par André Chassaigne
Monsieur le Président de la République,
J’ai pris connaissance de la déclaration de l’Elysée suite au décès de Diégo Maradona. Très bien écrite par une plume bien inspirée, développant une belle maîtrise de la science sportive, traduisant la prise en compte de ce que représentait Diego Maradona pour le peuple argentin et au-delà par sa dimension de citoyen du monde.
Quant aux dérives soulevées par certains médias sur des liaisons douteuses de Maradona, elles sont opportunément occultées par la plume élyséenne. Les mots d’un Président de la République se doivent en effet d’être à la hauteur de la fonction et ne pas verser dans la médiocrité.
Mais le naturel reprenant le dessus, la brillante plume n’a pu éviter le grain de sable dans la machine bien huilée, convoquant un prêt à penser de basse politique inspiré de la doxa présidentielle : « Ce goût du peuple, Diego Maradona le vivra aussi hors des terrains. Mais ses expéditions auprès de Fidel Castro comme de Hugo Chavez auront le goût d’une défaite amère. C’est bien sur les terrains que Maradona a fait la révolution ».
Quelle « défaite amère » ? Celle de ne pas voir l’avenir à genoux en laissant le pouvoir à une main étrangère ? Cette lamentable tribulation de contrebande idéologique est bien éloignée des si belles pages d’un Pablo Neruda ou d’un Gabriel Garcia Marquez qui affirmait « S’il n’y avait pas eu Cuba, les Etats-Unis s’étendraient jusqu’à la Patagonie ».
Pourquoi, Monsieur le Président, reprenez-vous à votre compte les discours haineux d’un Donald Trump et des faucons des Etats-Unis contre la révolution cubaine, conduite par Fidel Castro, et la révolution bolivarienne d’Hugo Chavez ?
Comment pouvez-vous nier la politique de ceux que Maradona qualifiait si bien de « shérifs de la planète » piétinant les peuples d’Amérique du Sud et les livrant à des aventuriers sans scrupules, comme il y a peu en Bolivie et toujours avec Bolsonaro au Brésil, et tant d’autres sur ce continent ?
Comment nier l’asphyxie voulue par les Etats-Unis qui organisent en toute illégalité depuis 60 ans un blocus aux terribles conséquences, renforcé avec brutalité par le Président Trump, et dont l’extraterritorialité est imposée à tous les Etats du monde ? La France s’associe pourtant chaque année à la condamnation de l’embargo par l’ONU.
Comment insulter ainsi à la fois les engagements de Maradona au côté des plus démunis et les actions de solidarité du gouvernement cubain et de son peuple, qui apportent depuis des décennies leur aide médicale dans tant de pays du monde ?
Comment mépriser ainsi en pleine crise sanitaire mondiale la mobilisation actuelle des brigades médicales cubaines Henry Reeve qui sont intervenues depuis le début de la pandémie de la Covid-19 sur tous les continents, dans 45 états, dont la France en Martinique, soignant 4 millions de personnes et en sauvant plus de 89 000 ? Au point que des milliers de voix, dont des parlementaires français, sollicitent pour ces actions l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2021.
Monsieur le Président, je suis de celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui ont aujourd’hui mal à la France par la politique que vous conduisez et le climat délétère qu’elle engendre. A cela s’ajoute le rabaissement de la France : si un simple paragraphe dans un communiqué est révélateur d’un parti pris pour les plus puissants de notre planète et d’un mépris pour ceux qui leur résistent, il participe aussi à déprécier l’image de notre pays aux yeux de tant de peuples du monde.
Les engagements de Maradona pour l’émancipation des peuples méritaient bien mieux que cette lamentable saillie dans l’expression d’un Président de la République.
Sans doute n’aurai-je pas plus de réponse à ce courrier qu’à celui que je vous ai envoyé le 29 août dernier concernant le sort de Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais maintenu en prison dans notre pays par la volonté des Etats-Unis, mais j’ai cependant l’espoir que vous en prendrez connaissance.
Persuadé de votre écoute attentive, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.
André CHASSAIGNE
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