Poursuivi par la CGT et Solidaires, l’État vient d’être condamné pour ne pas avoir inscrit dans le droit la prise en compte de ces travailleurs dans les effectifs des entreprises.
Voilà une belle éclaircie dans le ciel sombre des contrats aidés. Par jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris vient de donner raison à la CGT et à Solidaires en condamnant l’État pour ne pas avoir transposé dans le Code du travail une directive européenne incluant les contrats aidés dans les effectifs des entreprises qui les emploient. Derrière son apparence technique, cette décision reconnaît implicitement ces travailleurs comme des salariés à part entière. Ce jugement leur permet surtout d’avoir accès à des droits qui leur étaient jusqu’alors déniés. Les effectifs s’accroissant d’autant, les entreprises peuvent se voir contraintes de se conformer aux seuils sociaux qui donnent droit à la constitution d’instances représentatives du personnel : délégués du personnel, comité d’entreprise, CHSCT et comité social et économique.
Pour les deux syndicats à l’origine de l’action, il ne s’agit pas d’une peccadille. « Alors que certaines entreprises peuvent compter des dizaines, voire des centaines de salariés en contrats aidés, elles n’en dénombrent qu’une poignée en CDI ou CDD classique, ce qui les prive de toute représentation du personnel », notent-ils dans un communiqué. De quoi fournir de nouveaux outils d’action à ces travailleurs dont les contrats dits « aidés », puisque partiellement pris en charge grâce à une aide financière publique, sont remis en cause par les coupes budgétaires gouvernementales. De 400 000 en 2016, leur nombre doit passer à 157 000 à la fin de 2018. Le programme de stabilité transmis fin avril par la France à la Commission européenne prévoit de poursuivre cette attrition au même rythme l’an prochain.
Pour Solidaires et la CGT, il s’agit d’une transposition minimaliste
La France a toujours renâclé à imposer aux employeurs de comptabiliser ces personnels dans leurs effectifs. Une directive européenne datant de 2005 le lui imposait pourtant bien pour « les apprentis, les titulaires d’un contrat initiative-emploi, d’accompagnement dans l’emploi et de professionnalisation ». En 2014, la CGT avait déjà porté la question de la non-conformité du Code du travail français au droit européen devant la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière avait donné raison au syndicat. Mais cette condamnation n’a pas suffi à faire bouger l’État. D’où cette nouvelle procédure portée par la CGT et Solidaires. « Il aura donc fallu treize ans depuis la directive et huit années de combat syndical et judiciaire pour aboutir enfin à ce résultat, déplorent les deux organisations. Encore une fois, lorsqu’il s’agit d’appliquer les décisions ultralibérales de l’Union européenne, les gouvernements successifs sont au garde-à-vous. Mais lorsqu’il s’agit d’appliquer les règles protectrices des salariés, l’urgence se fait moins pressante… »
Cette nouvelle bataille judiciaire ne met pour autant pas fin au conflit avec l’État. Sentant le vent du boulet, le gouvernement a inséré l’article 46 dans son projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui grave dans le Code du travail l’obligation d’« inscrire les titulaires de contrats uniques d’insertion dans le décompte des salariés d’une entreprise dans le champ relatif aux institutions représentatives du personnel ». Pour Solidaires et la CGT, il s’agit d’une transposition minimaliste : « Pour toutes les autres obligations liées à des seuils, ces salariés ne sont pas pris en compte (désignation de délégué syndicaux, établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, montant des indemnités en justice en cas de licenciement illicite, négociations obligatoires…) ».
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