Réforme de l’état. CAP 2022 dynamite la fonction publique

Le 22 mai, à l’appel de syndicats, des manifestants parisiens ont battu le pavé pour défendre la fonction publique. T. Nectoux/Gamma Rapho

Le 22 mai, à l’appel de syndicats, des manifestants parisiens ont battu le pavé pour défendre la fonction publique. T. Nectoux/Gamma Rapho

Privatisation de services publics, ouverture à la concurrence, fin du recrutement au statut… telles sont les régressions du rapport CAP 2022 dévoilées, enfin, au grand jour.

Alors que le premier ministre, Édouard Philippe, a refusé de rendre public le rapport Comité d’action publique (CAP) 2022 sur la fonction publique et les services publics, le syndicat Solidaires finances publiques a publié vendredi ce document visant « changer le modèle » de l’action publique. Le texte reprend, sans surprise, des lignes évoquées par le gouvernement et présentes dans le rapport Attali de 2008 : des économies de 5 milliards d’euros sur l’hôpital, la fin du statut des fonctionnaires… CAP 2022 préconise 30 milliards d’euros de baisses de la dépense publique.

1 Destruction du statut des fonctionnaires

Au chapitre intitulé « Changer de modèle », le comité propose de définir un « nouveau contrat social entre l’administration et ses collaborateurs », avec un élargissement du recours au contrat de droit privé comme « voie normale d’accès à certaines fonctions du service public », lit-on. « L’État, générateur de normes en matière de droit du travail, doit s’appliquer les mêmes règles qu’il entend définir pour les autres », osent justifier les « experts ». Les règles du privé devraient s’appliquer dans l’État, notamment avec le déclenchement d’un « plan de départs volontaires » en cas de suppressions de postes. « Toutes ces attaques contre les agent-es et les statuts constituent de nouvelles mises à mal des services publics et de leurs missions d’intérêt général », a dénoncé le syndicat FSU.

2Vers la marchandisation des services publics

Les services publics échappent jusqu’à présent à la logique du privé visant la seule rentabilité. Pour assurer le principe d’égalité d’accès aux citoyens, ils sont gérés par l’État et les collectivités. Ce modèle est remis en cause par CAP 2022 : par exemple, il propose une externalisation des missions du service public aux entreprises et aux start-up, au prétexte de « favoriser l’innovation » et d’augmenter « l’offre ». Ces « experts économiques », dont font partie Laurent Bigorgne et Jean Pisani-Ferry, des proches d’Emmanuel Macron, respectivement directeur du lobby libéral Institut Montaigne et ex-commissaire général à France Stratégie, souhaitent « associer plus étroitement » le privé à la gestion des politiques publiques. Pour ces libéraux, le service public est un marché où règne la libre concurrence : les acteurs privés « peuvent également être encouragés à proposer des offres complémentaires à celles du secteur public ».

3Une ubérisation des services publics

Le rapport 2022 s’inspire largement des plateformes type Uber : après la course, le client coche des étoiles sur son application mobile pour attribuer une note au chauffeur. Les usagers pourraient donner leur avis pour améliorer les « performances » et « l’évaluation » des services publics. Sur le papier, les « experts » souhaitent associer les usagers aux services publics, mais la proposition vise à capitaliser sur le mécontentement des citoyens envers les services publics pour justifier une baisse des crédits. Preuve en est, le rapport préconise de conditionner « une partie » des moyens alloués aux hôpitaux en fonction des avis des usagers.

4Un détricotage de Pôle emploi

Pour rendre l’organisme public « flexible », le comité souhaite supprimer des effectifs en fonction de la baisse du chômage. Une proposition reprise par la ministre du Travail, qui a lancé une « mission » sur le sujet et une « concertation » à la rentrée visant à « simplifier le fonctionnement du service public de l’emploi ». Pour organiser la saignée, près de 4 000 suppressions de postes sont envisagées, selon les syndicats de l’ex-ANPE. Le gouvernement prévoit aussi la fusion de structures de la mission locale au sein de Pôle emploi. Pour la CFDT, première organisation de l’opérateur, « des annonces visant à réduire les effectifs de Pôle emploi ou à expérimenter des hypothèses hasardeuses et dangereuses de fusion entre Pôle emploi et les missions locales ne font que déstabiliser le service public pour l’emploi ». « Les effectifs actuels de Pôle emploi sont insuffisants au regard du niveau élevé de précarité, de chômage et des problématiques d’insertion dans notre pays », a ajouté le syndicat.

Les aides sociales fusionnées

Le rapport CAP 2022 confirme la piste évoquée par l’exécutif concernant la fusion des minima sociaux. Sous couvert de « simplification » et de volonté de mettre fin au non-recours aux prestations sociales, les auteurs du texte préconisent le versement d’une « allocation sociale unique », issue du rapprochement entre les allocations existantes (RSA, AAH, ASS), et de conditionner son montant à la satisfaction de certains critères. Le tout, « de manière à inciter au retour à l’emploi ». Le rapport plaide en outre pour que les allocations familiales ne bénéficient plus qu’à 70 % des familles. Objectif : réaliser « des milliards d’euros » d’économies.

Lola Ruscio

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