Le protégé de Macron a été présenté hier à un juge d’instruction, au terme de sa garde à vue. L’Assemblée nationale a interrompu l’examen de la réforme constitutionnelle. Sa commission d’enquête parlementaire doit auditionner aujourd’hui Gérard Collomb.
Emmanuel Macron se voyait monarque constitutionnel. Le voilà qui joue au roi du silence. Le président de la République reste muet depuis le début de l’affaire Benalla, véritable scandale d’État dont les secousses politiques ont été ressenties tout le week-end à l’Assemblée nationale. Hier, l’examen de la réforme constitutionnelle a même été suspendu jusqu’à nouvel ordre. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, l’a annoncé à la suite d’une série ininterrompue de rappels au règlement et d’interpellations des députés d’opposition. « L’examen du texte est enfin ajourné. Nous le demandions depuis le début », réagit le député Pierre Dharréville (PCF), pour qui il était « absolument inconcevable de délibérer sur une révision de la Constitution alors qu’une affaire d’État percute de plein fouet l’exécutif. D’autant plus quand il s’agit d’accroître les pouvoirs d’un président qui en abuse ».
L’Assemblée nationale, réunie exceptionnellement samedi et dimanche afin d’adopter au pas de charge cette refonte des institutions, a vu rouge de révélation en révélation. Car la réforme soumise aux députés vise à concentrer tous les pouvoirs autour de l’exécutif, transformant le Parlement en chambre d’enregistrement. Non content d’usurper la fonction de policier, de frapper un manifestant au sol et d’intimider des hauts gradés, le gorille d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, était aussi doté d’un badge « H », d’accès prioritaire au palais Bourbon. Une confusion des genres entre exécutif et législatif et une concentration des prérogatives au Château qui illustrent bien le projet d’hyper-présidentialisation que le chef de l’État veut imposer. « Cela veut dire quoi ? Ceux qui disposent d’un tel badge font de la politique puisqu’ils assistent (aux séances dans) l’Hémicycle. Ils ne font pas de la sécurité », s’est interrogé le député Marc Le Fur (LR). « C’est ahurissant. Cet homme était chargé de la sécurité du président alors que c’est normalement le travail de professionnels du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Et il avait ce badge de l’Assemblée. Mais quel rôle jouait-il ? Cela démontre que Macron se croyait tout permis. Son rejet des vieilles méthodes est balayé et une forme d’imposture politique se révèle », assène Pierre Dharréville.
« Un système autocratique de confusion des pouvoirs »
De jeudi à dimanche, les députés n’ont eu de cesse de demander des comptes. Pas seulement pour bloquer le projet constitutionnel, mais parce que cette affaire montre que « nos institutions vacillent », selon la formule de Christian Jacob, président du groupe LR. À sa demande, et à celle des députés PS, FI et PCF, une commission d’enquête parlementaire a été créée. Une autre a vu le jour au Sénat. Elles doivent faire toute la lumière sur cette affaire, du premier au dernier maillon de la chaîne de responsabilités. Les députés de la majorité LaREM ont pourtant freiné des quatre fers afin d’en empêcher la naissance. Ils ont finalement cédé, mais tentent toujours de limiter l’ampleur des auditions à venir. Devant ce qu’il considère être un « État Macron, un système autocratique de confusion des pouvoirs dans les mains d’un seul homme », Guillaume Larrivé (LR) espère pouvoir auditionner Alexandre Benalla, Vincent Crase, mais aussi Patrick Strzoda, préfet directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, et Christophe Castaner en tant que délégué général de LaREM. Ugo Bernalicis (FI) se dit prêt à convoquer Édouard Philippe, Emmanuel Macron et ajoute : « S’il faut aller jusqu’à Brigitte Macron, on le fera. »
Quant à Gérard Collomb, il doit être auditionné aujourd’hui à 10 heures par la commission des Lois, ici dotée des pouvoirs d’enquête. « Le ministre de l’Intérieur est déjà disqualifié. Il a menti et beaucoup. Bien sûr qu’il va démissionner. Et il ne sera pas le seul », pronostique déjà Jean-Luc Mélenchon. L’audition du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, à 14 heures, fera suite à celle de Collomb. La débauche de violence de Benalla n’aurait en tout cas pas fait trembler à elle seule la Macronie s’il n’avait pas été protégé en haut lieu. Car Gérard Collomb a été informé de la situation dès le 2 mai, au lendemain des faits. Il aurait transmis les éléments en sa possession à Patrick Strzoda, sans saisir l’Inspection générale de la police. Strzoda lui-même en aurait averti Macron, qui lui aurait confié la gestion du dossier. Au final, Benalla n’a écopé que de quinze jours de mise à pied, avec retenue sur salaire. Une sanction dérisoire. Pire : l’intéressé, loin d’être placardisé, est resté omniprésent aux côtés du couple Macron.
Cinq personnes devant le juge d’instruction
Le chef de l’État a eu beau décider vendredi de se séparer définitivement de son encombrant Monsieur Sécurité, le mal était fait. Alexandre Benalla a été placé en garde à vue le 20 juillet pour avoir tabassé un manifestant au sol lors de la fête des travailleurs, le 1er Mai dernier. La vidéo qui le montre se faisant passer pour un membre des forces de police, et abusant de ce pouvoir, fait toujours le buzz. Libéré hier, Benalla a été présenté à un juge d’instruction pour « violences en réunion », mais aussi « usurpation de fonction », « port illégal d’insignes réservés à l’autorité publique », et enfin « complicité de détournement d’images de vidéosurveillance ». Les trois policiers ayant transmis les images en question sont eux aussi au cœur du scandale, tout comme Vincent Crase, employé de la République en marche (LaREM) et acolyte de Benalla, lui aussi présent le 1er Mai.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.