en intersyndicale, travaillent à la riposte.

Comme un air de déjà-vu. À l’instar de la casse du Code du travail, entérinée en septembre dernier, l’exécutif pourrait une nouvelle fois passer par ordonnances, pour réformer le système ferroviaire. La piste, sérieusement évoquée par le journal les Échos dans son édition de jeudi, n’a pas été démentie par le gouvernement. Loin de là. Christophe Castaner, secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, affirmant sans ambages que « oui, il faut aller vite et il faut être efficace », et d’ajouter : « Les ordonnances sont une des façons d’y parvenir. » L’affaire sera tranchée lundi par Édouard Philippe, qui doit annoncer officiellement la méthode et le calendrier retenus.

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Politique culturelle. Les dix-neuf propositions pour les bibliothèques d’Erik Orsenna

Erik Orsenna (à gauche) a remis, hier, ses propositions au président de la République accompagné de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Ludovic Marin/reuters

Erik Orsenna (à gauche) a remis, hier, ses propositions au président de la République accompagné de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Ludovic Marin/reuters

C’est dans l’enceinte de la médiathèque des Mureaux, dans les Yvelines, que l’académicien a remis au président de la République son rapport « Voyage au pays des bibliothèques ».

C’est un rapport dense, condensé. Un diagnostic au plus près du terrain émaillé de nombreux exemples, fruit de plus de trois mois de pérégrinations sur l’ensemble du territoire, y compris l’outre-mer. Des chiffres, des expérimentations, des objectifs : tel est le « Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd’hui, lire demain » d’Erik Orsenna. Le texte affiche l’ambition de faire des bibliothèques et médiathèques « l’accès des accès » à l’ensemble des connaissances, « des maisons de service public de la culture », épicentres d’une dynamique non seulement en faveur de la lecture, mais aussi en faveur de l’accès à d’autres œuvres de l’esprit, selon le précepte de Malraux. Orsenna appelle de ses vœux « un plan national pour les bibliothèques ». Il était temps.

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Bernard Devanne : Lettre ouverte au ministre

« Le présent courrier a pour objet d’interroger la prétendue « scientificité » des pratiques d’enseignement aujourd’hui préconisées, notamment dans le domaine de la lecture, en montrant à quel point la définition des dispositifs d’enseignement jugés les plus efficaces se fait dans l’ignorance – ou le mépris ? – de tout ce que l’on sait des conditions fondant, de façon optimale, de réels apprentissages ». Spécialiste de la lecture et de l’écriture, Bernard Devanne ne mâche pas ses mots. Sa lettre ouverte vise les choix du ministre, notamment son Conseil scientifique.  Il dénonce le caractère très prescriptif des injonctions ministérielles pour un apprentissage de la compréhension qui demande une autre approche.

Monsieur le Ministre,

Depuis votre prise de fonction, vous répétez que l’une de vos préoccupations essentielles est de fonder les pratiques d’enseignement sur des acquis scientifiques incontestables : en ce sens, vous venez de créer, en janvier 2018, le Conseil scientifique de l’Education nationale présidé par Monsieur Stanislas Dehaene, le spécialiste des neurosciences dont chacun a pu apprécier, depuis des années, l’excellence de la couverture médiatique. Une école pilotée par les acquis scientifiques ? Dès le printemps dernier, et bien qu’il soit scientifiquement établi que les après-midis n’ont pas l’efficacité des matinées pour mettre en œuvre les apprentissages, vous autorisiez, par dérogation, le retour à la semaine de quatre jours.

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ACTUALITÉS : TARN et GARONNE – Projet d'extension d'une porcherie sur le camps de concentration de Septfonds

Dans son dernier billet , Marie Piqué  s’exprime sur le projet d’extension d’une porcherie sur le camps de concentration de Septfonds en Tarn et Garonne (82).

Après les camps, la souillure des porcs pour les républicains espagnols

FIN DÉCEMBRE, LA PRÉFECTURE DE TARN ET GARONNE VIENT D’AUTORISER L’EXTENSION DE LA TAILLE D’UNE EXPLOITATION AGRICOLE QUI PRODUIRA ANNUELLEMENT PLUS DE 6000 PORCS… SUR LE SITE ATTENANT AU CAMP DE JUDES, OÙ, À PARTIR DE 1939, FURENT INTERNÉS 16 000 ESPAGNOLS AYANT COMBATTU FRANCO DURANT LA GUERRE D’ESPAGNE, MAIS AUSSI DES SOLDATS DE L’ARMÉE POLONAISE AINSI QUE DES CIVILS JUIFS. DANS CE CAMP DE CONCENTRATION, QUI NE DIT PAS SON NOM, DES ÊTRES HUMAINS ONT PERDU LA VIE. POUR BON NOMBRE ON LEUR DOIT D’AVOIR PARTICIPER À LA LIBÉRATION DE LA FRANCE.

Je reprendrais la question posée récemment dans la presse:

« Comment pourrait-on accepter que là où nos pères ont souffert et sont morts des conditions de leur détention, soit épandu du lisier ? Le dire suffit à en mesurer l’ignominie.»

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Procès #AppleContreAttac : Apple condamnée, Attac agit pour « l’intérêt général »

vendredi 23 février 2018, par Attac France

L’ordonnance de référé opposant Apple à Attac a été rendue ce vendredi 23 février 2018 : Apple est déboutée de l’ensemble de ses demandes et est condamnée à verser 2 000 € à Attac !

Ce jugement était rendu à la suite d’une assignation en référé déposée par Apple devant le tribunal de grande instance de Paris pour empêcher toute future action d’Attac dans ses magasins. Le jugement du tribunal est limpide : « La simple pénétration de militants dans l’enceinte du magasin Apple Store Opéra, ou dans d’autres magasins situés en France, sans violence, sans dégradation, et sans blocage de l’accès du magasin à la clientèle, ne suffit pas à caractériser un dommage imminent justifiant de limiter le droit à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation des militants de l’association Attac, qui agissaient conformément aux statuts de l’association, et dans le cadre d’une campagne d’intérêt général sur le paiement des impôts et l’évasion fiscale. »

Alors que l’évasion fiscale pratiquée par Apple affaiblit les finances publiques, il aurait été scandaleux que la justice protège Apple et condamne une association qui défend l’intérêt général, avec des actions citoyennes non violentes. Au final, non seulement les accusations d’Apple sont rejetées en bloc, – Apple « parle des “actes de vandalisme”, ou des actions ayant mis en péril la sécurité des employés et des clients […] sans en justifier par la production de pièces probantes » -, mais le tribunal confirme le caractère d’intérêt général de la campagne d’Attac.

Comme le rappelle Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France : « nos actions visent à ce qu’Apple, la plus grande multinationale du monde, paie sa juste part d’impôts dans les pays où elle exerce réellement ses activités et accepte le redressement fiscal de 13 milliards d’euros que lui réclame la Commission européenne en retirant son recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. »

Pour Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac France : « Avec la campagne #ApplePayeTesImpôts, nous avons constaté un ras-le-bol de la grande majorité de la population face à l’impunité fiscale des ultra riches et des multinationales. Au rassemblement du 12 février devant le TGI de Paris, l’ensemble des représentant·e·s associatifs, syndicaux et politiques ont accueilli positivement l’idée d’une “alliance pour la justice fiscale”. Ce jugement est donc un encouragement à poursuivre et amplifier la mobilisation pour que les multinationales paient enfin leur juste part d’impôts. »

Les militant·e·s d’Attac attendent sereinement un éventuel appel d’Apple et vont désormais consacrer toute leur énergie à la préparation de nouvelles actions pour la justice fiscale, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi contre la fraude fiscale prévu avant cet été. Attac invite d’ores et déjà à se mobiliser pour le procès de Nicole Briend le 7 juin à Carpentras (suite à une plainte de BNP Paribas) et pour les 20 ans de notre association prévus le 2 juin prochain à la Bellevilloise à Paris.

Les enjeux cachés de la réforme du bac

Entretien avec Stéphane Beaud Professeur de sociologie à l’université de Poitiers, membre du Gresco In Alternatives Economiques

La réforme du baccalauréat est sur les rails. Mercredi, en conseil des ministres, Jean-Michel Blanquer a présenté les grandes lignes de son texte, qui aboutira notamment à la suppression des séries S, ES et L. Le sociologue Stéphane Beaud, professeur à l’université de Poitiers, commente les orientations prises par le gouvernement et leur impact potentiel sur les sciences économiques et sociales (SES).

Que pensez-vous de la réforme du baccalauréat, présentée par Jean-Michel Blanquer mercredi ?

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L’alimentation doit être un droit humain Par Patrick Le Hyaric

L’agriculture et l’alimentation devraient être déclarées enjeux d’intérêt général et humain. On ne peut plus vivre au rythme cadencé des scandales alimentaires comme celui, récent, du lait pour bébé contaminé à la salmonelle.

Venant après la vache folle, la viande de cheval intégrée dans des lasagnes, les découvertes de la pollution des eaux par les nitrates ou des pesticides et les preuves de la dangerosité du glyphosate, voici qu’une longue étude, menée en coopération par plusieurs centres de recherche, alerte sur la possibilité que des cancers soient liés à des produits alimentaires ultra transformés. A cette heure, ces chercheurs indiquent qu’une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultra transformés dans le régime alimentaire serait associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développement des cancers (1).

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Agriculture productiviste : "Des modèles alternatifs existent !" Par Benoit Biteau

© France 24

Benoît Biteau a repris l’exploitation agricole productiviste de son père pour la transformer en ferme sans bidon d’engrais ni de pesticide. Dans son livre « Paysan résistant ! », qui vient de paraître chez Fayard, ce paysan agronome lance un appel aux agriculteurs enferrés dans un modèle qui, selon lui, les tue.

Une émission préparée par Farah Boucherak

Par Ali LAIDI