Pascal Serrier, figure des Gilets jaunes de Montauban et patron du pressing Sapiac : « Il y a un ras-le-bol général » In DDM

NDLR de MAC: intelligence et solidarité au quotidien… Patron artisan ou pas, Pascal (Et sa femme) sont exemplaires dans leurs combats! Merci à Eux mais aussi à l’association « Masques pour Montauban »

Près de 18 000 masques ont été donnés par Pascal et sa femme.
Près de 18 000 masques ont été donnés par Pascal et sa femme. Photo DDM, L.R.

Figure des Gilets jaunes sur Montauban, Pascal Serrier est également le patron du pressing de Sapiac. Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, lui et sa femme distribuent gratuitement des masques pour qui le demande.

Combien de masques avez-vous donnés depuis le début de l’épidémie ?

On est à un peu plus de 18 000 masques. Il y a eu une baisse de demandes au déconfinement mais c’est vite reparti à la hausse. Ce sont souvent des femmes isolées avec des enfants ou des personnes à mobilité réduite qui viennent nous en demander. Depuis peu, on fait aussi des surblouses. On va aller en donner 50 à l’Ehpad d’Agen.

Comment arrivez-vous à maintenir la cadence depuis la première vague ?

On fournit du tissu à des couturières qui font les masques. Certaines ont arrêté, d’autres ont continué et de nouvelles ont pris le relais. Elles se manifestent d’elles-mêmes.

Comment faites-vous face à l’épidémie ?

On prend énormément de précautions : je me change deux fois par jour. Quand on va dans les Ephad ou les cliniques, on y reste le moins de temps possible pour croiser le moins de personnes. On a complètement modifié notre travail.

Vous qui passez dans les Ehpad et les cliniques, quel est le moral des personnes que vous y rencontrez ?

Pour les cliniques, à chaque fois que l’on va dans une chambre, on sent qu’il faut remonter le moral. C’est flagrant. Il y a un an, je n’avais pas du tout cette impression. C’est pesant et anxiogène pour eux. Je vais dans les Ehpad lors des repas pour essayer de croiser le moins de personnes possible. Face à des centenaires, c’est compliqué de leur remonter le moral parce qu’ils en ont assez et pensent que la situation est exagérée. J’ai vu plus de personnes âgées mourir de solitude que du coronavirus.

Votre pressing est à l’entrée du centre commercial, quel est l’état d’esprit des commerçants et des clients ?

Très souvent, les gens en ont assez. Le premier confinement était plein de bienveillance et de solidarité, pour le deuxième, c’est un ras-le-bol général qui arrive. Il y a une lassitude, on n’en voit pas le bout. Les clients qui ne travaillent pas ont besoin de contact, de rapports humains parce qu’ils ne voient personne. Ils ont besoin qu’on leur remonte le moral. Ils prennent aussi de nos nouvelles. Ce qui est compliqué pour eux comme pour nous, c’est de ne pas avoir de perspectives. Nous qui sommes ouverts, on doit rassurer et être optimistes, notamment avec les aides de l’Etat et le vaccin qui arrive.

Vous étiez très engagé pendant les Gilets jaunes, quel regard portez-vous sur ce mouvement aujourd’hui ?

À la vue de ce qui se passe, on voit bien qu’il y avait une légitimité. Il y a bien une France du « CAC 40 » pour qui ça se passe très bien et celle des gens qui travaillent durement et pour qui c’est compliqué. Les inégalités se creusent. Mon regard sur cette situation n’a pas changé. Les libertés régressent comme par exemple filmer un policier. On est de plus en plus contrôlés et on sent cette pression.

Espérez-vous un retour des Gilets jaunes ?

Le vrai souci, ce n’est pas de savoir s’il y aura un nouveau mouvement. S’il y a trop d’inégalités et que la population le ressent durement, c’est évident qu’il y aura un nouveau mouvement. Ce que l’on peut regretter, c’est que le mouvement soit allé dans tous les sens mais n’est-ce pas le reflet de la France ? On a bien vu que les « premières lignes » comme les caissières, les agents de sécurité, les femmes de ménages, les infirmières, etc. ont eu l’impression d’être les métiers du rebut. Se sont joints à cela les professeurs qui devraient avoir des métiers plus valorisés. Je suis peut-être mal placé car je suis commerçant mais j’ai la vision des deux bords.

D’ailleurs, la vision des commerçants et des manifestants s’opposaient régulièrement

C’est vrai. J’ai eu des reproches mais je suis peut-être un commerçant différent. Je n’aime pas les inégalités. Tout de même je les comprends quand on est impacté toutes les semaines. Mais la casse est inévitable et il y en aura de plus en plus car la société devient plus violente. Aujourd’hui, les commerçants voient bien qu’eux-mêmes se retrouvent dans une spirale dénuée d’humanité. C’est compliqué pour eux. Ne va-t-on pas voir des commerçants dans la rue maintenant qu’ils sont eux aussi au pied du mur ? Ce qui me surprend, c’est comment on arrive à trouver tous ces milliards alors que pendant les Gilets jaunes, seulement quelques millions ont été distribués à quelques-uns. Quand ça va mal, on arrive bien à les trouver les milliards. En fait, le Covid-19 a fait ressortir toutes les inégalités que les Gilets jaunes ont criées dans la rue. On va accentuer les inégalités qui vont créer de nouveaux mouvements, c’est inévitable.

Louis Rayssac

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