La Commune du Paris et les premiers de cordée de la révolution sociale

Étudier à travers le livre de Jean A. Chérassece que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en  ce XXIème siècle. Photo : AFP

Étudier à travers le livre de Jean A. Chérassece que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle. Photo : AFP

En cette année 2018 qui nous fait commémorer le bicentenaire de la naissance de Karl Marx et les cinquante ans de la grève générale de 1968 en France, Jean A. Chérasse, cinéaste documentariste et agrégé d’histoire, vient de sortir un livre de plus de 500 pages qui raconte, jour à après jour, ce que fut la Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871 (1).

« Née dans la fête, noyée dans le sang, la Commune de Paris a surgi telle une fleur du cerisier de Jean-Baptiste Clément, à la fin d’un hiver effroyable rendu difficilement supportable par les rigueurs d’un siège, mais elle reste, par sa fulgurance, une page extraordinaire de l’histoire de France », nous dit l’auteur dans son avant propos.

Alors que les manifestations du 1er mai vont mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs et de retraités mécontents de la politique du président des très riches et de son gouvernement, un livre vient de sortir et nous informe de manière détaillée sur la Commune de Paris. A la lecture des documents d’époque publiés dans cet ouvrage, on est frappé par le niveau élevé des revendications, mais aussi par la pertinence des arguments mis en avant pour les défendre, sans oublier la beauté des textes avec une qualité d’écriture qui impressionne le lecteur près d’un siècle-et-demi plus tard. Les journaux des communards étaient vendus à la criée. Parmi eux, figurait le Cri du Peuple, dans lequel Jean-Baptiste Clément écrivait en ce dixième jour de la Commune pour évoquer la fuite de d’Adolphe Thiers à Versailles :

« C’est le plus grand jour de la République (…) Ce matin, c’est l’heure de la fraternité, c’est l’apothéose de la grande République(…) Il n’y aura parmi nous ni vainqueurs ni vaincus, il n’y aura plus qu’un grand peuple confondu dans un même sentiment :celui d’une régénération ».

Le lendemain, Charles Beslay, élu du cinquième arrondissement et doyen des « Communeux », lui-même âgé de 76 ans, déclarait dans un discours consacré à la relance de l’économie dans la  capitale :

 « la commune que nous fondons sera la commune modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle sévère et ce n’est pas  dans la Commune républicaine  que Paris trouvera des fraudes de 400 millions!».

« Ce que tentent nos héroïques camarades de Paris »

Evoquant les premiers pas de la Commune le 12 avril 1971, Karl Marx écrivat à son ami Kigelmann :

« La révolution en France doit avant tout tenter non pas de faire passer la machine bureaucratique et militaire  en d’autres mains- ce qui s’est produit  toujours jusqu’à maintenant- mais la briser. Là est précisément la condition préalable de toute révolution vraiment populaire sur le continent. C’est aussi ce que tentent nos héroïques camarades à Paris».

Mais les versaillais préparent l’offensive militaire ce qui conduisent Pierre Denis à lancer cette mise en garde dans le Cri du Peuple dès le 23 avril :

« Le véritable danger n’est pas dans l’implacable ressentiment du gouvernement et de l’assemblée, ni dans l’armement qui se produit à Versailles. Le danger est ici, dans le Conseil communal, s’il ne sait pas, prendre les mesures de défense rapides, sûres, à la fois intelligentes, sages et fermes;  il est dans l’organisation même de la défense, et il est surtout dans les illusions que pourrait faire naître une fausse conciliation… ».

Au fil des pages de ce livre ont voit en effet monter la puissance militaire des Versaillais qui ont réussi à conserver des sites stratégiques comme le Mont Valérien sur les hauteurs de Suresnes, d’où il est possible de tirer au canon sur Paris. Progressivement, les troupes de Thiers investissent la banlieue ouest de Paris et les obus font de plus en plus de dégâts dans la capitale où des enfants d’une dizaine d’années vont, au risque de leur vie, récupérer des éclats d’obus dans les rues afin de récupérer quelques sous en les vendant à des marchands de ferraille.

A chaque fois qu’ils prennent de nouvelles positions, les Versaillais achèvent les blessés et même les infirmières présentes pour les soigner comme en  témoigne le commandant Noro dans un courrier au communard Charles Delescluze. Après la victoire des Versaillais, les massacres vont se poursuivre avec notamment 400 personnes fusillées à la prison de Mazas et 1907 exécutions à la Roquette en une seule journée.

Donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants

La chute de la Commune de Paris fut donc particulièrement douloureuse. Toutefois, ce que l’on retient avant tout du livre de Jean A. c’est la qualité du projet politique des communards. Ils se battaient pour une société de justice et d’égalité, y compris entre les hommes et les femmes. Ils voulaient la bâtir dans le pays tout entier comme le montre un texte adressé  aux paysans. Ils considéraient qu’il fallait pour cela donner une place centrale à l’éducation de tous les enfants.

Alors que l’actuel président de la République et son gouvernement n’ont que la précarité du plus grand nombre à nous proposer comme projet afin de donner toujours plus aux «les premiers de cordées » tels que les voit Emmanuel Macron, étudier à travers ce livre ce que furent les objectifs de la Commune nous conduit aussi à penser les changements à promouvoir dans le pays pour en finir avec ce capitalisme prédateur en ce XXIème siècle qui, de surcroît  accélère le réchauffement  climatique.

(1) Les 72 immortelles, la fraternité sans rivages, une éphéméride des grand rêve fracassé des Communeux, de Jean A. Chérasse, dessins d’Eloi Valat ; les éditions du Croquant, 560 pages, 24€

Gérard Le Puill, Journaliste et auteur

 


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