Mouvement social. Emmanuel Macron, toujours à côté de ses pompes

Hier, au palais de l’élysée, Emmanuel Macron a pré senté sa stratégie en matière d’environnement. En plein mouvement des gilets jaunes, il martèle qu’il ne changera pas sa politique. Ian Langsdon/Pool/AFP

Hier, au palais de l’élysée, Emmanuel Macron a pré senté sa stratégie en matière d’environnement. En plein mouvement des gilets jaunes, il martèle qu’il ne changera pas sa politique. Ian Langsdon/Pool/AFP

Alors que le président avait annoncé des mesures pour lutter contre l’augmentation du carburant et répondre à la colère sociale des gilets jaunes, tout en continuant la transition énergétique, son discours flou n’a clairement pas été à la hauteur des enjeux.

«Fin du monde » ou « fin du mois », « nous allons traiter les deux ». Le discours d’Emmanuel Macron hier en marge de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie a tenté de concilier écologie populaire et colère sociale grandissante. Poussé dans ses retranchements par les manifestations des gilets jaunes dénonçant la hausse du prix carburant et la baisse du pouvoir d’achat, il a assuré maintenir son cap politique, tout en jetant quelques miettes de mesures aux manifestants.

Un mécanisme de modulation flou

Sous couvert de « construire une méthode pour rendre plus intelligente la taxe sur les carburants, aujourd’hui un peu aveugle », il propose de « d’avoir tous les trimestres un rendez-vous qui permette en quelque sorte d’atténuer l’effet pour nos concitoyens, s’il devait y avoir une envolée des cours mondiaux ».

Mais ce mécanisme de modulation des taxes en fonction du contexte international reste bien flou. Et pourrait même avoir des effets pervers. Selon Roland Lescure, député LaREM : « Cette taxe en forme d’escalier roulant sera aussi un escalier montant, car les prix doivent continuer de monter dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. » Ce qui laisse présager de nouvelles augmentations de l’essence pour l’avenir…

L’autre réponse consiste en l’ouverture d’une concertation d’une durée de trois mois. Méprisés depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les syndicats, les élus, les associations sont désormais invités à discuter de la transition énergétique et sociale pour sortir l’exécutif de ce mauvais pas. L’idée serait de construire un nouveau modèle économique, social, territorial, en apportant des solutions, des méthodes d’accompagnement. Rien de bien précis donc. Si la CGT et la CFE-CGC ont d’emblée boycotté la présentation d’hier, c’est la désillusion pour les présents. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, déplore une « forme de déception de la faiblesse des mesures annoncées : il n’y a pas pour l’instant de réponses très concrètes ». Même son de cloche pour le nouveau secrétaire général de FO, Yves Veyrier : « J’aimerais que le président de la République intègre un peu plus dans son discours syndicats et salaires, parce que l’augmentation des salaires n’est pas ennemie du climat. » Quant à Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, elle constate qu’« il n’y a pas de réponse au malaise qui s’exprime ».

Du côté des hommes politiques, hors majorité ­LaREM, le discours présidentiel n’est clairement pas à la hauteur. Pour le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, si « l’enjeu écologique est posé sans vraie ambition, l’urgence sociale, elle, est totalement passée sous silence (…) Pourtant, les questions sociales et de justice fiscale sont au cœur des préoccupations et de la colère exprimées. Face à l’absence de réponse, le PCF soutient la journée de manifestation du 1er décembre à l’appel des organisations syndicales ». Jean-Luc Mélenchon, député FI, dresse, lui, un parallèle historique. « Le président nous fait le même effet que de Gaulle en plein Mai 1968. Il ne prend pas la mesure de la gravité de la situation ». L’écologiste Yannick Jadot, un des rares politiques à soutenir la hausse de la fiscalité des carburants proposée par le gouvernement, s’est dit « stupéfait » du manque d’annonces sociales.

Des accents de condescendance

Mais contre vents et marées, le président de la République a martelé qu’il ne changerait pas de politique, mais seulement de méthode, en incluant plus les corps intermédiaires et les Français. Car c’est à cause d’un déficit d’explication que les concitoyens auraient mal interprété certaines décisions… « Il faut ouvrir un nouveau chapitre, faire preuve de pédagogie. Il faut apporter des solutions pragmatiques au plus près du terrain. Pendant des années, on a considéré que vous (les Français) n’étiez pas assez importants pour participer aux solutions. Cette crise ne vient pas que des prix du carburant, il y a quelque chose qui vient de plus loin. Il faut donc bâtir un nouveau contrat social du XXIe siècle. » S’il tente de s’éloigner de son image de président hautain, le discours a parfois des accents de condescendance. « Le chèque énergétique, les gens ne savent pas ce que c’est, et moi non plus (sic). Si on n’est pas concret, simple, les gens ne l’utilisent pas », développe Emmanuel Macron.

Cette tentative de réconciliation avec les classes populaires, à mille lieues des déclarations insultantes de la majorité ce week-end sur les gilets jaunes, se double tout de même d’un avertissement. « Chaque citoyen est nécessaire, il n’y a pas de changement qui se fait en méprisant un seul citoyen. Ça suppose le respect. La décence commune s’impose dans le pays. Notre nation est plus grande que chacun d’entre nous. Cette France qui a peur des changements, on ne peut pas estimer qu’on les fera malgré elle ou sans elle. » Mais cette avalanche de bons mots n’a pas semblé convaincre les gilets jaunes. « Macron garde le cap, nous aussi », clamaient hier une cinquantaine d’entre eux, installés sur un rond-point de Trégueux (Côtes-d’Armor), entendant bien « continuer le combat, jusqu’à ce qu’il cède ».

Cécile Rousseau, avec Lionel Venturini et Aurélien Soucheyre.
Climat : « un signal extrêmement négatif »

Ni la création d’un Haut Conseil pour le climat ni un slogan clinquant n’arriveront plus à masquer l’aveu de renoncement formulé hier : la France prévoit d’ores et déjà de dépasser de 6 % le budget carbone qu’elle s’était assigné pour 2023. Autrement dit, à cette date, ses émissions de gaz à effet de serre excéderont nettement ceux prévus par la trajectoire qu’elle s’est engagée à suivre dans le cadre de l’accord de Paris. La chose est actée noir sur blanc dans la nouvelle stratégie nationale bas carbone, présentée en même temps que la PPE. « À quelques jours de la COP24, cela envoie un signal extrêmement négatif aux autres pays », relève Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace. Ce n’est pas une première : en 2017, déjà, la France a dépassé de 7 % ses objectifs de réduction de CO2. Globalement, ses émissions repartent à la hausse depuis 2016.


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