Bernard Lavilliers. « Sans l’Humanité, ce serait comme un trou dans le journalisme »

AFP

Vous avez toujours eu une relation très forte avec l’Humanité, qui connaît actuellement de graves difficultés financières. Que représente ce journal pour vous ?

Bernard Lavilliers Un journal c’est un symbole de la diversité culturelle. L’Humanité c’est un point de vue, une façon de traiter les choses. Quand on veut se faire une idée, c’est bien d’avoir un journal d’opinion. N’oublions pas que ce journal a été créé il y a longtemps. Peut-être qu’il y a des gens qui se demandent pourquoi Lavilliers défend l’Huma. Eh bien je défends ce journal parce que vous faites partie du paysage. Il y a une prise de parole, une façon de voir les choses. C’est un journal qui a minci au fil du temps, qu’il faut garder. Alors, évidemment, qui va investir ? Vous êtes l’un des derniers journaux indépendants, comme le Canard enchaîné. Les autres, s’ils n’avaient pas leurs gros propriétaires, qui d’ailleurs défendent leurs intérêts à travers leurs titres, ils ne vivraient pas non plus. Ils seraient tous en train d’appeler tout le monde pour dire on va crever.

S’agissant du pluralisme, qu’évoquerait pour vous un paysage de la presse sans l’Humanité ?

Bernard Lavilliers Aujourd’hui, en lisant la presse, on peut avoir trois ou quatre avis, quand les journaux peuvent encore aller sur le terrain et raconter des choses que les journalistes ont vues, parce qu’autrement c’est les agences de presse qui font le boulot. Il n’y a plus beaucoup de journaux qui peuvent se permettre des envoyés spéciaux pour voir ce qui se passe dans le monde. Quand ça arrive, ils ne restent pas longtemps. Par rapport à notre panorama français, si l’Humanité disparaissait, ce serait comme un trou dans le journalisme. Il y a eu des grandes plumes, il y en a encore à l’Huma. J’étais très proche de Roland Leroy. C’est bizarre en tant qu’anarchiste, d’avoir autant d’amis à l’Huma, mais on s’est quand même bien entendu la plupart du temps. Le fait qu’un journal créé par Jean Jaurès puisse disparaître, ça me ferait mal au cœur.

Quel message avez-vous envie d’adresser aux lecteurs de l’Huma ?

Bernard Lavilliers Comme je le dis dans un de mes disques : « tout est permis, rien n’est possible ». Il y a un côté comme ça. Les gens du pouvoir ne vont pas dire ouvertement qu’au fond ils font mourir l’Huma. Au contraire, si on leur pose la question, ils répondront « on va tout faire pour sauver ce journal ». Mais, en attendant, ils ont d’autres chats à fouetter. Je dirai aux lecteurs de l’Huma « tenez le coup, fédérez-vous, vous avez l’habitude, je serai à vos côtés ».


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