Après la suppression du mot « race » de la Constitution. Et maintenant, un juste partenariat

Par Emmanuel Argo, membre de Chatham House à Londres et de la Société d’Histoire de l’Université d’Oxford (1).

Le contexte politique est absorbé par ce qui est appelé « la crise migratoire ». L’Europe doit sortir d’une impasse qui repose sur les désaccords des membres de l’Union à accueillir des migrants. La France, comme à son habitude, est en équilibre sur cette question : assumer ce qui fait les valeurs universelles de sa République, et tenir compte de partis politiques dont le fonds de commerce est « la peur migratoire » –  cette angoisse à accueillir une « horde noire » de mendiants affamés que l’on dit prête à tout.

Ainsi, après avoir dit qu’il n’est pas question « d’accueillir toute la misère du monde » puisque « la France n’est pas un Eldorado », après avoir rendu visite au défenseur papal des victimes de la pauvreté dans le monde, il fallait trouver l’action symbolique qui puisse concilier deux positions contraires et poursuivre cet exercice d’équilibriste politique.

Voilà pourquoi le quidam en charge d’un subterfuge idoine est allé sortir des cartons de l’ancien gouvernement un projet qui n’avait pas encore abouti – faute de consensus, peut-être  –  et qui consiste à supprimer le mot de « race » de notre Constitution (et fissa, SVP !), cette action devant être symbolique et propre à cristalliser les aboyeurs publics pour mieux noyer le poison d’une position réprouvée par les défenseurs des droits universels.

Mais les tours de passe-passe langagiers et parlementaires ne font ni le changement, voire même l’évolution ; ils déculpabilisent seulement leurs auteurs de leur incapacité à pouvoir – vouloir – changer les problèmes d’injustice et d’inégalité qui nuisent à l’émancipation du continent africain, à des pays et régions d’afro-descendants.

Car tant que les vraies questions et leurs solutions qui sont d’ordre économique, sociétale et politique ne seront pas objectivement énoncées et tant que le continent africain sera considéré comme un « coffre-fort » de matières premières et autres ressources naturelles à piller sans vergogne par des pays lancés dans une guerre économique sans merci, les africains auront toujours une image misérabiliste de mendiants exsangues, victimes des conditions de développement économique déloyales.

En lieu et place de l’assujettissement à une autorité qui s’auto-proclame supérieure en raison d’une idéologie quelconque (et supprimer le mot race n’y changera rien), il est temps de mettre en place un esprit de partenariat et de contrat, à l’instar d’autres régions du monde entre-elles, pour établir de nouveaux rapports sociétaux, politiques et économiques, de surcroît quand l’Afrique comptera bientôt 2 milliards d’habitants qui ne souhaitent qu’une chose, c’est rester chez eux !

C’est pourquoi il est urgent de faire évoluer les termes des échanges et de substituer à la condescendance hypocrite doublée d’une assistance perverse, une équitable complémentarité, un juste partenariat pour une contractualisation loyale entre partenaires.

Et pour ce faire, rien de mieux que de démonter les images et autres discours trompeurs qui présentent le continent noir dans une approche biaisée et orientée. Au regard de ces enjeux, la suppression du terme de « race » reste anecdotique pour l’histoire et illusoire quant à ses effets.

(1) Auteur du concept de la NégroÉvolution.


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