Dans une résolution votée jeudi, les députés européens demandent à la Commission et aux Etats membres de mettre en place un plan de lutte à grande échelle contre la mortalité des abeilles et pour le développement de l’apiculture en Europe.
Il aura fallu que la disparition des abeilles et que la baisse de la production de miel atteigne un niveau alarmant, pour que le Parlement européen se décide à préconiser non plus seulement des mesures au coup par coup, mais un véritable plan d’ensemble pour tenter d’enrayer le déclin de l’apiculture européenne.
Même si pour l’instant, on en reste au stade des bonnes intentions, la résolution votée jeudi par le Parlement européen en mini-session à Bruxelles, a au moins eu le mérite de faire prendre conscience de l’ampleur des problèmes, et, pour une très grande majorité de députés, d’affirmer leur volonté de vouloir en sortir.
Le rapport établi par la commission du Parlement européen estime qu’au cours des deux dernières décennies, l’affaiblissement des colonies d’abeilles et la baisse de la production de miel a pris des proportions catastrophiques en Europe: – 50% dans certains pays, et jusqu’à – 100% dans certaines régions. Rien qu’en France, la production est passée de 35 000 tonnes au milieu des années 90, à 9000 tonnes en 2016 (1), soit une chute des ¾ de la production.
En Alsace, région où les observations sont particulièrement suivies et bien documentées, 24% des colonies d’abeilles ont disparu rien qu’au cours de l’hiver 2012-2013 (2)
Mais cet effondrement de la production n’est pas la seule conséquence grave de la dispartition des abeilles. Celles-ci jouent en effet un rôle essentiel dans l’ensemble de l’agriculture en tant qu’insectes pollinisateurs, aussi bien pour les céréales que pour les fruits et les légumes. Toujours selon le rapport du Parlement européen, 84% des espèces végétales et 76% de la production alimentaire en Europe dépendent de la pollinisation par les abeilles sauvages et domestiques. Sans abeilles, c’est l’agriculture, dans son ensemble, qui est en péril.
Maladies et pesticides
Les causes de cette baisse alarmante des populations d’abeilles et de miel en Europe ( ainsi que dans d’autres continents, comme l’Amérique du Nord ), ont donné lieu à de nombreuses études et recherches scientifiques, qui, si elles ne sont pas toutes unanimes, s’accordent néanmoins pour pointer du doigt plusieurs facteurs, dont l’importance varie bien sûr d’une région à l’autre.
Parmi ceux-ci : d’autres insectes prédateurs ( comme le Varroa destructor ou le frelon asiatique,) des maladies, mais aussi les insecticides comme les néocotinoïdes « tueurs d’abeille » ( dont l’usage est aujourd’hui restreint dans l’U-E ), ou d’autres facteurs diffus liés au réchauffement climatique, à la dégénérescence des habitats, et à la disparition progressive des plantes à fleurs.
Il semble pertinent de dire que les abeilles sont les guetteurs de l’environnement, puisqu’il est certain que l’accroissement des atteintes aux milieux naturels et des déséquilbres qu’elles produisent, sont bien la cause directe de la raréfaction de ces insectes.
Or, s’il est un facteur sur lequel il est possible d’agir directement, ce sont les insecticides.
Une enquête de l’Agence européenne pour la sécurité des aliments rendue publique mercredi, le confirme : 3 néocotinoïdes qui ont été utilisés massivement par l’agriculture avant que leur usage ne soit limité, sont nuisibles pour les abeilles. S’ils devraient être interdits en France à partir de septembre, le risque sera-t-il écarté pour autant ? Pas sûr, puisque d’abord il pourrait y avoir des dérogations à cette interdiction – d’autant que l’agriculture française est basée sur les insecticides et les herbicides et qu’elle dispose, au sein de la FNSEA, d’un puissant lobby, on vient encore d’en avoir la preuve au Salon de l’agriculture. Ensuite parce que deux autres molécules de remplacement aux effets tout aussi dévastateurs ( le sulfoxaflor et le flupyradifurone ) seraient dans la seringue des laboratoires pour remplacer les néocotinoïdes interdits.
Soutenir l’apiculture
Conséquence de la disparition des abeilles : l’Europe ne produit pas assez de miel pour sa consommation, elle doit recourir massivement à l’importation pour couvrir ses besoins. Aujourd’hui 40% du miel consommé dans l’Union européenne est importé, une quantité qui a doublé dans certains pays au cours des 15 dernières années, alors même que le nombre de ruches a considérablement augmenté au cours de la même période ( plus du double, rien qu’entre 2003 et 2016 ), et que le nombre d’apiculteurs a lui aussi augmenté, passant de 470 000 à 620 000 au cours de la même période.
Ce miel importé – essentiellement de Chine, d’Ukraine, d’Argentine et du Mexique – présente plusieurs inconvénients.
D’abord, il ne répond pas aux normes imposées aux apiculteurs de l’U-E, d’autant que plusieurs alertes lancées par des associations et des professionnels, ont révélé que certains de ces miels importés, notamment de Chine, étaient frelatés, coupés avec des sucres de canne ou de maïs. Or aujourd’hui, la moitié des importations de miel de l’Union provient de Chine, seul pays du monde où la production – terme qu’il faut sans doute mettre entre guillemets – a doublé en 15 ans, alors qu’elle a stagné ou régressé partout ailleurs dans le monde, en raison de la mauvaise santé des abeilles.
Ensuite, le miel d’importation est vendu moins cher, ce qui a pour conséquence de fragiliser encore une apiculture européenne déjà mal en point.
C’est donc à un ensemble complexe de problèmes que le Parlement européen a proposé jeudi de s’attaquer en mettant en avant, au sein d’un vaste plan stratégique, plusieurs priorités : un plan d’action européen de lutte contre la mortalité des abeilles, l’interdiction des pesticides néfastes et des néocotinéoïdes et le développement de la recherche, ainsi qu’un nouveau régime de soutien aux apiculteurs dans la PAC d’après 2020, passant par une augmentation de 50% du budget des programmes apicoles nationaux des pays de l’U-E.
Les députés européens exigent également le renforcement de la lutte contre l’importation de faux miel. Pour le rapporteur de la commission du Parlement, Robert Erdös ( PPE ), l’étiquette « mélange de miel U-E et non U-E » que l’on voit sur la plupart des miels vendus en grande surface, est « trompeuse et inacceptable. » Le député européen propose de la remplacer par une indication claire des pays d’où proviennent les miels, et dans quels pourcentages.
Pour la Gauche unitaire européenne, la députée espagnole Lidia Senra, a également souhaité que soient mises en place à l’échelle européenne, des aires de protection pour les abeilles, insectes qu’elle considère elle aussi comme des indicateurs centraux de la santé de l’environnement.
L’enjeu de l’apiculture en Europe, est loin d’être secondaire.
Avec ses 600 000 apiculteurs produisant 250 000 tonnes de miel chaque année, l’Union européenne est le second producteur mondial de miel derrière la Chine. La France à elle seule, compte 50 000 apiculteurs. C’est beaucoup moins qu’il y a 20 ans ( 84 000 en 1994 ), mais le nombre d’apiculteur remonte à nouveau régulièrement depuis 2 ans.
(1) Source : Planétoscope
(2) Source : Chambre d’Agriculture d’Alsace
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