Apprentissage : Les arbitrages gouvernementaux déjà contestés

Les régions pourront imposer des « journées des métiers » dans les établissements de la 4ème à la 1ère. Les branches professionnelles décideront seules d’une grande partie des diplômes professionnels. Le nouveau financement de l’apprentissage favorisera les grands branches professionnelles au détriment de l’aménagement du territoire. Edouard Philippe, avec JM Blanquer, M Pénicaud et F Vidal, a présenté le 9 février le plan gouvernemental de transformation de l’apprentissage. Au terme d’une « consultation riche, animée et franche », le gouvernement a considérablement fait avancer l’autorité des branches professionnelles dans l’enseignement professionnel. Pour faire décoller l’apprentissage le gouvernement a prévu des aides aux apprentis (500 € sur le permis de conduire) et aux entreprises (100 € en plus par mois par apprenti). Mais les régions soulignent les insuffisances du financement. Coté enseignants, le Snuep Fsu parle de « régression » sur le plan social et dans la formation des jeunes. Quoiqu’en dise le premier ministre la réforme de l’apprentissage ressemble à sa privatisation.

Une privatisation de la formation ?

« Que veut dire privatiser le dispositif alors que le financement est socialisé ? Alors que les régions disposent de capacités d’organiser une programmation des besoins ? » Edouard Philippe a vivement défendu le 9 février le nouveau plan gouvernemental en faveur de l’apprentissage présenté par Muriel Pénicaud. Mais il a aussi reconnu qu’il veut « donner au monde professionnel une place centrale dans le fonctionnement de l’apprentissage ». JM Blanquer est resté très prudent tout en reconnaissant que les régions « ont vocation à avoir la responsabilité de l’orientation », un sujet brulant pour les syndicats enseignants.

Des mesures pour les apprentis

Regardons en détail.  De la centaine de mesures présentées le 9 février certaines concernent les jeunes, d’autres les entreprises.

M Pénicaud a annoncé des mesures pour faciliter l’accès des jeunes à l’apprentissage. Le gouvernement prend l’engagement de financer tout contrat d’alternance automatiquement.  La rémunération des apprentis en dessous de 25 ans sera augmentée de 30 euros par mois et le gouvernement crée une aide au permis de conduire réservée aux apprentis de 500€. Enfin les interruptions de contrat en cours d’année n’entraineront plus de rupture les CFA pouvant prolonger de 6 mois le contrat. Reprenant une idée du rapport Brunet, il prévoit des préparations à l’apprentissage, travaillant le savoir être, qui seront proposées en CFA.

Des mesures pour les entreprises

Pour les entreprises, le gouvernement va revoir le droit du travail de façon à autoriser le travail de nuit dans la boulangerie pour les mineurs et la semaine de 40h dans le bâtiment. L’embauche des apprentis pourra avoir lieu toute l’année. Surtout le gouvernement prévoit une réforme du financement de l’apprentissage qui vise particulièrement les entreprises de moins de 250 salariés et les formations de niveau bac ou en dessous. Dans ce champ là le gouvernement distribuera, par l’intermédiaire des régions, des aides qui réduiront de 100 € par mois le cout d’un apprenti. Par exemple la première année le cout mensuel d’un apprenti de moins de 25 ans dans une PME ,ne sera que de 65€ par mois.

Qu’est ce qui change pour les établissements ?

Qu’est ce qui va changer dans les collèges et les lycées ? La réforme du financement  prévoit que toute la cotisation alternance n’aille qu’à l’alternance. Mais il y aura aussi une cotisation pour les relations école entreprise qui permettra , nous a-t-on assuré, de maintenir les versements faits aux lycées professionnels au titre de la taxe d’apprentissage. Mais ce point est encore en discussion.

Les régions auront la responsabilité de l’orientation professionnelle. Elles organiseront avec les branches professionnelles des journées d’information sur les métiers et les filières professionnelles dans tous les collèges et lycées de la 4ème à la 1ère. Ces journées permettront de mettre ne contact des chefs d’entreprise avec les élèves. JM Blanquer estime que « les régions ont vocation à avoir la responsabilité de l’orientation » d’autant que « chacun constate les limites en matière d’orientation » aujourd’hui. Selon JM Blanquer les régions pourraient même organiser des heures d’information dans les établissements.

Les régions menacent de quitter l’accord

Le plan gouvernemental a pourtant été vivement critiqué par F Bonneau, vice président de l’ARF (association des régions). Pour lui « le compte n’y est pas » déjà en ce qui concerne le financement de l’apprentissage. Les régions recevront 250 millions pour compenser les inégalités entre CFA. Mais selon l’ARF il faudrait 150 millions de plus. Pour F Bonneau, « les moyens ne permettront pas de répondre aux besoins exprimés pour avoir des CFA de proximité.

Les régions vont aussi manquer de moyens pour coordonner la formation dans les territoires entre LP et CFA. Pour lui il faudrait adapter le financement au cout réel des formations. L’ARF craint un recul de l’apprentissage dans les CFA interprofessionnels. F Bonneau estime aussi qu’un pilotage régional est nécessaire pour mobiliser les patrons aujourd’hui peu intéressés par l’apprentissage.

Il demande que l’orientation soit clairement données aux régions et dénonce le « recul » du gouvernement sur ce point.  Les régions menacent de se retirer si elles n’obtiennent pas satisfaction sur ce point.

Pour l’ARF, « pour la première fois depuis 30 ans, une compétence décentralisée et pilotée avec efficacité par les Régions sera très largement centralisée, en contradiction totale avec la volonté affichée du gouvernement de conclure un «pacte girondin» avec les collectivités locales dont les Régions. Le compte n’y est pas pour répondre sur tous les territoires aux besoins et au maintien du développement de l’apprentissage ».

Un plan qui ignore la réalité des formations pour le Snuep

Le Snuep Fsu se montre très critique envers le plan gouvernemental. « On est mécontent sur les politiques certificatives qui échappent à l’éducation pour être données aux entreprises », nous a dit Sigrid Gérardin, co secrétaire générale du Snuep Fsu, interrogée par le Café pédagogique. « Aujourd’hui les référentiels d’examen sont définis de façon quadripartite (syndicats patronaux, de salariés, état et syndicats enseignants) et ça nous convient. On a des craintes sur la faisabilité de référentiels rédigés par des personnes ignorant tout de l’école ». Le Snuep déplore aussi le passage éventuel de l’orientation aux régions. Selon le Snuep le ministère donnera comme consigne d’ouvrir une section apprentissage au moins dans chaque lycée professionnel. « C’est irréalisable car l’apprentissage n’existe pas dans des branches importantes », souligne S Gérardin. C’est le cas par exemple pour les bacs pros tertiaires administratifs ou en soins à la personne. « Comment feront les lycées spécialisés ? ». La Snuep craint aussi la mixité des parcours. Apprentis et scolaires n’ont ni le même calendrier ni le même statut vis à vis des absence par exemple. Enfin le Snuep voit d’un mauvais oeil la nouvelle réglementation du code du travail pour les jeunes apprentis. « Il n’y a pas de réflexion sur la formation des jeunes et sa qualité. Ca manque totalement dans le rapport », souligne S Gérardin.

François Jarraud

 


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