Le gouvernement face à la crise sanitaire dans les établissements in Caf. Péda.

Une semaine après la décision de mettre les lycées en mi groupes, le gouvernement pourrait encore revoir l’organisation scolaire. Sous la pression de l’épidémie et des chiffres de contamination chez les élèves dévoilés par la Santé, il doit décider le 12 novembre du maintien des enseignements ou non dans les lycées et peut-être aussi les collèges. Faute d’avoir mis en place un protocole sanitaire viable et devant la mobilisation des enseignants et de l’opinion, le gouvernement se trouve dans une impasse sanitaire dont il doit sortir. Il aura à choisir entre privilégier le maintien de l’activité économique et fermer les lycées ou la santé , et passer les collèges en mi-groupes. A moins qu’il emprunte la voie belge…

Un conseil de défense le 12 novembre

« Oui nous sommes prêts à faire évoluer encore le curseur ». La  petite phrase de JM Blanquer à l’Assemblée nationale le 10 novembre donne à  penser que le ministre de l’éducation nationale est prêt une nouvelle fois à céder.

Le gouvernement réunit le 12 novembre un conseil de défense qui devrait prendre des décisions pour le système scolaire. La question de la fermeture des lycées est à l’étude. Mais celle des collèges devrait aussi être discutée, les mêmes maux créant les mêmes situations.

L’épidémie se propage par les élèves

Cette réunion découle de la situation sanitaire. Alors que le ministère affiche moins d’élèves contaminés à l’issue de cette première semaine de cours, le ministère de la santé donne des chiffres très alarmants. Quand le ministère annonce 3528 élèves contaminés durant la semaine (école, collège et lycée), le ministère de la santé en compte 3200 dans le premier degré et 14 00 dans le second degré pour les seules deux journées des 3 et 4 novembre. Ces jeunes contaminés ramènent chez eux la maladie et comme ils sont souvent asymptomatiques ils ont tout loisir de partager le virus en familles.

Pourquoi cette propagation ?

Comment en est-on arrivé là ? Les enseignants l’ont suffisamment expliqué le 10 novembre à l’occasion d’une grève plutôt suivie dans les collèges. Le protocole sanitaire « durci » pour cette rentrée de Toussaint est trop peu contraignant. Les sources de contamination n’ont pas été atteintes. Entasser 30 à 35 élèves dans de petites salles avec des élèves et des enseignants qui ne disposent que d’un masque de fortune, quand les plus jeunes n’oublient pas de porter correctement leur masque correctement, c’est créer un milieu favorable à la contagion. C’est encore pire dans la cour ou à la cantine où le masque est retiré alors que l’entassement des élèves est le même. Dans ces lieux le brassage des élèves reste la règle et c’est très souvent aussi le cas dans les couloirs. La définition laxiste des cas contacts associée au brassage interdit tout combat sérieux contre la propagation de la maladie.

La décision de passer en mi groupe diminue fortement les risques pour les lycées. C’est notamment le cas pour les établissements qui ont opté pour une alternance par demi journée. Ils limitent ainsi de façon importante en zone urbaine la fréquentation de la cantine. Mais la réforme du lycée a institutionnalisé le brassage avec les enseignements de spécialité. Après la cantine c’est la seconde opportunité de véhiculer le virus dans l’établissement.

La situation n’est pas meilleure dans les collèges

La situation est-elle meilleure en collège ? Certes le brassage y est moins institutionnalisé qu’an lycée où la moitié des enseignements mélangent les classes. Mais le brassage est aussi institutionnalisé dans les cours de langues où plusieurs classes sont regroupées. En voulant , comme pour la réforme du lycée, avoir un gestion plus économique on a ouvert des autoroutes à l’épidémie. Les collégiens connaissent eux aussi des cantines surchargées où les élèves sont entassés. Ils vivent toute la journée dans des espaces à très forte densité humaine : salles de classe, couloirs et même souvent cours de récréation. Ils sont moins conscients des risques et moins symptomatiques.

Enfin, sous la même pression budgétaire, la taille des collèges a augmenté pour flirter avec celle des lycées. La majorité des lycées comptent entre 500 et 1200 élèves (863 établissements) , seulement 569 dépassent les 1200. Pour les collèges la fourchette est entre 300 et 700 élèves avec 1893 établissements entre 300 et 500 et 1857 entre 500 et 700. Au delà on compte encore 800 collèges de plus de 700 élèves. ON a donc des brassages de grande dimension également au collège.

Les choix envisagés

Le choix du gouvernement pourrait être prioritairement de fermer les lycées. Cela fermerait la porte à la contamination lors des enseignements de spécialité. Mais dès le passage à 50% de présentiel ces enseignements se retrouvent généralement avec des demi groupes. Donc le gain à attendre de cette mesure, pour l’épidémie, est faible.

Le second choix c’est de passer aussi les collèges en mi groupe. C’est ce qu’a décidé la Belgique francophone pour sa rentrée du 16 novembre (à partir de la 4ème). Diminuer de moitié les enseignements au collège c’est éliminer un foyer de contamination.

Quels inconvénients ?

Mais ces mesures ont aussi des inconvénients. Fermer les lycées n’a pas d’effet sur la production du pays. Les lycéens sont assez grands pour se garder tout seuls. Ce n’est pas le cas des petits collégiens. Le choix belge c’est d’étendre l’enseignement hybride sans affecter la vie des entreprises, les élèves de 4ème et 3ème étant considérés comme assez grands pour se garder seuls.

L’autre inconvénient est éducatif. Les Belges ont préparé la continuité pédagogique. Le basculement dans l’enseignement hybride a été prévu dès juin 2020. Il n’en est rien en France. L’organisation de l’enseignement hybride s’improvise depuis quelques jours dans les établissements, chacun adaptant au mieux la possibilité offerte tardivement par le gouvernement. Résultat : faute de préparation l’enseignement hybride dans la plupart des cas va se traduire par une division par deux des cours reçus par les élèves et un risque accru de décrochage. Le même enseignant ne peut pas à la fois faire cours et enseigner à distance. Et le ministère ne s’est donné, et continue à ne se donner, aucun moyen pour tuiler les choses.

Un ministre qui ne pilote plus

Devant l’Assemblée nationale, le 10 novembre, le ministre de l’éducation nationale s’en tient toujours aux mêmes idées.  » Les études dont nous disposons, même si nous devons rester très prudents, suggèrent que plus un enfant est jeune, moins le risque de contagion est élevé.. Le protocole sanitaire de niveau 1 s’est appliqué en septembre. Ce fut une réussite, puisque nous avons pu faire revenir tous les élèves et tous les professeurs à l’école… Nous pouvons en outre prendre des dispositions pour limiter le brassage au sein des écoles, c’est-à-dire le nombre d’élèves. Nous l’avons fait récemment dans les lycées… Nous avons effectivement travaillé sur les contenus – que chacun peut d’ailleurs consulter sur le site internet de l’éducation nationale –, ainsi que sur les équipements, avec les collectivités locales, pour assurer le meilleur enseignement à distance possible. Je vous confirme que nous sommes prêts à faire de nouveau bouger le curseur, dans un sens ou dans l’autre. Mon objectif, toutefois, est évidemment d’assurer l’ouverture maximale des écoles, parce que c’est ainsi que sera assuré le droit à l’éducation de nos enfants ». Jean Michel Blanquer va même jusqu’à affirmer qu’il y a eu moins de décrocheurs en 2020 qu’en 2019. Alors que la participation à l’enseignement à distance des élèves pendant le confinement a été très élastique presque partout voire catastrophique en lycée professionnel et que ces derniers ont été loin de récupérer tous leurs élèves au déconfinement.

Passons sur le « travail sur les contenus » alors qu’il y a eu alourdissement en français (en grammaire) et que les professeurs demandent des allègements et sur l’impréparation pour les équipements. JM BLanquer annonce qu’il a en stock 6000 ordinateurs pour un prêt aux familles. S’ils existent on est là aussi loin du problème.

Ce que montre surtout cette intervention c’est l’incapacité du ministre à prévoir et organiser la situation. Il reste sur la négation de la transmission par les élèves alors qu’à l’évidence les chiffres de la Santé montrent le contraire. Il n’envisage l’enseignement hybride qu’à contre coeur mais ne peut plus l’écarter.

Les syndicats pour l’ouverture aménagée des établissements

Les syndicats demandent le maintien des enseignements mais avec un protocole sanitaire réellement protecteur. « Toute fermeture serait une catastrophe éducative », a déclaré sur BFM Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du Snes Fsu. « On a bien vu à quel point on pouvait perdre des élèves pendant le confinement ». « A chaque fois qu’on entre dans une logique de distanciel, on creuse les écarts entre les élèves à l’aise scolairement et les plus en difficulté, et les élèves à l’aise socialement et les plus en difficulté », dit Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du Snpden sur le même média.

Choisir la santé ou l’économie ?

Le 12 novembre le gouvernement n’aura pas à choisir entre la meilleure et la moins bonne organisation pédagogique. Faute de préparation, tous les choix pédagogiques seront mauvais. S’il ne réduit pas les groupes d’élèves en collège il devra faire face aux retraits de précaution des parents et à la désorganisation des enseignements du fait des élèves et des enseignants malades.

Il va avoir à choisir entre privilégier la santé , c’est à diminuer les risques au collège en diminuant les groupes  ou le maintien de l’activité économique et par exemple fermer les seuls lycées. C’est un choix apparent car la propagation de la maladie aura au final des effets économiques sévères. A moins qu’il opte pour la voie belge …

François Jarraud

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