Marie-José Kotlicki : « Tous les signaux sont au rouge pour les cadres, ingénieurs et techniciens »

Entretien réalisé par Stéphane Guérard
Nantes, 12 septembre 2017. Manifestations contre les ordonnances Macron. L. Venance/AFP

Nantes, 12 septembre 2017. Manifestations contre les ordonnances Macron. L. Venance/AFP

Temps de travail extensible, ubérisation galopante et statut du cadre en jachère. Les dossiers chauds ne manquent pas à l’Ugict-CGT, qui ouvre son congrès ce mardi. Entretien avec Marie-José Kotlicki, sa secrétaire générale.

Quels sont les dossiers chauds du congrès ?

Marie-José Kotlicki Tous les signaux sont au rouge pour les ingénieurs, cadres technico-commerciaux et techniciens (ICT). Le nombre d’arrêts maladie est en hausse, notamment les burn-out. Cette situation est due à la pression mise sur les salariés, à l’utilisation intensive du numérique et à la non-observation du droit à la déconnexion. L’extension du forfait jours (sans décompte, ni paiement d’heures supplémentaires – NDLR) y est aussi pour beaucoup. Malgré quatre condamnations par la justice européenne, le gouvernement a choisi d’étendre cette contrainte dans les ordonnances Macron sur le droit du travail. Le deuxième enjeu est lié à tous les scandales du type Lactalis ou fraude aux gaz d’échappement dans l’automobile. Pour l’encadrement, qui est au courant de ces pratiques délictueuses, il n’y a que deux options : se taire et se soumettre, ou se démettre. On a besoin d’un nouveau droit de désaccord et de retrait pour une activité ou directive délictueuse qui contreviendrait à la santé, à l’environnement ou à la dynamique de l’entreprise. Le troisième problème est la négation des qualifications. Les salaires des jeunes diplômés de master 2 sont parmi les plus faibles d’Europe : 1 850 euros net par mois pour un homme et même 1 530 euros net par mois pour une femme ! La reconnaissance des diplômes et des compétences est une vraie bataille intersyndicale. Le patronat voudrait que chaque entreprise puisse définir qui est cadre et qui ne l’est pas. Mais ça ne peut pas relever du bon vouloir du patron. Il faut des négociations interprofessionnelles.

Comment expliquez-vous que, dans le dernier baromètre Ugict-CGT ViaVoice, 80 % des cadres préfèrent se défendre hors syndicats ?

Marie-José Kotlicki C’est une situation ambivalente. Les cadres jugent la CGT plutôt utile mais estiment que ce n’est pas pour eux. On a besoin que toute la CGT développe des actions revendicatives à partir de ce que ces salariés vivent en entreprise. L’autre souci est que nous avons perdu la première place dans les entreprises privées car nous ne présentons pas de candidats partout et dans tous les collèges de salariés. C’est pour cela que nous lançons lors du congrès une action qui cible 17 métropoles françaises où se concentrent 61 % des cadres et plus de 50 % des techniciens, afin de développer des réseaux et outils militants spécifiques pour ces territoires. Nous ouvrons également, en partenariat avec l’Apec, des ateliers destinés aux jeunes d’écoles d’ingénieurs ou de commerce mercredi après-midi. Ils pourront rencontrer Philippe Martinez et suivre une partie des travaux du congrès.

Comment adapter les pratiques syndicales aux nouvelles formes de travail indépendant et ubérisé ?

Marie-José Kotlicki On réfléchit beaucoup à cette question. Nous nous rapprochons des jeunes travailleurs indépendants employés par des plateformes numériques pour les faire passer sous statut salarié lorsque leur lien de subordination est suffisamment fort avec ces donneurs d’ordres. Pour les autres, nous les aidons à se regrouper afin qu’ils se défendent. Ils ont besoin de nouvelles solidarités, car ils ne gagnent en moyenne que 600 euros par mois. Et nous avons mis en place syndicoop.info, pour mettre les outils numériques au service des luttes. Malgré le rythme endiablé du gouvernement Macron qui vise à anesthésier le public et à fabriquer du renoncement au progrès social, nous pensons que rien n’est écrit d’avance. La multiplication des luttes et la journée de grève et de mobilisation du jeudi 22 mars nous montrent que le refus des inégalités et de l’austérité reste très fort en France.

Stéphane Guérard, Journaliste rubrique économie-social


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