Le philosophe Yvon Quiniou estime qu’en menant une politique qui favorise la classe capitaliste dominante, Macron rend visible la structuration en classes de la société et alimente la montée des conflits.
«Notre situation politique est paradoxale à plus d’un titre. Nous sommes dirigés par un président élu par seulement 43 % des inscrits et au surplus par défaut : pour éviter Marine Le Pen. Il en a à peine conscience puisqu’il prétend incarner “le peuple tout entier” dont il se croit parfois “le roi” (sic), et il règne comme un monarque de droit divin dans la toute-puissance et la verticalité absolue, étouffant le rôle légitime des diverses instances représentatives comme le Parlement, les corps intermédiaires et les syndicats.
Par ailleurs, pour se faire élire, il s’est dit à la fois de droite et de gauche, ce qui est un pur mensonge : il vient d’un gouvernement qui se déclarait de gauche alors qu’il appliquait déjà une politique économique de droite dont il était l’inspirateur. Désormais président, il révèle sa vraie nature : c’est un président réactionnaire, mettant en œuvre un néolibéralisme hallucinant qu’on croit tirer du théoricien américain Hayek, qu’on n’aurait jamais cru possible en France tant il y a chez nous un héritage social de gauche, issu en particulier du programme du Conseil national de la Résistance avec ses avancées formidables. Or, il fait exactement le contraire, réalisant ce que la pire droite rêvait de faire.
Un exécutif qui s’en prend au rôle de l’état
Il s’en prend au rôle de l’État, privatisant à tout va et attaquant les services publics, comme dans le domaine des transports, de la poste, de la santé en réduisant les effectifs des hôpitaux ou en transférant certaines de leurs fonctions, les plus rentables, vers les cliniques privées, en faisant exercer une pression au travail insupportable, etc. Dans le registre de la répartition de la richesse, produite, il ne faut pas l’oublier, par le peuple travailleur, il mène une politique fiscale favorable aux riches et même aux “très riches”, par une réduction de l’impôt sur les grandes fortunes ou par des décisions favorables aux patrons, qui augmente leurs profits et ceux de leurs actionnaires, sans que rien n’en soit réinvesti dans la production et l’emploi. Enfin, dans le domaine social, il entend réduire l’importance des syndicats par des mesures habiles mais retorses, sans laquelle la démocratie d’entreprise n’a guère de sens. Et il ne cesse de s’en prendre aux aides sociales, qui coûteraient trop de “pognon” à la nation !
Tout cela traduit bien une politique de classe au sens même de Marx – celle qui favorise la classe capitaliste dominante, propriétaire des moyens de production –, plus même : elle rend visible la structuration en classes de notre société, que son discours nie au nom du rôle de l’individu, comme elle rend visibles les inégalités de revenus qui vont croissant, avec un appauvrissement absolu du monde du travail, mais aussi des classes moyennes, sans compter l’augmentation du nombre des laissés-pour-compte du système. Et on mentionnera à peine tous les éléments de langage par lesquels il manifeste sans retenue un mépris pour les membres des classes populaires, indigne d’un président de la République censé respecter humainement, et au moins verbalement, tous ses citoyens.
hémorragies
Tout cela a une conséquence qu’il n’avait pas prévue : une montée considérable des conflits, un an après son élection, dans presque tous les domaines de notre vie sociale, avec grèves longues et manifestations de rue importantes, et une baisse spectaculaire de sa popularité qui en fait un président minoritaire dans l’opinion. Sauf que cela ne s’est pas encore coagulé en un mouvement d’ensemble par manque d’une alternative crédible à gauche. C’est pourquoi il faut recréer un horizon politique fort, critiquant le capitalisme et rassemblant, dans une unité nécessairement plurielle, tous ceux qui pensent que ce système doit être dépassé car il est invivable et injuste. C’est l’occasion de rappeler à Macron que l’efficacité n’est pas la justice, qu’elle peut même lui être contraire et susciter des colères dangereuses comme celles qui alimentent le populisme. Car il faut voir, sauf à être naïf ou malhonnête, que le feu couve ! »
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