Winnie Mandela, figure anti-apartheid

Winnie Mandela, au congrès de l’ANC le 16 décembre 2017. Mujahid Safodien/AFP

Winnie Mandela, au congrès de l’ANC le 16 décembre 2017. Mujahid Safodien/AFP

Personnage controversé de l’ANC, et ex-épouse de Nelson Mandela, la militante intransigeante des droits des Noirs est décédée ce lundi 2 avril.

Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela alias Winnie Mandela est morte hier à Johannesburg. À 81 ans, cette figure historique de l’ANC (Congrès national africain) laisse derrière elle une image clivante. Mariée à Nelson Mandela en 1958, de dix-huit ans son aîné, cette dirigeante de la lutte anti-apartheid a tout d’abord été une militante engagée avant et pendant les vingt-sept années de prison de son mari. En 1962, après l’arrestation de celui-ci, le régime blanc nationaliste ne lui épargne rien. Pressions sur ses deux filles, irruptions nocturnes dans sa maison de Soweto, menaces répétées, et puis la prison en 1969, pendant 491 jours, avec son lot de tortures et d’humiliations.

Winnie Mandela devient bientôt une figure centrale de l’ANC. Surnommée « la mère de la nation », elle voit pourtant sa réputation écornée au sein même de son propre camp lorsque, le 13 avril 1985, lors d’un discours à Munsieville, elle justifie le supplice du « collier », un pneu enflammé autour du cou des « traîtres » noirs. « Avec nos boîtes d’allumettes et nos pneus enflammés, nous libérerons ce pays ! » avait-elle alors déclamé. Plusieurs centaines de supposés « indics » mourront ainsi dans les années 1980, victimes de rumeurs ou de règlements de comptes.

La perte d’une partie de son aura, après la libération de Nelson Mandela devenu président d’Afrique du Sud, de même que son intransigeance politique auront raison de leur couple. Winnie Mandela est rattrapée par des affaires. Outre ses aventures amoureuses, que le pouvoir blanc avait déjà fortement instrumentalisées pendant la détention de son mari, on lui reproche des faits de corruption. En 1991, elle est reconnue complice dans l’enlèvement de quatre jeunes, dont un est décédé, par sa garde rapprochée du Mandela United football Club (MUFC). L’année suivante, elle est accusée de mauvaise gestion et démise de ses fonctions dirigeantes à l’ANC. En 1998, la Commission de la vérité et de la réconciliation la déclarera même « coupable politiquement et moralement des énormes violations des droits de l’Homme » commises par le MUFC. Il n’empêche, la responsable de l’ANC continue, dans les années 2000, de jouer un rôle majeur dans la politique sud-africaine. Proche du Mouvement de la conscience noire, elle aura, en 2010, des mots très durs pour Nelson Mandela, qu’elle accusera d’avoir bradé le « deal » final. En 2010, elle lui enverra notamment cette flèche : «L’économie est toujours très blanche (…) tant (de Noirs) ont donné leur vie pour la lutte et sont morts sans en avoir été récompensés. »

Stéphane Aubouard

Le 3 avril, le train des ripostes accélère

Photo Julien Jaulin/Hanslucas.com

Photo Julien Jaulin/Hanslucas.com

La mobilisation nationale des cheminots du 22 mars a tourné à la démonstration de force. Et la grève, à l’appel de l’intersyndicale CGT, CFDT, Unsa ferroviaire et SUD rail, s’annonce suivie le 3 avril. Le même jour, un débrayage est annoncé à Air France et dans la collecte des déchets, tandis que le 19 avril, la CGT passe à nouveau à l’action. Le gouvernement craint la contagion…

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Unir les luttes pour faire dérailler les grandes manœuvres de division

Photo Simon Lambert/Haytham-REA.

Photo Simon Lambert/Haytham-REA.

La politique d’Emmanuel Macron est socialement explosive. Jeunes, retraités, salariés du privé comme du public, cheminots, tous sont la cible des réformes libérales du gouvernement. Pour tenter de déminer la colère sociale qui couve, le pouvoir divise donc ces cibles, et tente de les monter les unes contre les autres. Se laisser avoir par cette stratégie serait une erreur. Toutes les catégories sociales qui font les frais de la politique de Macron ont intérêt à unir leurs luttes.

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Cultivons le « tous ensemble »

L’éditorial de Patrick Le Hyaric dans L’huma-dimanche.

Ça craque de partout ! Aucun comptage gouvernemental de manifestants, aucun sondage ne rend réellement compte du haut niveau d’exaspération, de colères souvent rentrées qui parcourt, taraude, bout dans le pays. Des Ehpad aux universités, des hôpitaux aux retraités, des enseignants aux salariés du commerce, des agents des services publics aux cheminots comme à ceux de groupes de la téléphonie, ou des travailleurs « ubérisés » et précarisés, des millions de salariés du public comme du privé ne supportent plus le sort qui leur est fait pendant que les profits et le service aux actionnaires battent des records.

Après les contre-réformes du droit du travail, les attaques contre les chômeurs, la diète imposée aux collectivités locales, voici qu’avec le dépeçage envisagé de la SNCF ou la casse du service public hospitalier, le sentiment croît que c’est tout un monde social qui est en train d’être méthodiquement détruit au détriment de chacune et chacun, dans sa vie professionnelle comme privée. C’est l’intérêt général humain et environnemental qui est en cause.

Pour atteindre ses scélérats objectifs, le pouvoir et surtout ceux qu’il sert comptent sur l’éparpillement, la division de celles et ceux qui s’épuisent au travail, s’acharnant avec de puissants moyens à les détourner des causes et responsables de leurs difficultés. Ils tentent d’accréditer l’idée que les droits sociaux sont des privilèges alors qu’ils sont facteurs d’efficacité sociale et économique. Les vrais privilégiés ont été délivrés de l’ISF et le capital est toujours plus exonéré de ses devoirs envers la collectivité.

Ce sont tous les principes qui présidaient à notre vie sociale, des services publics à l’aménagement du territoire en passant par notre droit d’asile, qui sont bazardés comme de vulgaires entorses au déploiement illimité du profit capitaliste et au maintien de ses structures de domination.

Cela n’a rien à voir avec le statu quo. Vouloir pousser la République sociale plus loin, c’est au contraire répondre aux enjeux proprement révolutionnaires qu’appelle l’ébranlement du capitalisme financier et mondialisé.

Ainsi, les questions en débat autour de la SNCF réclament un saut politique qualitatif pour affronter les défis liés à la sécurité, l’environnement, l’irrigation et la vie des territoires. Est aussi en question la coopération avec les autres pays européens en développant notamment le transport du fret par rail. Le traitement de la dette de la SNCF réclame une autre implication des banques, jusqu’à la Banque centrale européenne qui brûle chaque jour d’énormes masses monétaires qui pourraient servir à créer du mieux-vivre contre la spéculation financière. Le problème de notre entreprise ferroviaire n’est pas le cheminot mais le coût du capital qui étrangle l’entreprise. Le « statut » des cheminots, loin d’être un « privilège », pourrait être un outil de base pour inventer « un statut » garantissant une sécurité dans le travail, la formation, le logement pour toutes et tous.

Il convient tout à la fois de prendre la mesure de l’onde de choc qui se propage au fur et à mesure que s’affaissent la civilisation sociale et le besoin d’aider à développer des actions d’intérêts communs, solidaires, unitaires contre les coups de boutoir du capitalisme agressif qui s’attaque aux besoins humains fondamentaux et aux structures sociales élémentaires : hôpitaux, écoles, réseaux de transports, collectivités locales, sans parler de notre environnement sacrifié et dont on aperçoit désormais chaque semaine le niveau effroyable de dégradation. De ce point de vue, l’unité syndicale est une bonne nouvelle. La déclaration commune des forces de gauche et écologistes aussi.

Mettre en échec les choix macronistes suppose d’ouvrir un nouveau champ pour permettre aux forces sociales de s’emparer des grands enjeux en cause par le débat, l’action et l’élaboration de propositions communes pour le progrès social, écologique et démocratique.

Le printemps social qui, à la suite des mobilisations syndicales, peut éclore du sentiment général d’humiliation et de déconsidération serait l’occasion pour les milieux populaires, le monde du travail, la France ouvrière, celle des quartiers populaires méprisée et rendue invisible par le chômage de masse et les discriminations, de s’affirmer comme acteurs et solutions à la crise multiforme. La conflictualité qui s’aiguise entre toutes les chaînes de production et de travail, de l’ouvrier au cadre déshumanisé, et les exigences de plus en plus folles du capital peuvent conduire à la construction d’un large front de contestation et de propositions. Le tourbillon qui s’est emparé du secteur de la distribution, malmené par les géants transnationaux du digital et rendant salariés, caissières ou magasiniers variables d’ajustement d’un secteur en pleine restructuration, témoigne de cette « croisée des chemins ». La manifestation des salariés de Carrefour, le 31 mars, sera une nouvelle étape sur le front de la contestation globale de ce monde à visage hideux.

Qu’aucune, qu’aucun ouvrier, cadre, créateur, retraité, paysan, infirmier, médecin, enseignant, privé d’emploi ne se sente seul, tous ensemble conscients qu’avec leurs causes communes contre l’actuel ordre social, ils constituent la force pour un autre avenir. À nous de combattre les isolements en donnant vie à la politique du lien, à l’unité populaire.

Patrick Le Hyaric

Directeur de l’Humanité

Joyeuses Pâques: deux cadeaux historiques au privé!

Hier, « Libération » a titré le premier : « scolarisation obligatoire à trois ans : le cadeau discret de Macron au privé ». Mais il existe aussi un autre cadeau, non moins discret : la participation des établissements privés aux examens du baccalauréat via le « contrôle continu » à la sauce Blanquer.

Il aurait été possible d’avoir une  »vraie » simplification du baccalauréat en admettant l’intégration du  »vrai » contrôle continu (c’est à dire les évaluations habituelles faites en première et terminale) pour une part relativement importante de l’examen.

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Strasbourg : l’agression d’étudiants relance la fermeture d’un local d’extrême droite

Affiche du Bastion social, objet de l'agression des étudiants par les identitaires du Bastion social.

Affiche du Bastion social, objet de l’agression des étudiants par les identitaires du Bastion social.

La municipalité de Strasbourg et le président de l’université condamnent l’agression de six étudiants par des militants d’extrême droite, mercredi soir sur le campus universitaire. Partis de gauche, associations et habitants exigent la fermeture de leur local, « l’Arcadia », ouvert en décembre.

« Il faut casser ce mouvement avant qu’il ne gangrène la ville.» Eric Schultz, l’adjoint au maire de Strasbourg chargé des populations, a réagi vigoureusement dès jeudi matin à l’agression dont ont été victimes deux étudiantes, trois étudiants et un lycéen, au cours de la soirée de mercredi, sur le campus universitaire. Alors qu’ils tentaient de décoller des affiches des identitaires du « Bastion social, » appelant à la « préférence nationale », ils ont été agressés par un groupe d’une douzaine de militants d’extrême droite.

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La colère monte dans les facs

Dans un contexte de fortes tensions, à la suite des violences de la semaine dernière, la fronde contre le « plan étudiant » du gouvernement prend de l’ampleur. Elle pourrait franchir un cap avec la journée de mobilisation du 3 avril.

Ils allaient peut-être un peu vite en besogne, ceux qui, au gouvernement et ailleurs, pensaient pouvoir se frotter les mains en observant un mouvement contre le « plan étudiant » qui peinait à prendre son envol. Cette semaine, plusieurs facs ont bel et bien franchi un cap dans la mobilisation – et beaucoup d’éléments semblent réunis pour que les choses ne s’arrêtent pas là.

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Le logement pour tous : une urgence absolue in DDM

Le logement pour tous : une urgence absolue

Un débat avec des intervenants très différents qui a donné un résultat intéressant. Voilà le résumé de la réunion publique, organisée jeudi soir, à la Maison du Peuple, par la Fédération du Parti communiste de Tarn-et-Garonne.

Au menu, avant les questions de la soixantaine de personnes présentes dans la salle, les interventions de quatre personnalités, spécialistes du sujet du logement, venues évoquer la thématique «Un logement pour tous, c’est possible». Eddie Jacquemart, président de la puissante Confédération Nationale du Logement (CNl), Ian Brossat, adjoint (PC) au maire de Paris en charge du logement, Sylvia Pinel, députée radicale de Tarn-et-Garonne et ancienne ministre du Logement et Laurence Pagès, adjointe en charge du dossier à la ville de Montauban.

Le débat, de très bonne tenue, a permis à Eddie Jacquemart, qui représente 70 000 familles de locataires en France de lancer un cri d’alarme : «Nous sommes très inquiets des projets du gouvernement. C’est une attaque sans précédent du logement social. Voilà maintenant 40 ans que nous parlons de la crise du logement et la situation n’est plus tolérable». Selon Eddie Jacquemart «on fait des logements de plus en chers, plus loin et plus petits». Et le président de la CNL de proposer «une loi de progrès social. Il faut construire 250 000 logements par an, demande Eddie Jacquemart. 1, 8 de personnes ont formulé une demande de logement. C’ est énorme».

Sylvia Pinel, qui connaît parfaitement cette réalité, a rappelé son action inlassable en tant que ministre pour le logement social, mettant ce travail en perspective «avec les reculs de la loi de finances 2018», proposée par le gouvernement. Elle a également demandé, comme de nombreux intervenants, dans la salle, de «lutter contre les marchants de sommeil» que l’on trouve partout et aussi dans les cœurs de ville de nos départements… La député n’a pas manqué de souligner que «des outils existent» invitant les élus locaux «qui ont la responsabilité» de la compétence logement à les utiliser pour le bien de leur population.

Ian Brossat, élu de Paris, dont on ne présente plus la tension en matière de logement (prix, densité…), s’est dit fier que la municipalité de gauche «investisse 400 millions d’euros par an dans la production de logement social. Nous menons, à Paris, une politique volontariste, de mixité sociale. Nous ne voulons ni de ghettos de pauvres ni ghettos de riches».

Quant à Laurence Pagès, elle a évidemment défendu la politique menée par la majorité municipale, s’attirant quelques critiques tout en «se disant fière du travail accompli».

Au final, un débat de qualité sur un sujet brûlant…

Rail. Les atteintes au droit de grève à la SNCF portées en justice

Jean-Sébastien Evrard/AFP

Jean-Sébastien Evrard/AFP

Le comité d’entreprise européen du groupe saisit la justice contre le recours à des salariés anglais pendant la grève.

«C’est une première en Europe, ça n’est jamais arrivé », explique David Gobé. Le cheminot, secrétaire CGT du comité d’entreprise européen (CEE) du groupe SNCF, essuie les plâtres. Son instance, qui rassemble 18 organisations syndicales d’Europe, s’apprête à « engager une procédure en référé-liberté pour atteinte au droit de grève », annonce le CEE par communiqué.

En clair : une action en justice contre une administration ou un organisme de service public coupable de porter atteinte à une liberté fondamentale.

L’affaire remonte aux 21 et 22 mars et concerne des salariés britanniques d’Eurostar « sollicités par leurs dirigeants pour remplacer les salariés grévistes aux ateliers du Landy », à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Une pratique autorisée au Royaume-Uni mais interdite en France. « Un droit d’alerte avait d’ailleurs été déposé dès le 21 par le CHSCT du Landy pour absence de plan de prévention garantissant la sécurité des salariés concernés », poursuit le syndicaliste. Face au refus de la direction de reconnaître les faits, le CEE, dont les prérogatives sont uniquement transnationales, a donc décidé de porter l’affaire en justice. « Le comité a toute compétence en la matière et l’objectif est de faire reconnaître que la direction de la SNCF met en place des méthodes clairement antisyndicales, précise David Gobé. Nous avons les preuves nécessaires et attendons encore des témoignages de salariés anglais. »

L’instruction risque de prendre quelques mois, d’autant que le cas ne s’est jamais présenté auparavant. Mais cette affaire s’ajoute à d’autres visant toutes à faire taire la contestation cheminote. Dans ce contexte, « l’ensemble des membres » du CEE ont réaffirmé « toute leur solidarité à la lutte des cheminots français ».

Marion d’Allard, journaliste

Le travail est-il toujours aliénation ?

Entretiens croisés réalisés par Pierre Chaillan
De 1985 à 2015, le chômage a crû de 40 %, mais la population active a crû de 21%, les retraités de 74%. Photo : Getty Images/Science Photo libraury/Istock

De 1985 à 2015, le chômage a crû de 40 %, mais la population active a crû de 21%, les retraités de 74%. Photo : Getty Images/Science Photo libraury/Istock

Table ronde avec Stéphane Haber, professeur de philosophie à l’université Paris Nanterre, directeur adjoint du laboratoire Sophiapol, Claude Didry, directeur de recherche au CNRS, Centre Maurice-Halbwachs, École normale supérieure  et Gaspard Koenig, philosophe et auteur, président du think tank libéral GénérationLibre

Rappel des faits. Dans notre société capitaliste, le travail s’exerce suivant différents rapports sociaux. À l’heure de l’économie globalisée et numérisée – et ses formes dites collaboratives –mais aussi de l’explosion de la précarité, qu’en est-il des rapports d’exploitation et d’aliénation mis en évidence par Marx ? Peut-il permettre a contrario un épanouissement ?

Pour décrire le travail aujourd’hui, on parle de « ressources humaines », de son « coût » ou même de sa « disparition ». Dans notre société capitaliste néolibérale, qu’est-ce qui caractérise, selon vous, les rapports sociaux ? Continuer la lecture de Le travail est-il toujours aliénation ?