Retraites : 7e rassemblement, détermination toujours intacte in Reporterre

Elles étaient encore nombreuses et nombreux à manifester, vendredi 24 janvier, contre la réforme des retraites. Pendant toute la journée, Reporterre a suivi plusieurs enseignants, particulièrement mobilisés, et symboles de ce mouvement qui rejette autant la réforme que les politiques des gouvernements précédents et actuel.

- Paris, reportage

C’est une septième journée de manifestation qui ressemble à s’y méprendre aux précédentes. Mêmes chants appelant à continuer la lutte, mêmes pancartes empreintes de colère… Et même détermination. Ce vendredi 24 janvier, les Français ont encore été nombreux à manifester contre le projet de réforme des retraites : 249.000 d’après le ministère de l’Intérieur et 1,3 million selon la CGT.

À Paris, le ministère a comptabilisé 31.000 manifestants tandis que le syndicat en a revendiqué 350.000. Des chiffres inférieurs aux journées du début du mouvement, au mois de décembre, mais en légère hausse par rapport à la semaine précédente. « On vit un moment inédit, se réjouit Nicolas, professeur des écoles à Paris. On est au 51e jour du mouvement depuis le 5 décembre, ça ne s’est jamais vu. J’entends qu’il y a des essoufflements à droite à gauche, mais il y a quand même une mobilisation très forte dans tous les secteurs. »

Pour Nicolas, la journée de lutte a commencé avant même le rassemblement. Une assemblée générale intersyndicale des enseignants du premier degré (maternelle et primaire) se tenait dans les locaux de la Bourse du Travail, durant la matinée.

L’assemblée générale des professeurs.

L’occasion de faire le point sur l’organisation interne des grévistes (comment redistribuer équitablement l’argent de la caisse de grève ?) et sur les modes d’actions à venir. « On participe à des actions de blocage dans des collèges », a témoigné un professeur du 18e arrondissement. « On aimerait construire des murs de livres pour bloquer le rectorat », renchérit une institutrice du 14e. Pendant près de deux heures, les quelque 100 enseignants ont discuté (et disputé) autour de la marche à suivre pour faire durer le mouvement le plus longtemps possible, avant de rejoindre les autres manifestants place de la République.

« Cette réforme des retraites, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase »

Là, l’ambiance oscille entre fête et colère. Des professeurs de l’école primaire de Bezons (Val-d’Oise) s’engagent dans la marche, la mine joyeuse mais déterminée. Au-dessus de leurs têtes : une pancarte siglée « Ave Blanquer, les 99,9 % te saluent », en référence à cette phrase du ministre de l’Éducation nationale, qui affirmait que 99,9 % des enseignants pensaient qu’ « on peut aimer son métier et ne pas perturber les choses. »

Claire, une des institutrices, exprime d’emblée son dégoût pour le projet de réforme : « On va perdre tellement d’argent sur notre retraite que ce serait difficile d’être pour, lâche-t-elle d’un ton sarcastique. On ne va pas dire qu’on a envie de perdre 800 euros de pension de retraite par mois ! » « J’imagine très mal un enseignant devant une classe à 64 ans ou plus, critique à son tour Gaëlle, directrice de l’établissement de Bezons. C’est aussi une dégradation des conditions de travail pour les enfants, parce que le prof ne pourra pas tenir sa classe, la discipline, le dynamisme. L’enseignant de 64 ans il n’aura pas la pêche pour répondre aux parents qui sont de plus en plus agressifs. »

Christine : « On est des profs en survie ».

Blottie dans une couverture isothermique dorée un peu plus loin, Christine ne passe pas inaperçue. Lorsqu’on interroge cette institutrice à l’école primaire de Noisiel (Seine-et-Marne) sur son choix de tenue, elle répond, laconique : « On est des profs en survie. » À quelques mètres, Davy, professeur d’EPS dans un collège des Ulis (Essonne) évoque la dégradation des conditions de travail, pour les enseignants comme pour les élèves. « On nous demande de déborder de nos fonctions de base, de faire de l’administratif par exemple, explique-t-il. On fait des heures supplémentaires, on a des classes surchargées. Cette réforme des retraites, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. »

Audrey Bourlet : « On est un peu fatigués, mais les actions continuent dans tous les coins ».

« Les chiffres des grévistes baissent un peu depuis le 5 décembre, admet Audrey Bourlet, institutrice en maternelle dans le 19e arrondissement. On est un peu fatigués, les sous commencent à manquer. Mais il y a d’autres actions possibles, les gens continuent d’en faire dans tous les coins. » Le mercredi 22 janvier, des professeurs ont ainsi manifesté devant le rectorat de Lyon et détruit de nombreux manuels, rendus obsolètes par la réforme du baccalauréat. D’autres encore ont pris part aux marches aux flambeaux, jeudi 23 janvier. Les enseignants sont le symbole même que cette mobilisation n’est pas uniquement un rejet de la réforme des retraites : c’est un ras-le-bol général, un cri du cœur contre la précarité, la privatisation de l’enseignement, les difficiles conditions de travail…

Dans les cortèges de la manifestation, ce vendredi 24 janvier, les secteurs de métiers étaient tous très différents, mais leurs revendications se recoupaient. « On ne veut pas bosser jusqu’à un âge impossible et on veut avoir une vraie retraite, clament d’une même voix Elodie, Laurette et Olivier, employés polyvalents au Flunch de Compiègne. On n’est pas en grève que pour nous, on l’est aussi pour tous les autres métiers. On y croit encore [au retrait de la réforme], sinon on ne serait pas là aujourd’hui. » Malgré l’impression de déjà-vu que peut laisser cette septième journée de manifestation, force est de constater que la motivation et l’énergie des participants ne faiblit pas une seconde.

Les cheminots, « stars » du mouvement.

À l’approche de la fin du parcours, place de la Concorde, le soleil se couche sur les cortèges. La lumière fond sur les cheminots et les salariés de la RATP, les « stars » de ce mouvement de contestation. Même si depuis décembre, beaucoup d’autres secteurs professionnels ont fait connaître leur mécontentement et ont manifesté une fois de plus, ce vendredi 24 janvier : les employés de l’Opéra de Paris, ceux de la Bibliothèque nationale de France, les avocats, les égoutiers…

À quelques mètres de l’arrivée, derrière une grande banderole « Le musée du Louvre en grève », Mehenna, agent de surveillance, partage le mélange ambiant d’enthousiasme et de frustration. « On est en grève depuis le 5 décembre, on est déterminés pour aller jusqu’au bout, explique-t-il, la voix teintée d’espoir. Cette réforme, la majorité des Français n’en veut pas. Il y a un certain acharnement du gouvernement à vouloir le passer en force. » Son collègue Joachim, agent d’accueil, enchaîne : « Faire grève et manifester, c’est un peu fatigant mais c’est le seul moyen qu’on a pour montrer notre mécontentement de façon démocratique. Si on veut que ça aboutisse, il faut que les gens continuent de le dire. »

« C’est pas le mouvement qui faiblit, c’est la démocratie ».

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