Le 18 octobre, « taper le patronat au portefeuille »
Alors que la mobilisation se poursuit dans les raffineries TotalEnergies, les salariés de l’industrie, de la chimie ou encore les cheminots se préparent pour la grève de mardi.
Donges (Loire-Atlantique), envoyée spéciale.
Une semaine décisive. Alors que trois raffineries et cinq dépôts TotalEnergies restent mobilisés à travers le pays, la lutte pour exiger des hausses de salaires continue de s’intensifier. Ce week-end, ce sont les dépôts de carburant portuaires du Havre (la Cim, qui alimente notamment les aéroports de Roissy et d’Orly en kérosène) et de Fluxel à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), déjà en grève, qui ont voté l’arrêt des expéditions de pétrole brut et raffiné.
Partout sur le terrain, la journée d’action du mardi 18 octobre à l’appel de la CGT, FO, Solidaires et de la FSU s’organise avec de nombreux appels à la grève à la SNCF, la RATP, chez EDF ou encore Sanofi… Mais le gouvernement, lui, persiste à dénigrer les raffineurs, jugeant « inacceptable » la poursuite des blocages suite à l’accord salarial de 5 % d’augmentation générale plus une part individuelle signé par la CFDT et la CFE-CGC. Pour Éric Sellini, coordinateur de la CGT chez TotalEnergies, « cela ne répond en rien aux revendications. J’invite les membres du gouvernement à venir discuter à la porte des usines avec les ouvriers et ils verront ».
À la raffinerie de Feyzin (Rhône), dans la métropole lyonnaise, le ton s’est aussi durci cette fin de semaine avec la limitation de l’envoi d’éthylène pour l’usine Solvay. « Il y aura beaucoup de monde mardi dans les rassemblements et surtout en assemblée générale dans les entreprises du secteur de la chimie comme BASF, Air liquide, Kem One, Toray, Sanofi…, estime Jacques Lacaille, représentant départemental de la Fnic-CGT. On continue de faire tache d’huile pour taper le patronat au portefeuille. »
La réquisition, une provocation
Devant la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), le vent de la révolte souffle toujours aussi fort. Vêtus de leur manteau rouge ou noir floqué CGT TotalEnergies, les opérateurs qui se sont mis en grève depuis mercredi peuvent compter sur de multiples soutiens. Vendredi, venus de tout le bassin nazairien et de l’ensemble du département, les représentants syndicaux de la CGT, de FO, de la FSU, mais aussi politiques du PCF, de la FI ou associatifs, avec le collectif Plus jamais ça, s’étaient déplacés en nombre, déterminés à prendre à leur tour le chemin de la lutte cette semaine. « Ce qui se passe dans les raffineries a eu le mérite de mettre les profits sur le devant de la scène, tout comme la question des salaires en souffrance », résume le représentant de la CGT chimie Manu Blanco. « Et la réquisition des personnels (comme cela a été le cas à la raffinerie de Dunkerque – NDLR) a été une véritable provocation en portant atteinte au droit de grève », ajoute Adrien Leclerc, secrétaire adjoint de FO 44. Pour le responsable syndical, les signaux sont bons pour faire de la journée interprofessionnelle du 18 octobre une réussite. Il est fier de montrer qu’en deux minutes, deux appels à faire grève étaient arrivés sur sa messagerie. Rien d’étonnant. Le 3 octobre déjà, poursuit-il, plus de 400 représentants de syndicats étaient venus à l’assemblée générale organisée par l’union départementale. « La salle était blindée et l’envie d’en découdre sur les rémunérations et la réforme des retraites était unanime. » À cela s’ajoutent les nombreux appels de salariés à l’organisation syndicale pour savoir comment monter une section syndicale en raison de salaires trop bas, mais aussi de conditions de travail dégradées. À quelques kilomètres de là, les salariés des transports urbains de l’agglomération de Saint-Nazaire (Stran) étaient au même moment en pleine négociation. Après quatre jours d’arrêt du travail et 80 % de personnels mobilisés, ils ont gagné, ce vendredi soir, un rattrapage de 3 % à l’augmentation générale des salaires pour 2022 de 1,6 %. « Cette grève des raffineries n’est pas isolée, tient à rappeler Fabrice Angei, présent sur le piquet de grève. Dans plusieurs secteurs, comme l’agroalimentaire, l’automobile, la métallurgie, le bâtiment et dans de nombreuses entreprises, grandes ou petites, les salariés sont en grève depuis plusieurs jours. Ce mouvement de ras-le-bol des salaires trop faibles est général, il doit maintenant être généralisé », poursuit le secrétaire confédéral à la CGT
Les cégétistes de Spie, sous-traitant, notamment, de TotalEnergies, sont eux dans les starting-blocks. Dans leur boîte, la date de la négociation sur les salaires est prévue le 9 novembre. Pour ces ouvriers chargés de la maintenance dispatchés sur de nombreux sites industriels, les raffineurs ont « montré l’exemple ». Un appel à la grève a été déposé pour le 18 octobre. Idem à la centrale thermique de Cordemais, où l’accord de branche, actuellement sur la table pour une augmentation collective des salaires de 3,6 %, ne convient pas à ces travailleurs qui accusent une « baisse de leur pouvoir d’achat de 15 % en dix ans ».
EDF, Airbus… la colère est forte
De fait, chez EDF, la grève a déjà débuté un peu partout dans le pays. Dans les centrales nucléaires de Gravelines (Nord), la plus importante de France, mais aussi à Cruas (Ardèche), à Belleville-sur-Loire (Cher), au Bugey (Ain), au Tricastin (Drôme) et à Cattenom (Moselle), les tranches se ferment une à une. « Le 6 octobre, nous étions déjà mobilisés sur les salaires avec 65 % de grévistes, affirme Gwenaël Plagne, élu CGT au CSE de la centrale de Cordemais. La tendance ne peut que s’amplifier », d’autant que pour le nouveau patron d’EDF, le gouvernement serait prêt à « déplafonner le salaire des dirigeants ! ». Chez Airbus, la colère est aussi forte. Le plus bas salaire est de 69 euros brut au-dessus du Smic et les employés ont dû se contenter de 2 % d’augmentation en 2022. Dans les entreprises, le climat devient électrique. « La lutte des raffineries est vue comme un point d’appui pour nos militants, qui ont une réelle envie de généraliser la grève », pointe Ronan Lherbier, secrétaire général de l’union locale sud Loire. Quant à l ’« indécence patronale », elle a convaincu Guillaume de faire de la journée d’action des cheminots une journée interprofessionnelle. « Quand j’ai lu le communiqué de TotalEnergies, je me suis dit “pour une fois que ce ne sont pas les cheminots”. Nous, on est habitués à cette stratégie qui consiste à nous faire passer pour des nantis. » Or, rappelle l’élu de la CGT : « Avec l’inflation, tout le monde est dans le rouge. On ne fait que rogner sur les loisirs, les vacances, et maintenant, l’électricité et la nourriture. »
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