Quelle direction nationale pour le PCF?

Les médias ont largement repris ce qui a malheureusement été dit par certains au conseil national, le choix d’une base commune qui n’est pas celle proposée par l’exécutif ne serait qu’une question de casting… Et les médias évidemment, qui le plus souvent ne relatent de la vie politique que ces péripéties de casting, cherchent des noms, opposant par exemple Pierre Laurent et André Chassaigne.

Les communistes savent bien que le fonds du choix de la base commune était une question de contenu, d’analyse politique, de choix stratégique, et que le travail sur cette base commune du manifeste les mobilise pour un congrès extraordinaire qui doit d’abord construire, partager et donc adopter une nouvelle orientation politique. C’est sur cette base qu’il faudra aussi discuter et définir une direction nationale pour faire vivre cette orientation dans les années qui viennent.

Cependant, ce choix d’une direction, loin d’un casting, doit être préparé pour réussir le congrès. Il ne s’agit pas de reproduire la technique mensongère du mouvement en marche d’un « appel aux candidatures » dont on sait qu’à la fin, c’est l’Elysée qui décide. Il doit s’agir de répondre d’abord à la question « quel parti pour cette stratégie » et donc « quelle direction pour ce parti ».

De ce point de vue, l’annonce par Pierre Laurent de sa candidature était prématurée et parait ainsi précipitée par un choix de base commune qu’il ne veut ou ne peut pas assumer comme secrétaire national. Elle dit en quelque sorte, « je veux continuer à défendre l’orientation que les communistes ont mis en minorité« .

Il paraissait normal alors de montrer qu’il y aurait bien un débat sur la direction nationale au congrès et on peut comprendre que d’autres responsables du parti communiste fasse connaitre leur « disponibilité ». Cela dit, le débat doit d’abord porter sur le rôle et donc le type de direction qui doit être adoptée par le congrès. Le PCF n’a rien à gagner au « bal des égos » que connaissent tous les autres partis politiques.

La base commune propose « un parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire » insistant sur son organisation, son retour dans les entreprises, la formation de ses militants, son rôle internationaliste…
L’enjeu du congrès est bien de faire entendre dans l’immense peuple des abstentionnistes que le parti communiste est de retour, que ça vaut le coup de s’organiser pour résister, et pour réouvrir une issue politique qui ne peut exister sans affirmer le besoin de changement de société. Le choix d’une direction sera un des premiers messages pour rendre visible l’ orientation politique construite dans le congrès.

Les communistes décideront de leur direction

Quelques idées pour contribuer à ce débat nécessaire.

Un ou une dirigeante pour les communistes, pas pour les médias

Ce serait la première erreur pour les communistes, réfléchir d’abord à leur image, espérer au fonds qu’une « personnalité » suffisamment habile pour passer dans les médias viendrait résoudre, presque par miracle, l’enjeu de la visibilité du parti communiste.

On peut rappeler que le plus haut score du PCF à une élection présidentielle était celui de Duclos en 1969, 21,3%, quelques mois après 68 et son défilé médiatique de jeunes qui deviendront souvent « post-modernes » ! Duclos n’avait rien de l’image qui pouvait sembler « tendance », mais il parlait aux ouvriers, aux paysans, et les communistes se sont mobilisés comme jamais pour faire du vote Duclos une immense affirmation de leur force…

Certains diront que Marchais avait cette force médiatique, mais je fais partie de la génération qui peut témoigner de la violence des campagnes médiatiques contre lui dans les années 70, et de la réalité de la campagne militante de 1981, qui remplissait des stades sans faire appel aux prestataires « évènementiels » qu’on a connu depuis chez tous les candidats, pour un résultat qui nous a fait mal à l’époque, mais dont on mesure à postériori la force ! C’est bien le parti qui est le facteur décisif d’un résultat aux élections présidentielles de demain !

Jamais les médias ne feront la force d’un parti communiste, et il vaut presque mieux se faire taper dessus par les médias que d’en espérer de la visibilité. Le traitement récent des perquisitions de la FI montre que même Jean-Luc Mélenchon, dont tout le monde reconnait l’efficacité médiatique, ne peut rien face à des médias aux ordres et prend même le risque de perdre une part de son aura médiatique, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire qu’il perde quoi que ce soit chez ceux qui le soutienne.

Non, nous devrons choisir une direction pour mettre en œuvre une orientation politique, c’est à dire pour faire vivre un conseil national renouvelé, faire progresser l’organisation concrète du parti, remettre en place un suivi régulier, précis, de nos forces, notamment en entreprise, ne pas se contenter de « campagnes » nationales mais construire patiemment, de manière réaliste par rapport à nos forces, leur appropriation par les communistes. L’affaiblissement du parti devrait conduire à mon avis la future direction nationale à une grande tournée de terrain pour animer elle-même la bataille militante de reconstruction du parti, pourquoi pas un programme en un an de 100 rencontres en entreprises, 100 rencontres de quartier, 100 rencontres de pays avec la direction nationale et à chaque fois un programme précis de renforcement en adhésion et en organisation, cellule, animation de section… De ce point de vue, la première qualité des dirigeants que nous devrons choisir, c’est leur caractère de militant de masse, capable de gagner le débat au bugne à bugne devant une entreprise ou un quartier, de gagner un soutien, de transformer un soutien en adhérent, un adhérent en militant, un militant en responsable du parti…

Une ou un dirigeant pour une équipe, pas pour une personnalité

Le deuxième risque dans le choix du secrétaire national, c’est de chercher le « sauveur suprême« , la personnalité incontestable qui résoudrait seule toutes les contradictions entre communistes. La culture communiste est celle du collectif, de l’équipe dans laquelle évidemment chaque personne a une originalité, mais qui place l’équipe au dessus d’elle-même. C’est le contraire d’une organisation en tendance qui personnalise le débat d’idées en les « incarnant » par des dirigeants qui ne sont pas au service de l’équipe, mais au service de leurs idées.

Les communistes se serrent les coudes…

Un communiste sait qu’il peut être en désaccord avec les autres, et que son idée, sa proposition peut ne pas être retenue par le collectif, et que pourtant, c’est bien évidemment la décision du collectif qui est mise en œuvre. Mais il ne cherche alors pas à démontrer que le collectif a tort en espérant rouvrir le débat plus tard ! Non, il contribue à la mise en œuvre, en tenant évidemment compte de sa perception, donc en essayant de prémunir l’action commune de ce qu’il percevait comme une erreur. Et c’est la vie qui tranchera. Et de toute façon, après le retour de l’expérience, la situation ne sera plus tout à fait la même et donc le débat sera différent, et les communistes retrouveront peut-être une autre manière de construire leur unité. Cette dialectique capable de « penser les contradictions » dans leur unité est au cœur de l’originalité communiste.

L’équipe de direction est donc essentielle, plus même que la première personnalité !
D’autant qu’il y aura des nombreux chantiers :
– l’enjeu premier de l’organisation, reconstruire le cœur de l’organisation de proximité, pour permettre aux communistes de gérer les cartes, les cotisations, non, pas en revenant au « cahier du trésorier » des années 50, mais en s’appuyant sur des solutions numériques. Il faut un secrétaire national à l’organisation qui soit un champion de l’organisation !
– l’enjeu de l’entreprise, reconstruire le lien prioritaire du parti avec le monde du travail, au coeur de l’affrontement avec le capital. Il nous faut un secrétaire national aux entreprises capable de reconstruire un collectif national des grandes entreprises…celui que Robert Hue avait dissous dès son arrivée !
– l’enjeu de l’Humanité. Ce qui était le journal du parti reste une force médiatique incontournable pour les communistes. Mais qui peut dire que ce journal est toujours le journal des communistes ? Il est tout autant celui des insoumis, de la gauche de la gauche, des frondeurs socialistes, de l’éco-socialisme… Je ne parle pas de ses lecteurs, car l’Humanité vise à être lue le plus largement possible, mais du de son rôle pour faire vivre les batailles communistes. Le journal est, après l’organisation, la deuxième urgence pour les communistes. Il leur faut mener la bataille idéologique au quotidien, construire un « réseau social » militant qui redevienne le premier réflexe matinal de ceux qui contestent l’ordre établi ! Les communistes ont un besoin vital de refaire de l’Humanité leur journal ! Il faudra une direction de l’Humanité qui porte ce défi, dans un contexte de très grande fragilité économique du journal !
– l’enjeu du lien avec les élus
Les élus communistes restent une des forces essentielles du PCF. Dans les villes ouvrières comme à l’assemblée nationale, ils font entendre, malgré les médias, un autre discours, des propositions qui jouent un grand rôle dans les représentations politiques. Mais trop souvent ces dernières années, le message était brouillé par des hésitations politiques répétées, avec des stratégies électorales à géométrie variable, des élections ou le PCF se fondait avec le PS, ou avec les écologistes, ou avec les insoumis, quand d’autres affirmaient leur autonomie… Sur de nombreux dossiers, de la ZAD de Notre Dame des Landes à l’intervention en Libye, les élus communistes ont été divisés, et parfois, ils ont pris des positions institutionnelles contre l’avis des communistes. Dans le respect de leur propre responsabilité, le PCF devra reconstruire un lien fort entre les élus et le parti, un lien de confiance et de solidarité dans l’action. Les élus ont un urgent besoin de luttes sociales et idéologiques pour rendre utile leur action, les militants ont un immense besoin d’élus pour ouvrir les dossiers, accéder aux études et aux données, interpeller les pouvoirs, bousculer le ronron institutionnel… Bien évidemment, cela commence dès les prochaines élections européennes ou nous avons besoin d’une liste dirigée par le PCF porteur de la colère populaire contre l’Europe de la concurrence de tous contre tous, et ce sera un enjeu décisif des élections locales de 2020 qui seront certainement une étape cruciale dans le démontage encours de la république.

Il y a bien sûr d’autres sujets qui nécessiteront un dirigeant national capable d’impulser le redressement communiste nécessaire, la jeunesse, les rapports avec les autres partis communistes, l’internationalisme, l’unité des travailleurs contre le racisme…

Mais tout cela veut dire que le premier dirigeant doit être d’abord celui qui fera vivre une équipe, loin d’un microcosme et de ses conflits d’égos, une équipe porteur de l’ensemble du parti, de ses générations, de ses régions, de ses origines sociales.

Un ou une dirigeante pour le monde du travail, par pour les 99% !

C’est sans doute le critère le plus important, le plus visible, celui qui peut faire causer dans les médias et celui que les communistes pourront utiliser pour le faire grandir là ou nous voulons reconstruire. De qui le secrétaire national sera le représentant, au-delà des communistes ? de quelles forces sociales ? de quelle France ?

Car on ne peut pas se dire le représentant des 99%, cela n’a pas de sens comme le montre la violence des conflits politiques dans le peuple aux USA, au Venezuela, au Brésil, en Italie, en Russie… Malheureusement le discours des 99% repris par un livre oublié de Pierre Laurent nous masque le fonds de nos difficultés, les contradictions dans le peuple !

Nous les connaissons pourtant bien dans les tensions entre urbain et rural, entre urbain et péri-urbain, rural et néo-rural… Nous les connaissons bien entre quartiers populaires et gentrification des cœurs de ville, y compris dans la région parisienne de certaines de nos villes. Un exemple qui m’a toujours frappé, peu de communistes ont pris conscience que le tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque sur le toit des maisons particulières, revenait à faire subventionner des classes aisées par les factures de tous, y compris des bénéficiaires des tarifs sociaux ! De fait, il faut toujours revenir à ce qu’on appelait une « lecture de classe », en cherchant qui profite et qui paie…

Le PCF organise une journée populaire à la mer…

De ce point de vue, un enjeu premier du congrès est d’engager le retour du parti communiste dans le monde ouvrier, les quartiers populaires, le monde du travail en général. Ce n’est pas une question de casting, il ne s’agit pas de dire, « on cherche une ouvrière de parents immigrés de 40 ans… » C’est une question politique. Il s’agit de savoir qui peut représenter ce choix stratégique d’un retour vers le monde du travail, d’une décision politique de mener une bataille acharnée pour reconstruire le parti dans le monde du travail, et donc que le monde du travail tel qu’il est, les ouvriers, les employés, les techniciens, les ingénieurs… puissent entendre que le PCF est fait pour leur parler, pour leur donner la parole.

Bref, une ou un dirigeant communiste pour le parti du XXIème siècle !

Un dirigeant qui fasse vivre une équipe au travail avec les communistes pour reconstruire le PCF, un dirigeant qui porte la colère populaire, celle de cette France périphérique qui voit le territoire se fracturer, celle de cette France populaire qui ne croie pas au ruissellement des premiers de cordées, celle de cette France du travail qui ne croit pas à la France start-up…

Pierre-Alain Millet

http://lepcf.fr/Quelle-direction-nationale-pour-le-PCF


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