En grève pour tenter de réanimer l’hôpital public
Santé Les agents de la fonction publique hospitalière se retrouvent ce mardi dans la rue. Ils alertent sur leurs conditions de travail et le manque de personnel. Ils exigent en outre l’arrêt des fermetures de lits et attendent toujours une réelle revalorisation salariale.
En juillet 2020, Olivier Véran clamait que le Ségur de la santé allait devenir « un accélérateur qui a vocation à engager rapidement les transformations dont notre système de santé a besoin ». Trois ans plus tard, ce nouveau monde promis par l’ancien ministre de la Santé n’est pas advenu. Si bien que les personnels de la fonction publique hospitalière se retrouvent dans la rue, ce mardi 20 juin, à l’occasion d’une journée de grève à l’appel des syndicats CGT, FO, SUD et Unsa.
Dans son communiqué revendicatif, l’intersyndicale exige « l’arrêt de toutes les fermetures de lits et la réouverture des services fermés, des embauches de personnel formé et qualifié ou encore une revalorisation des salaires par l’augmentation du point d’indice au moins égale à l’inflation, et le rattrapage de ce qui a été perdu depuis 2010 ». Cette nouvelle mobilisation nationale fait suite à celle de septembre 2022, qui avait déjà pour but de dénoncer l’épuisement des agents et de pointer les insuffisances du Ségur de la santé.
Des effectifs réduits pour des journées qui s’allongent
« Depuis dix ans, nous voyons une dégradation des conditions de travail pour en arriver aujourd’hui à une situation très alarmante », lance Gilbert Mouden infirmier anesthésiste au CHU de Bordeaux et représentant du personnel pour le syndicat SUD. Fort de trente années passées dans l’établissement public, le Bordelais, qui compte participer à la mobilisation du jour, déplore notamment la baisse des effectifs. « Sur l’hôpital Pellegrin, c’est 180 postes d’infirmiers anesthésistes qui sont manquants sur 1 700 postes en tout. » Des bras en moins qui contraignent notamment les professionnels de santé à étaler les journées de travail sur douze heures. Mais la pénibilité n’est pas seulement physique.
Pour le délégué de SUD, il existe aussi des maltraitances « managériales et institutionnelles ». « On a des évaluations professionnelles dans la fonction publique hospitalière tous les ans, et certains d’entre nous reçoivent des appréciations qui ne reflètent pas leur valeur professionnelle, le vivent mal et s’en vont », confie le quinquagénaire. Des études indiquent par ailleurs qu’un mal-être pèse sur les agents hospitaliers. Paru le 8 juin dernier, une note de la Drees (étude réalisée à l’été 2021) révèle ainsi qu’ « à l’hôpital, 41 % des personnes ont des symptômes de dépression légère à sévère, contre 3 % pour l’ensemble des personnes en emploi ». Compliqué dans ce cadre-là d’envisager des motifs de satisfaction, d’autant que, « depuis une trentaine années, on ferme des lits », regrette de son côté Cyrille Venet, 53 ans, chef de service des soins intensifs au CHU de Grenoble-Voiron.
Un ministère qui n’écoute pas
« Ça nous a conduits là où nous sommes aujourd’hui. On se retrouve avec des patients qui s’entassent chez eux sans soins, d’autres qui demeurent dans les couloirs des urgences. Et on sous-estime complètement la gravité de la situation parce qu’il n’y a pas d’enquête réalisée sur la mort de patients à cause d’un défaut de soins », estime le Grenoblois qui précise que, sur le site de Voiron, ils sont passés de « 90 lits de médecine en court séjour en 2018 à 55 aujourd’hui ».
Voir aussi :L’intérim, paravent de la casse de l’hôpital
Des fermetures de lits à l’engorgement des urgences, les maux sont nombreux. Les personnels soignants et les paramédicaux n’en sont pas à leur première alerte : ils avaient mené un long mouvement social en 2019 avec les mêmes revendications qu’aujourd’hui. La crise sanitaire liée au Covid leur avait donné raison. Ils rallument les feux d’une contestation jamais éteinte. « Depuis environ deux mois, nous boycottons toutes les instances nationales, notamment les conseils supérieurs de la fonction publique, mais aussi toutes les réunions institutionnelles avec le ministère de la Santé et de la Prévention et la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), amorce Mireille Stivala, secrétaire générale de la fédération CGT de la santé et de l’action sociale. Nous avons constaté que, malgré les revendications que nous portons les uns et les autres pour les salariés, on a un ministère qui n’écoute pas. Il réunit d’autres acteurs parfois, qui ne font pas des acteurs légitimes. En tout cas pas représentatifs. »
En quête de meilleures conditions de travail pour mieux accueillir les usagers du service public de la santé, les personnels attendent toujours une reconnaissance sonnante et trébuchante de leur labeur. Jugeant « inacceptables » les annonces de revalorisation du point d’indice de 1,5 % en juillet par Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, les syndicats s’agacent, par l’intermédiaire de Mireille Stivala : « Ces propositions salariales ne correspondent même pas à l’inflation que subissent les agents de la fonction publique. »
Derniers avis