L’année commence mal pour les paysans

Le prix du lait payer aux producteurs ne fait que baisser d'année en année. Ici, manifestation à Bruxelles en 2009. Photo : Alain Gobet/AFP

Le prix du lait payer aux producteurs ne fait que baisser d’année en année. Ici, manifestation à Bruxelles en 2009. Photo : Alain Gobet/AFP

Qu’il s’agisse des céréales, des oléagineux, de la viande bovine ou porcine, les prix payés aux agriculteurs demeurent trop bas pour permettre de dégager un revenu décent. Alors qu’il avait trop peu remonté ces derniers mois, le prix du lait de vache pourrait à nouveau baisser prochainement pour cause d’offre mondiale plus abondante que la demande.

Les mois se suivent, se ressemblent et charrient leurs contradictions sans rien changer sur le fond concernant le marché international du blé et des céréales secondaires. Pour la première semaine de 2018, la tonne de blé tendre français pour l’exportation cotait 153€ rendue au port de Rouen. C’est 12€ de moins que le prix de janvier 2017 qui était déjà anormalement bas. Malgré cela, la France peine à exporter son blé hors de l’Union européenne. L’objectif d’exportation  é été révisé en légère baisse à 9,3 millions de tonnes par FranceAgriMer cette semaine pour la campagne en cours en direction des pays tiers. Jusqu’à présent, le blé français s’est surtout vendu en Algérie, au Maroc et à Cuba. Ailleurs, à commencer par le plus gros importateur mondial qu’est l’Egypte, c’est désormais le blé russe qui se vend le mieux. Le pays de Vladimir Poutine a récolté 86 millions de tonnes de blé et est en mesure d’en exporter 34 millions de tonnes. La récolte française est de l’ordre de 37 millions de tonnes, la collecte par les organismes stockeurs de 33,9 millions de tonnes. Les  prévisions d’exportation sont d’environ 18 millions de tonnes dont un peu plus de la moitié dans les pays membres de l’Union européenne.
Pour ce qui est de 2018, l’état des cultures est bon en France, mais il est trop tôt pour spéculer sur ce que seront la récolte nationale comme la récolte mondiale l’été prochain dans les pays de l’hémisphère nord. Dans les salles de marché, on est toutefois attentif aux possibles conséquences de la récente vague froid  dans plusieurs Etats américains et dans les pays qui bordent la Mer Noire. Pour peu que les dégâts du gel soient en mesure de montrer une baisse possible de la récolte 2018 aux Etats Unis, en Russie et en Ukraine, la spéculation à la hausse pourrait prendre le relai de l’attentisme chez les boursicoteurs. Dans le marché mondialisé des céréales, un éventuel risque de pénurie concernant un aliment de base crée toujours un effet d’aubaine pour les spéculateurs. Les décideurs politiques semblent trouver cela normal, sauf en Inde et en Chine, deux pays qui doivent nourri  près du tiers de la population mondiale.

Interrogations sur le stock de maïs en Chine

La Chine justement fait parler d’elle à propos de son stock de maïs. Il pourrait être plus proche des 200 millions de tonnes que des 100 millions de tonnes, une chiffre donné jusque là comme le plus probable. Si la Chine décide de réduire son stock, elle réduira ses importations, ce qui fera baisser le prix mondial du maïs qui est actuellement de 150€ la tonne au départ des ports français contre 168€ l’an dernier à la même époque. Mais une autre incertitude vient compliquer les calculs des spéculateurs. Le Brésil doit mettre en place cette année son projet « Renovabio » visant à réduire le bilan carbone de ses véhicules. Cela doit se faire en augmentant la proportion d’éthanol dans le cadre d’un « programme de long terme de décarbonation (sic) du secteur des transports ». L’objectif est de réduire de 43% les émissions de gaz à effet de serre émis par les transports au Brésil en faisant monter l’utilisation des agro-carburants dans la consommation totale des véhicules.
On ne sait si cette montée en charge se traduira par plus de défrichage dans la forêt amazonienne, auquel cas le bilan carbone final de ce choix brésilien pourrait être globalement négatif. Mais on ne sait pas davantage quelles seront les parts respectives de la canne à sucre et du maïs dans la montée de la production d’éthanol. Il se pourrait aussi que les superficies de soja augmentent pour produire du diester. Dans ce cas, la trituration donnera des coproduits supplémentaires pour l’alimentation des porcs des volailles et des bovins. Voilà un casse tête de plus pour les spéculateurs qui, pour l’heure, ne savent pas sur quoi ile convient de spéculer en mettant les meilleures chances de son côté.

Le prix du lait pourrait baisser à nouveau

Pour revenir à la France, les productions animales ne paient pas davantage que les céréales en ce début d’année. Le kilo de carcasse de vache de réforme ne vaut que 3,35€ en ce début janvier contre 3,55€ en janvier 2017. Le porc est tombé à 1,13€ contre 1,50€ à la fin du printemps 2017. S’agissant du lait de vache, il se dit que son prix va baisser dans les prochaines semaines du fait d’une nouvelle augmentation de l’offre en produits laitiers au niveau mondial. Fonterra, la grande coopérative néo-zélandaise a déjà annoncé une révision des prix en baisse pour les mois à venir. En Europe, la grande coopérative néerlandaise Friesland Campina avait déjà commencé à moins payer ses éleveurs l’automne dernier. En France, on imagine que l’entreprise privée Lactalis aura à cœur de baisser le prix du lait qu’elle collecte, histoire de faire payer aux  paysans le manque à gagner induit par l’arrêt de l’usine de Craon en Mayenne, suite au scandale à la salmonelle dans le lait en poudre pour les nourrissons.
Après avoir reçu les distributeurs hier, Bruno Le Maire et Stéphane Travert devaient recevoir des dirigeants de Lactalis aujourd’hui pour tenter d’avoir des explications sur la contamination de lots de lait infantile à la salmonelle. Une agitation gouvernementale bien tardive à propos d’une affaire qui dure depuis des mois.

Gérard Le Puill


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