À Versailles, Macron fait la cour aux grands patrons

Les trois milliards et demi d’euros d’investissement promis l’an passé représentent cinq cents millions d’euros de moins que ce que rapportait, seul, feu l’impôt sur la grande fortune. Liewig/Pool/Sipa

Les trois milliards et demi d’euros d’investissement promis l’an passé représentent cinq cents millions d’euros de moins que ce que rapportait, seul, feu l’impôt sur la grande fortune. Liewig/Pool/Sipa

Alors que le chef de l’État convie, ce lundi, 150 grands patrons à son événement Choose France, Attac dénonce l’impact négatif des sociétés du CAC 40 sur l’économie française. La CGT appelle à manifester.

Emmanuel Macron choisit ses rendez-vous avec goût. C’est ce lundi 21 janvier, date anniversaire de la décapitation de Louis XVI par les révolutionnaires, que le président jupitérien reçoit sous les ors du château de Versailles le gratin de la finance et de l’industrie. À la veille du Forum économique mondial de Davos, 150 dirigeants de multinationales étrangères et françaises sont attendus pour la deuxième édition de son événement, Choose France, en anglais dans le titre.

Pour ce « sommet de l’attractivité de la France », le chef de l’État a convoqué le ban et l’arrière-ban de son gouvernement à fouler les tapis rouges versaillais. Tout ce beau monde, renforcé par plusieurs présidents de région, est censé faire la cour à cette floppée de grands patrons en route pour la Suisse. Près de 400 rencontres bilatérales doivent se tenir, de même que des ateliers sur l’intelligence artificielle ou le Brexit. En VRP autoproclamé de l’« entreprise France », Emmanuel Macron recevra les dirigeants de Microsoft, Mittal, General Electric on Snapchat, Procter & Gamble, ainsi qu’Aliko Dangote, la première fortune africaine à la tête du conglomérat nigérian éponyme.

En recevant les grands patrons, le président compte faire valoir tous les cadeaux qu’il leur a offerts pour les inciter à investir en France. Ses services parlent de « faire de la pédagogie sur les réformes économiques menées depuis dix-huit mois et sur ce qui reste à faire ». Malgré les revendications sociales des gilets jaunes, Emmanuel Macron ne prévoit aucun changement de cap : « Pour les investisseurs et les agents économiques, la stabilité et la prévisibilité sont très importantes. Donner des gages, des garanties de stabilité, est important pour le président », assure son entourage. L’an dernier, le premier sommet Choose France avait promis trois milliards et demi d’euros d’investissement, de la part de six grands patrons sur les 140 réunis. Un an après, les promesses ont été tenues, estime la présidence de la République, s’appuyant sur un recensement effectué par Business France de 340 projets d’investissement français ou internationaux de plus de dix millions d’euros réalisés depuis dix-huit mois. Combien tirent-ils leur origine du premier grand raout business à Versailles ? Mystère. Et ces trois milliards et demi d’euros représentent cinq cents millions d’euros de moins que ce que rapportait, seul, feu l’impôt sur la grande fortune.

Des entreprises qui créent bien de la richesse, mais qui s’évapore aussi vite

Pas sûr que faire la cour à ce point aux grands patrons rapporte. Un décompte d’Attac, publié hier, jette un voile sombre sur l’apport des grands groupes du CAC 40 à l’économie française. Ces entreprises créent bien de la richesse, mais qui s’évapore aussi vite. Côté pile, entre 2010 et 2017, leurs bénéfices cumulés ont augmenté de 9,3 %. Côté face, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 44 % en valeur absolue, le salaire moyen de leur pdg a atteint 4,68 millions d’euros. Soit « 257 fois le Smic par an et 119 fois plus que la moyenne de la rémunération de leurs salariés », dénonce l’association. Et les impôts versés par ces grandes écuries du CAC 40 ont baissé de 6,4 % en valeur absolue. La faute à leurs quelque 2 500 filiales déclarées dans des territoires identifiés comme des paradis fiscaux ? Autre statistique lourde de sens, les effectifs de ces multinationales cotées à Paris ont fondu de 20 % et leurs investissements, hors secteur des banques-assurances, ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2007, à soixante-neuf milliards d’euros contre soixante-quinze milliards dix ans plus tôt. « La révolte sociale qui secoue la France depuis fin 2018 a pour revendications principales la défense du pouvoir d’achat, la justice fiscale, sociale et écologique. Autant d’exigences légitimes auxquelles les grandes entreprises du CAC 40 tournent le dos ! » fustige Attac. « Ces multinationales, actrices principales de la mondialisation, ne manqueront pas de prononcer, cette année encore, au sommet de Davos, de belles déclarations sur leurs responsabilités sociale et environnementale qui ne devraient pas tromper les 99 % qui en subissent les effets délétères », lit-on dans le rapport. De ces injustices, le « président des riches », comme le surnomment les opposants d’Emmanuel Macron, ne devrait en piper mot à ses convives versaillais. C’est compter sans la CGT Île-de-France, qui appelle à manifester aujourd’hui devant le château de Versailles.

Lola Ruscio

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