Le blues des blouses blanches à l’Assemblée

Au service des urgences du CHU de Nice (Alpes-Maritimes), une patiente qui est tombée dans la rue est prise en charge par une infirmière. Ian Hanning/Rea

Au service des urgences du CHU de Nice (Alpes-Maritimes), une patiente qui est tombée dans la rue est prise en charge par une infirmière. Ian Hanning/Rea

Hier, les députés communistes ont entendu des dizaines de personnels de santé, usagers et élus locaux, en vue de l’audition de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, mercredi.

«Qui veut prendre la parole ? » Après plus de trois heures de débat hier matin, les mains ne cessent de se lever dans la salle de l’Assemblée nationale. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se saisit de la prochaine semaine de contrôle de l’action gouvernementale pour interroger la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, sur la situation calamiteuse des hôpitaux. Pour préparer l’audition prévue mercredi prochain, ils avaient envoyé un appel à témoignages et à coconstruction d’une politique alternative. Un appel plus qu’entendu, au vu de la salle comble.

À écouter tous les participants, il y aurait de quoi remplir toute une « Pléiade » en récits de dysfonctionnements. « Dans le Jura, à force de suppressions de services, de lits, de postes, des opérations ont dû être reportées ces dernières semaines parce que, ô surprise, il a fallu faire face à l’épidémie de grippe », raconte une mairesse de petite commune proche de Dole. À la campagne comme en ville, les Français semblent égaux devant l’inaccessibilité aux soins orchestrée par les politiques d’austérité. Au CHU du Kremlin-Bicêtre, durant les vacances de Noël, 70 patients ont été hospitalisés en service d’urgences. Sa capacité réglementaire est de 20 lits. « Ne nous demandez plus de faire de la qualité. On fait de l’abattage, s’indigne une infirmière. En cas de catastrophe, on ne pourra bientôt plus accueillir autant de victimes que celles des attentats de 2015, puisque tous les hôpitaux parisiens sont en train de fusionner. »

« Dresser un inventaire révélerait beaucoup de l’état de nos hôpitaux », rebondit une représentante des usagers dans l’Allier. Un représentant du comité de défense de l’hôpital de Die (Drôme) va plus loin. « On n’a jamais eu les études sur les répercussions des fusions. Ces données seraient utiles pour mobiliser. »

Le numerus clausus des médecins est dénoncé

Mobiliser, tel est le maître mot des participants. Les luttes locales ne manquent pas. Elles ne parviennent cependant pas à déboucher sur un mouvement national. « Un million de personnes sont sorties dans la rue pour Johnny. On doit bien pouvoir mobiliser les gens pour leur santé », s’emporte un agent des hôpitaux de Marseille qui craint la suppression d’un millier de postes en échange d’une promesse de 300 millions d’euros pour moderniser les établissements phocéens.

D’autant que les propositions alternatives ne manquent pas. « On doit remettre tout en haut les valeurs des hôpitaux publics : garantir des soins de qualité accessibles à tous », estime un médecin. L’égalité devant l’accès aux soins passe d’abord par des moyens accrus. « Il faut mener la bataille sur le projet de loi de finances de la Sécu pour 2019 qui vise 9 milliards d’économies supplémentaires », estime un élu CGT à l’AP-HP. Le recours aux marchés pour se financer devrait être proscrit. « Le ministère préfère payer les intérêts de cette dette plutôt que le service public de santé ! » s’emporte un autre élu du personnel.

La fin des fusions des établissements au sein de groupements hospitaliers territoriaux (GHT) mastodontes est aussi demandée, tout comme l’arrêt du financement des hôpitaux à l’activité. « La capacité d’accueil devrait être la base », reprend un agent du CHU de Lille. L’aspiration est aussi grande chez les personnels, usagers et élus locaux, de retrouver une place dans les instances de décision. « Les agences régionales de santé ne devraient pas décider de tout », déplore un aide-soignant de l’Essonne.

Le numerus clausus sur le recrutement des médecins est aussi dans le viseur. « Faute de successeurs, on dépouille les hôpitaux de proximité de leurs services », pointe un usager de l’hôpital de Paimpol. « Le dépassement d’honoraires est aussi un argument de fuite des médecins, souligne le collectif des médecins CGT. Comment voulez-vous que les hôpitaux publics attirent de nouveaux praticiens ? Et il faut tisser des liens avec les centres de santé. C’est dans les centres de santé que les jeunes médecins aspirent à travailler. »

En trois petites heures, hier, toute une loi-cadre de refondation des hôpitaux publics a commencé à se dessiner. Si la concertation ne fait que commencer, voilà les députés communistes déjà pourvus pour questionner la ministre de la Santé.

Stéphane Guérard, Journaliste rubrique économie-social

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