Joyeuses Pâques: deux cadeaux historiques au privé!

Hier, « Libération » a titré le premier : « scolarisation obligatoire à trois ans : le cadeau discret de Macron au privé ». Mais il existe aussi un autre cadeau, non moins discret : la participation des établissements privés aux examens du baccalauréat via le « contrôle continu » à la sauce Blanquer.

Il aurait été possible d’avoir une  »vraie » simplification du baccalauréat en admettant l’intégration du  »vrai » contrôle continu (c’est à dire les évaluations habituelles faites en première et terminale) pour une part relativement importante de l’examen.

Le ministre Jean-Michel Blanquer a choisi une autre voie en n’accordant au  »vrai » contrôle continu qu’une part de 10%, et en donnant un pourcentage de 30% à des examens se faisant au sein des établissements. En conséquence les établissements privés ont reçu sans coup férir un cadeau important. Jusqu’alors, les dossiers de leurs élèves (les résultats du  »vrai » contrôle continu) pouvaient certes avoir quelque poids lors des oraux de rattrapage ou surtout dans les candidatures à l’entrée en classes préparatoires aux grandes école, en IUT ou en STS. Mais il ne s’agissait pas à proprement parler d’épreuves d’examens ad hoc. Ce sera désormais le cas, et un précédent : les établissements privés vont participer es qualité à la tenue même d’examens conduisant à des  »grades » (le baccalauréat en l’occurrence, qui est l’un des  »grades » universitaires, le premier).

C’est une rupture historique ; car, depuis Jules Ferry, le monopole de la  »collation des grades » avait été dévolu exclusivement à l’enseignement public. Cela avait été encore réaffirmé récemment par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche lors d’une réponse à une interrogation, dans le JO du Sénat du 9 septembre 2012. « En France, l’enseignement supérieur est libre mais la législation réserve à l’État le monopole de la collation des grades, des diplômes et des titres universitaires (article L. 613-1 du code de l’éducation) et ne permet pas d’habiliter les établissements d’enseignement supérieur privés à délivrer des diplômes nationaux de licence, master ou doctorat (articles 2 et 3 du décret n° 2002-481 du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux diplômes nationaux »).

Finalement, il est fort douteux que l’on ait une simplification du baccalauréat (c’est pourtant ce qui était annoncé urbi et orbi, et au programme du candidat Emmanuel Macron). Mais on aura en fait la fin du monopole du public en matière de  »collation des grades ». Un véritable cadeau (pas annoncé du tout) au privé.

L’autre « cadeau discret au privé » comme il est dit à juste titre dans « Libération » concerne « l’obligation de scolarisation » (ou plutôt  «  l’obligation d’instruction ») à partir désormais de l’âge de trois ans. On sait qu’il n’y a pas à proprement parler d’obligation de fréquentation scolaire à partir de l’âge de six ans (mais « une obligation d’instruction qui peut se faire dans une école publique, ou une école privée, ou dans la famille »). Comme les pourcentages de fréquentation de l’école maternelle sont déjà très élevés et qu’on ne voit pas comment on pourrait décider une fréquentation scolaire obligatoire pour les enfants de trois à six ans (alors que ce n’est nullement le cas pour les enfants de plus de six ans), on ne saisit pas quel est le changement effectif qui pourrait avoir lieu en la matière.

Il y a pourtant au moins un changement effectif qui a de bonnes chances d’avoir lieu : l’aide des municipalités aux école privées sous contrat est actuellement facultative ; elle ne devrait plus l’être. Le ministre Jean-Michel Blanquer a tenté de  »botter en touche » en faisant une réponse dilatoire à des questions posées à ce sujet. Il est pourtant bien placé, en tant qu’ancien Haut fonctionnaire de l’Education nationale, pour savoir comment le Conseil d’Etat (saisi de la question de l’aide des municipalités aux écoles) avait tranché en 1985 : pour la scolarité dite obligatoire ( »l’obligation d’instruction » à partir de 6 ans), obligation de l’aide pour les écoles privées sous contrat (comme pour les écoles publiques). En revanche et pour ce qui concernait les écoles maternelles, le Conseil d’ Etat s’était prononcé pour le caractère facultatif du financement en raison de la « scolarisation » en maternelle, elle-même facultative. Mais on était en 1985. Et la décision prise en ce mois de mars 2018 d’une « obligation de scolarisation » (ou plutôt d’une « obligation d’instruction ») à partir de l’âge de trois ans devrait logiquement (et juridiquement) changer la donne. Un changement effectif qui ne serait pas de l’ordre du détail, loin s’en faut. Une manne providentielle pour les établissements privés sous contrat. Soupe à la grimace pour nombre de municipalités et d’établissements publics.

In fine, deux cadeaux surprises en deux mois pour le privé. Alléluia !

PS: des relations amicales me font remarquer que sur le plan strictement juridique (et pour ce qui concerne certaines réalités déjà en place) il n’ y a pas vraiment rupture : il y a des établissements privés du supérieur – hors université – qui délivrent le grade correspondant de master (des écoles d’ingénieurs, et des établissements techniques et de commerce) et des établissement secondaires privés qui  contribuent déjà à la délivrance du bac ( pour l’EPS et surtout jusqu’alors dans le cas spécial  de bacs professionnels) . Mais il n’en reste pas moins que l’on a avec cette réforme des baccalauréats généraux et technologiques (ceux qui sont en pleine lumière et au centre du dispositif) une banalisation et  un effet de seuil qui apparaît de nature à changer la donne...


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