Réjouissons-nous : les entreprises du CAC 40 ont réalisé 93,4 milliards de profits en 2017, une hausse colossale de 24 % par rapport à 2016, déjà une bonne année. Avec un chiffre d’affaires en hausse de plus de 6 %, ces multinationales montrent qu’elles sont à même de bénéficier du mouvement en cours de reprise mondiale. A qui cette situation va-t-elle profiter ? Elle doit normalement bénéficier aux actionnaires, aux salariés, à l’investissement et au fisc.
La moitié en dividendes
Les actionnaires seront effectivement parmi les gagnants. Selon les analyses de Factset Estimates citées par Le Revenu, plus d’une trentaine d’entreprises vont accroître leurs dividendes. La moitié des profits sera ainsi redistribué, pour un montant de 46,8 milliards d’euros. Il est tout à fait normal que les actionnaires d’entreprises en forte croissance voient la rémunération de leur investissement augmenter. Mais qui va toucher ces dividendes ?
Selon les données de la Banque de France, qui portent sur la fin 2016, les entreprises du CAC sont détenues à 44,5 % par des investisseurs étrangers. C’est 3,3 points de moins depuis le pic de 2013.
La France reçoit beaucoup plus de dividendes de l’étranger qu’elle n’en verse
Mais les investisseurs français reçoivent également des dividendes versés par les entreprises étrangères dont ils sont actionnaires. Et, à ce jeu-là, la France est largement gagnante : en 2016, elle a reçu 58 milliards d’euros de dividendes et en a versé 16 milliards à des actionnaires étrangers, selon les estimations de la Banque de France. Les actionnaires français sont donc bien les grands gagnants de la montée des profits des entreprises. Ils sont très majoritairement situés dans la partie la plus riche de la population.
L’emploi et l’investissement
L’emploi est assurément l’un des bénéficiaires des profits croissants des sociétés françaises. L’année 2017 a vu une progression des créations d’emplois avec près de 270 000 nouveaux postes (près de 280 000 dans le secteur privé, accompagnés d’une baisse dans le secteur public du fait de la suppression partielle des contrats aidés). Selon L’Insee, cette dynamique devrait se poursuivre en 2018.
Les entreprises françaises dépensent, en gros, une fois et demie plus en dividendes qu’en investissements
Enfin, ajoutons que le bon résultat des grandes entreprises françaises s’appuie sur un niveau d’endettement élevé, qui inquiète les autorités de régulation.
Et le fisc ?
Hasard de l’actualité : on apprend en même temps que l’entreprise de luxe Kering est celle qui va faire le plus progresser son dividende sur ses résultats 2017 (+ 30 %), et qu’elle a fraudé pour 2,5 milliards d’euros d’impôts depuis 2002, en passant par la Suisse, les Pays-Bas et le Luxembourg, selon une enquête publiée par Mediapart.
Ce n’est plus un scoop : les grandes entreprises françaises, comme les autres, pratiquent l’optimisation fiscale agressive. Échapper à l’impôt est l’un des piliers du capitalisme contemporain, dans sa version française comme dans ses autres déclinaisons nationales.
Ce n’est plus un scoop : les grandes entreprises françaises, comme les autres, pratiquent l’optimisation fiscale agressive
Les grandes entreprises françaises reçoivent des capitaux privés qu’elles acceptent de rémunérer en payant des dividendes. Et 2018 sera, de ce point de vue, une bonne année. Mais elles ne pourraient pas exister ni se développer sans capitaux publics (marché du travail, règles de droit, couverture sociale, etc.). Un capital pour lequel elles sont, cette fois, réticentes à payer ces « dividendes » que l’on appelle impôts.
On ne peut que se réjouir des profits croissants de nos entreprises. Mais tant qu’elles ne feront pas attention à ce qu’actionnaires, État, salariés et investissements en bénéficient, elles continueront à en faire un sujet de débat politique et même d’affrontements, dommageables non seulement à leur image mais à leur avenir.
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